J’ai été ce que tu es.
Tu deviendras ce que je suis
"Nous sourions, parce que c'est notre façon de sauver le monde. Nous ne laisserons pas la Terre devenir une tombe, un charnier tournant dans l'espace. Nous allons procéder à notre propre exhumation. Nous allons nous battre contre le fléau et nous allons gagner. Nous allons pleurer et saigner, désirer et aimer, et vaincre la mort. Nous sommes le remède. Parce que nous l'avons décidé. "
- R.
J'ouvre les yeux et je me redresse. Julie est assise en tailleur à côté de moi ; elle m'observe avec un sourire sans joie.
- Tu as fait de beaux rêves ?
- Pas... sûr, je grommelle en me frottant les yeux.
- Tu as trouvé une solution à notre petit problème ?
Je secoue la tête.
- Oui, moi non plus. (Elle jette un coup d'oeil à la pendule murale et retrousse les lèvres d'un air contrit.) On m'attend au centre communautaire dans quelques heures pour lire des histoires aux enfants. David et Marie vont pleurer s'ils ne me voient pas.
David et Marie. Je répête ces noms dans ma tête, j'en savoure les concours. Je laisserais Trina me ronger toute la jambe pour le plaisir de revoir ces enfants. Pour entendre quelques syllabes maladroites de plus tomber de leur bouche avant ma mort.
- Qu'est-ce que... tu leur lis ?
Elle regarde la ville par la fenêtre, chaque lézarde et chaque défaut nettement mis en relief par la lumière blanche aveuglante.
- J'ai essayé de leur faire aimer la série Rougemuraille. Je me suis dit qu'avec toutes ces chansons, ces banquets et ces courageux guerriers souris ça leur permettrait de s'évader un peu de la réalité de cauchemar dans laquelle ils grandissent.
Marie n'arrête pas de me demander des livres sur les zombies et je lui fais toujours la même réponse, à savoir que je ne suis censée leur lire que de la fiction, mais... (Elle remarque l'expression de mon visage et s'interrompt.) Ca va ?
Je hoche la tête.
- Tu penses à tes enfants, à l'aéroport ?
J'hésite puis j'acquiesce.
Elle tend le bras et me touche le genou, elle croise mon regard - j'ai les yeux qui piquent.
- R ? Je sais que la situation n'est pas rose, mais écoute-moi : tu n'as pas le droit de renoncer. Tant que tu respires... oups ! désolée, tant que tu bouges encore, il y à de l'espoir. D'accord ? Je fais "oui" de la tête. [...]
Il y a un gouffre entre moi et le monde qui m'entoure, tellement grand que mes sentiments sont incapables de le franchir. Le temps que mes cris atteignent l'autre bord, ils se sont transformés en grognements.
Ma mélancolie, mon vague désir, mes rares étincelles de joie, tous se rassemblent au centre de ma poitrine et filtrent à partir de là, dilués, légers, mais bien réels.
Dans ma tête, je suis éloquent ; je grimpe des échafaudages complexes de mots afin d'atteindre le plafond des cathédrales les plus hautes et y peindre mes pensées. Mais quand j'ouvre la bouche, tout s'écroule.
Ne rien avoir autour de nous, à toucher ou à regarder, aucune ligne de démarcation, juste nous et la gueule avide du ciel. J’imagine que c’est ce que ça fait quand on est mort pour de bon. Le vide, vaste et absolu.
Nous sourions, parce que c'est notre façon de sauver le monde. Nous ne laisserons pas la Terre devenir une tombe, un charnier tournant dans l'espace. Nous allons procéder à notre propre exhumation. Nous allons nous battre contre le fléau et nous allons gagner. Nous allons pleurer et saigner, désirer et aimer, et vaincre la mort. Nous sommes le remède. Parce que nous l'avons décidé.
Avant quand j'étais vivant, je n'aurais jamais pu faire ça. Ne pas bouger, observer le monde sans penser à rien. Je me souviens vaguement qu'il fallait faire des efforts, respecter des objectifs et des délais, avoir de l'ambition. Maintenant, je vais où le tapis roulant me porte. Arrivé au bout, je fais demi-tour et je le prends dans l'autre sens. Le monde s'est considérablement simplifié. C'est facile d'être mort.
Après avoir quasiment arrêter de lire des livres pendant 2-3ans, me voilà avec entre le mains ce livre, "Vivants".
Quand j'ai vu que c'était une histoire d'amour, je me suis dit que ça allait être "nian nian". Et pourtant, histoire passionnante, personnages attachants (surtout les zombies!). Une vraie bonne surprise qui se lit très facilement.
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