Quel roman ! D'une grande puissance et d'une beauté tragique.
Un roman extrêmement bien construit avec en toile de fond la boucherie de la guerre de 14.
Le narrateur en est ressorti vivant… enfin avec une main en moins ! Disons qu'il a eu plus de chances que les millions de soldats morts sous les millions d'obus… plus de chances que ceux qui sont rentrés totalement cinglés ou complètement défigurés…
Il s ‘est reconverti en une sorte de détective auquel font appel les mères ou les veuves éplorées ne sachant pas ce que sont devenus leurs fils ou leurs maris… souvent morts déchiquetés, enfouis dans la terre gorgée de sang et de chair, dans cette terre de l'Est de la France qu'on pensait irrémédiablement aride où plus rien ne pourrait pousser sur la pourriture des centaines de milliers de cadavres…
Un dossier en particulier va attirer son attention. Celui d'Émile Joplain et de Lucie Himmel. Une histoire lumineuse, tragique. Une histoire d'amour bien sûr. Une histoire qui résonne en lui, qui fait écho à sa tragique histoire d'amour : la guerre était finie, ils venaient de se retrouver, ils rêvaient de fonder une famille, de mordre dans la vie… mais la grippe espagnole est passée par là et sa femme, Anna, y laissera la vie.
Une histoire d'amour déglinguée, massacrée, anéantie laissant place à un vide sidéral, glacial.
« J'ai pleuré. Je n'avais pas pleuré la guerre. Je n'avais pas pleuré quand j'avais perdu ma main. Quand Anna est morte, j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps. Elles étaient inépuisables. Je pleurais pour tout ce gâchis, ces années perdues, volées, massacrées. »
Et voilà qu'avec Émile Joplain et Lucie Himmel, le narrateur/détective va se retrouver face à une histoire exceptionnelle. le voilà parti sur les traces de cet homme et de cette femme dont on ne sait pas ce qu'ils sont devenus. Rien ne prouve qu'ils sont morts, mais rien n'indique qu'ils sont vivants. On sait seulement qu'ils se sont rencontrés avant la guerre, qu'ils n'étaient pas destinés à vivre une histoire d'amour car trop de différence de classe sociale. En dépit des barrières, en dépit des médisances, ils vont s'aimer. Ils vont s'aimer follement. Mais la guerre va les séparer.
Engagé par la mère d'Émile, le narrateur/détective va consacrer des années et des années sur ce dossier qui va se révéler bien complexe et d'une puissance exceptionnelle. Un dossier qui relève du conte de fée, mais d'un conte de fée tout droit sorti des ténèbres, l'histoire de « la Fille de la Lune » et du « beau prince qui parle comme un poète ».
Tout comme la plupart de ceux qui l'ont lu, je vous invite à découvrir ce roman magnifique et bouleversant. Vous serez transpercés par cette histoire d'amour unique et cette incroyable histoire de dupes. Que sont-ils devenus ? La vie réserve parfois de drôles de surprises.
Je ne peux m'empêcher de terminer ce billet en reproduisant les quelques vers qui concluent ce roman :
On voulait des lions, on a eu des rats.
On voulait le sable, on a eu la boue.
On voulait le paradis, on a eu l'enfer.
On voulait l'amour, on a eu la mort.
Ça fout les boules, non ?
Un grand bravo à
Gilles Marchand pour la qualité de son écriture, pour son style original et pour la richesse de sa documentation.
Un grand merci également à Brooklyn by the sea (Judith) ainsi qu'à Patoux16 (Patricia) dont les ressentis m'ont touché en plein coeur.