Agnès Martin-Lugan, deuxième. Tout comme «
Les gens heureux lisent et boivent du café », c'est une lecture prise au hasard du titre pour le challenge Pyramide II, étage sentiments zé émotions, sur les conseils d'une autre cliente de la librairie qui me voyait tourner autour de ces deux-là. Je suis VRAIMENT désolée pour la cliente en question...
Iris, la trentaine provinciale coincée avec un mari médecin débordé, décide de reprendre, non, de prendre sa vie en main. Elle a toujours voulu être couturière, elle le sera. Et pour cela, elle décroche un stage dans un atelier de couture à Paris, à trois heures de chez elle. Ce qui implique qu'elle parte vivre dans une chambre de bonne, à deux pas de la Bastille, excusez du peu,
L Atelier se trouvant lui, à Madeleine. On est loin des ateliers du Sentier, on est tout de suite prévenu.
Mais je dépasse ce petit tiraillement. Un effort, c'est pour la Pyramide II et ce sera peut-être mieux que le précédent opus.
Et puis il est vrai qu'à part lire, et entre autres choses, j'aime coudre. Beaucoup. Choisir un tissu, pour son tombé, son chatoiement, sa tenue, sa délicatesse, sa couleur, son imprimé, sa texture, aller du tissu au vêtement parce que le premier inspire le second chez moi, et non l'inverse...
J'ai donc de quoi m'accrocher à mon a priori positif : cette petite Iris a une belle passion que je peux aisément comprendre. Et puis c'est beau, d'aller contre les diktats de son milieu, d'affirmer sa personnalité et de se construire un avenir. Même si à trente ans et quelques, s'affirmer comme le fait la petite Iris, ça sent son adulescence à plein nez. Mais c'est beau, allez. Si si, c'est beau. Sur la quatrième de couverture, en tout cas, ça va.
Bon, passe encore que l'auteur ne semble pas partager notre enthousiasme pour ce loisir, à Iris et à moi, ses descriptions à ce sujet relevant de la plus haute fantaisie.
Ou alors c'est que je suis envieuse, incapable que je suis de croquer « une robe bicolore noir et turquoise ( no comment), d'inspiration Courrèges, avec un col rond mis en valeur par une surpiqûre, des manches courtes et une martingale » puis de l'attaquer direct sur la machine, sans patron ni rien. La petite Iris, elle, passe son temps à piquer, ce qui représente d'ordinaire, allez, 10% du temps de confection d'un vêtement pour n'importe quelle couturière. Ce doit être ça, le talent !
Et puis, Iris, Pierre, Gabriel... les prénoms sont « jolis », cette histoire n'arriverait pas à Germaine et Raoul, manifestement. Je décide de dépasser aussi ce vilain préjugé et poursuis.
Mais voilà. Encore une fois, les situations sont abracadabrantes, les descriptions hésitent entre le va-vite et la caricature. Les « bourgeois de province » sont coincés et insipides, le « Paris mondain » futile et creux, les femmes fatales portent des stilettos et parlent d'une voix grave et envoûtante, et je ne vous parle pas des compagnes de l'héroïne, dans
L Atelier où elle va apprendre à parfaire son art... Oh puis si, je vous en parle ! Ce sont les Spice Girls, tant le portrait de chacune des élèves, qui n'auront jamais de prénom, est outré : vous avez la fashion victim, la roots et ses dreadlocks ( mais l'auteur, branchée, parle de « dreads » siouplaît), la hip-hop, et la vintage !
Les dialogues sont plats, les personnages aussi, comme des silhouettes découpées dans du papier auxquelles on accroche des vêtements à languettes.
Enfin, pour ce qui est de l'épanouissement personnel, je lis page 25 : « Je ne doutais pas du choc que j'allais lui causer, mais j'espérais que mon poulet à l'estragon l'aiderait à digérer mon annonce » mais me dis que la petite Iris a encore plus de deux cents pages pour m'épater sur le plan de l'affirmation de soi... Après bien des épreuves traversées par l'héroïne ( et par moi, du coup, mais pour d'autres raisons !), je lis page 235 : « Je revins dans le séjour, retirai mon blouson, décidai de le laisser dormir et attaquai le ménage. »
Là, ce bouquin, j'ai eu envie de l'abandonner dans la forêt, attaché à un arbre !
Je suis navrée. Ca aurait pu être bien, malgré les situations téléphonées et tartignoles. Ca aurait pu donner un conte sans fées moderne. Mais pour cela, il aurait fallu de vrais personnages, et un auteur capable de recul, dépassant les clichés, avec une plume pleine de verve, d'humour, de tendresse, de passion...
Germaine, Raoul, sans rancune.
Bref, je ne voulais pas sortir à nouveau le tromblon, mais le livre a failli filer entre mes mains et le bonheur de lire s'est, lui, bien débiné...
Je ne m'approcherai jamais plus d'ouvrages écrits par
Agnès Martin-Lugand, je ne l'embêterai plus, c'est promis.