On a tout dit de Vlaminck. Qu'il a été coureur cycliste, allumeur de becs de gaz, tzigane, colleur d'affiches.Avec une sollicitude touchante on a mêlé le vrai avec le faux, malaxé le possible et l'impossible, écartelé des boutades, pris la couleur d'une cravate ou la coupe d'un pantalon pour l'expression d'un grand amour, confondu le jeu et l'expérience, pris la colère pour de l'indignation. On n'a vu que ce qu'a bien voulu faire connaître un homme dont c'est la pudeur que de laisser se fourvoyer les autres et dont la noblesse dédaigne de rien proclamer tant elle est soucieuse qu'on la découvre dans son naturel.
Aujourd'hui, Vlaminck a éprouvé la faiblesse du fauvisme. Il y avait été entraîné par son naturel, son grand amour de Van Gogh et par cette vérité qui veut que, si puissante qu'elle soit, l'expression demeure toujours en deçà de la réalité — et Vlaminck peut-il rester en deçà de quelque chose?
A moins de vingt ans, Vlaminck ne songeait guère à la peinture. Il était fort, de santé profonde et maître déjà d'une brutale volonté de vaincre. Sur les routes de France il a couru longtemps et point uniquement pour la joie sportive de sortir vainqueur d'une épreuve, mais surtout pour prouver à une bourgeoisie qu'il détestait la supériorité de moyens simples et individuels sur la fortune et les conventions d'une hiérarchie stupide.
Rien n'est plus difficile à tuer qu'une légende. Y parvenir attire sur soi des inimitiés de toutes sortes.
Si merveilleux que soit le vrai, il n'est personne qui ne lui préfère le mirage. Quelle fable l'emporte cependant sur une vérité qui nous est, à dessein, présentée dans l'ombre?