Jhen, tome 4 : Barbe-Bleue

Cet album me laisse indécis et quelque peu mal à l'aise.

Oh il a de bons côtés qui sont ceux de la série : une précision incroyable dans le dessin des lieux médiévaux, ustensiles, armes et vêtements du XVe siècle, une mesure des inégalités du temps avec des seigneurs qui baffrent à l'envie et des bandes de gamins voleurs en guenilles, et une vue des spectacles offerts par les troupes itinérantes.

Mais c'est le traitement de Gilles de Rais alias Barbe Bleue, et surtout ses relations ambiguës avec Jhen, qui m'ont perturbé. Jacques Martin ne fait pas dans la dentelle dans la présentation de Barbe Bleue : jovial, agresseur même de convois royaux quand l'envie lui en prend, et surtout consommateur sexuel insatiable de jeunes enfants qu'il élimine une fois sa faim de chair fraiche satisfaite.
Face à ceci, Jhen fait un peu office de conscience, lui rappelle qu'il ira rejoindre le diable (ce qui a l'air d'effrayer le serial killer pédophile), s'oppose à lui jusqu'à se battre en duel. Mais à chaque fois des liens d'amitié se retissent entre les deux hommes. Et c'est assez difficile à avaler car Jhen est présenté comme un parangon de vertu.

Barbe Bleue étant un personnage réel, son sort est fixé par L Histoire et par conséquent n'est pas réglé ici. Finalement, l'auteur n'a que peu de marge de manoeuvre pour permettre à Jhen de faire face à ce personnage.

Un album qui me donne tout de même envie d'en apprendre un peu plus sur Gilles de Rais.

Pour lecteurs adultes et avertis

Déjà dans "Les écorcheurs", Jhen et donc Jacques Martin, son auteur, frayaient dangereusement avec le personnage historique de Gilles de Rais, le sinistre assassin d'enfant. "Barbe-bleue" en fait le personnage principal de cet opus résolument destiné aux adultes avertis, ce qui aurait du être signalé sur la couverture.
Jhen n'a même plus le bénéfice du doute, il sait les horreurs que pratique son "ami". Loin de le signaler aux autorités de son époque, il va au contraire lui jouer une "sotie" pour tenter de lui faire prendre conscience de ses vices, se retrouve au fond d'un cul de basse fosse empli de cadavres de bambins et malgré cela continue à fréquenter le Diable qui lui confesse ses amours pédophiles se terminant immanquablement par des éventrations ou des décapitations !
L'album fermé, on se demande dans quelle folie est tombé Jacques Martin pour produire une histoire pareille. Il fait de son héros une sorte de chiffe subjuguée par la beauté du Diable, incapable de mettre fin à ses horreurs. Nous sommes très loin du talent d'un Huysmans qui a su dans "Là-bas" évoquer Gilles de Rais avec force mais sans cette terrifiante complaisance.

4- Barbe-bleue
Gilles de Rais est le personnage central de cet épisode, il est l'ami de Jhen, mais cette amitié est fortement nuancée par la noirceur qui l'habite. C'est une figure trouble, qui fraye avec l'alchimie et qui est souvent au bord du gouffre de la folie, laissant libre court à ses instincts meurtriers. La rencontre entre Jhen et Gilles de Rais se fait alors qu'ils accompagnent Jehanne de France dans ses derniers combats, mais dès le premier épisode Jhen garde une grande méfiance, et un certain recul, face aux débordements d'amitié et de générosité de ce sombre personnage. Quand j'ai découvert la série le héros s'appelait Xan, bizarrerie dû à un changement d'éditeur. le dessin est toujours aussi magnifique, les représentations architecturales attirent l'oeil, la minutie des détails laisse supposé qu'il ya eu un gros travail de recherche en amont. Pourtant une noirceur dérangeante se dégage de cette histoire, un parfum sulfureux qui semble endormir notre "héros", qui ne fait rien pour dénoncer ou se mettre en travers des crimes effroyables de son soi-disant "ami". Je pense que cette série vise un public plus adulte que celle d'Alix ou Lefranc.

Jhen est chargé de consolider les défenses d'une ferme sur les terres du frère de son ami le seigneur de Rais, connétable de France. de jeunes jouvenceaux disparaissent régulièrement et des soupçons se développent à l'encontre de Gilles de Rais. Jhen décide de mener son enquête. Cette histoire constituait le fil rouge des trois précédents albums. le scénario est rondement mené ; quand aux dessins, ils sont fidèles, notamment avec de magnifiques reconstitutions vestimentaires ! La lecture de cette série est toujours aussi plaisante.

Un article du dernier Kaboom (excellent magazine sur le 9°Art au passage) regroupant des interviews de Jacques Martin, m'a donné envie de me plonger dans sa série médiévale Jhen. C'est donc par l'intermédiaire des intégrales petits formats de chez Casterman que j'ai franchi le pas. Cette « trilogie » regroupe les albums 1, 2 et 4 de la série nous présente le jeune héros, architecte bâtisseur de son état, qui, au début de la saga, cherche à délivrer Jeanne D'arc des anglais. Peine perdue, Jhen va alors se lier d'amitié avec le ténébreux Gilles de Rai pour qui il doit construire une cathédrale. Bientôt les agissements suspects du Maréchal vont éveiller les soupçons. Outre des scénarios qui ne manquent ni d'originalité ni de rebondissements, ce qui frappe surtout à la lecture de cette série c'est la qualité du dessin, ligne claire old school fourmillant de détails soignés et à la colo appliquée qui rend les histoires encore plus passionnantes. Succédant à la mythique Alix, Jhen s'imposait dés ses premiers albums comme une série majeure de la BD franco-belge.. avec le score qui va bien: http://bobd.over-blog.com/2014/08/barbe-bleue-revisitee-jhen-vs-plymouth-adventure.html
Lien : http://bobd.over-blog.com/20..