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3,77

sur 1450 notes
Ce livre est juste inouï d'intelligence et de lumière ! Assurément un des mes meilleurs livres contemporains que j'ai lus depuis longtemps !

Un tour de force magistral qui parvient à fusionner des genres très différents avec évidence et classe folle. Improbable cocktail pourtant que de faire cohabiter sans sensationnalisme ni voyeurisme :

- un essai-plaidoyer surpuissant ( car subtil ) contre la peine de mort et une passionnante réflexion sur les travers du système judiciaire américain

- une enquête criminelle haletante de type True crime à la Truman Capote, on sent que l'auteur a avalé des kilomètres d'archives et de retranscriptions judiciaires pour nous les présenter sous la forme d'un quasi thriller

- un récit autobiographique bouleversant tournant à l'introspection personnelle et familiale jusqu'à parvenir à la résilience

2003 : Alexandria Marzano-Lesnevich est étudiante en droit à Harvard et choisit d'effectuer son premier stage auprès d'un cabinet spécialisé dans la défense des détenus du couloir de la mort en Louisiane. La première affaire à traiter : celle de Ricky Langley, un pédophile qui a étranglé un enfant de 6 ans, Jeremy Guillory. Elle qui est farouchement opposée à la peine de mort voit ses certitudes s'écrouler en visionnant la video des aveux, envahie par une pulsion de haine et une envie de voir Ricky mourir.

Car ce n'est pas Ricky Dangley qu'elle voit et entend, c'est son grand-père qui l'a violée à maintes reprises durant son enfance, dans un silence familial assourdissant. Elle ne sera pas avocate mais écrivaine. Ecrire pour faire partir le poids de la souffrance, pas pardonner, non, être juste apaisée, se libérer de cette empreinte mortifère.

Le titre originel est plus fort que cette simple empreinte : «  the fact of a body », « la preuve par le corps ». Dans cette collision de deux faits réels douloureux ( Ricky a tué Jérémy – son grand-père l'a violée ), c'est le corps qui porte tout : son corps à elle depuis l'anorexie jusqu'aux souffrances invisibles aux yeux d'une famille dans le déni ; le corps de Jérémy qui lui seul détient la vérité qui est au coeur du procès ( Jérémy a-t-il été tué ou violé puis tué ? ).

Ce livre est bruissant de dix mille réflexions, éclairant des Lumières de la Raison des événements terribles tout en laissant battre son coeur dans des pages profondément incarnées et émotionnellement intenses.
Inoubliable.
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Alexandria Marzano-Lesnevich nous livre dans L'empreinte un récit bouleversant à mi-chemin entre le récit autobiographique et un récit journalistique dont il faut souligner le travail d'orfèvre qu'il y a derrière. Bravo à elle.

En 1992, en Louisanne, un petit garçon de 6 ans, Jérémie croise la route de Ricky Langley, farouche pédophile de 26 ans. L'enfant n'y survivra pas. Les aveux du pédophile tombent trois jours plus tard. Incarcéré dans le couloir de la mort, la partie adverse clame la peine de mort.
Alexandria suivra cette affaire de près effectuant alors un stage au barreau.

On suit en filigrane l'empreinte sur Alexandria de deux histoires. Celle de Ricky et la sienne. Violée de nombreuses années petite par son grand-père, la pédophilie, les traumatismes, le choix du pardon sont au coeur de ce récit.
Alexandria est aussi fermement opposée à la peine de mort. Quand elle suit l'affaire de Ricky Langley, ses certitudes vascillent car ses propres souvenirs refont surface. Peut-on pardonner l'horreur ? Peut-elle être excusable et cachée sous les faux-semblants d'une maladie mentale ou bien sur les maltraitances vécues par ces mêmes bourreaux, victimes jadis? Peut-on mettre sous silence les agissements pervers sous prétexte de protéger la famille ? La protège-t-on d'ailleurs en fermant les yeux ?

C'est 470 pages de plaidoyer ce roman. Au coeur même de la machine judiciaire, dans les tripes saignantes du vague à l'âme et des blessures individuelles et collectives.

Alexandria Marzano-Lesnevich prend à bras le corps le cas Ricky Langley, ça la secoue, ça réveille les ombres de son passé. Elle écrit avec beaucoup de pudeur et de retenue. Les émotions sont sous la couche des horreurs, pas de larme coulant à flot.

En Amérique, c'est la pluie qui mouille les visages. Parce que les anges dans le ciel pleurent ces enfants dont la vie s'est arrêtée dans les bras d'un adulte à l'amour assassin.
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En 2003, alors étudiante en droit à Havard, Alexandria Marzano-Lesnevich, âgée de 25 ans, effectue un stage dans un cabinet d'avocats de la Nouvelle-Orléans. Aux stagiaires présents, une femme leur passe, au cours d'une conférence, une vidéo leur présentant les aveux d'un homme, enregistrés en 1992, dont le deuxième procès vient de se terminer. Condamné à mort 9 ans auparavant, le jury le condamne aujourd'hui à la perpétuité. Son crime : avoir tué Jeremy Guillory, un enfant de 6 ans. Son nom : Ricky Langley. Pourtant farouchement opposée à la peine de mort, les certitudes de la jeune étudiante vacillent. Commence alors pour elle des années aux côtés de Ricky et Jeremy mais aussi une plongée au coeur de son passé tourmenté, jusque là enfoui...

Passionnant de bout en bout, L'empreinte fait montre d'un travail de recherche et de précision remarquables, mais aussi d'introspection, presque salvatrice. Partant de procès-verbaux, d'articles de presse, d'articles de tribunaux ou encore de reportages télévisés, Alexandria Marzano-Lesnevich retrace avec fidélité, adresse et intelligence aussi bien les faits criminels que le déroulement des procès, la vie, de son enfance à l'âge adulte, de Ricky Langley ou encore les conséquences. Une enquête saisissante et fourmillante (des milliers de pages consultées, 10 ans de réflexion et de reconstitution, de nombreux voyages) qu'elle entremêle avec son propre vécu. Son enfance dans la grande maison grise, les violences subies, les secrets de famille, les silences imposés. Une double enquête qui n'a qu'un seul but : la vérité. Ce récit, aux thèmes aussi divers et tragiques que l'inceste, la pédophilie et la peine de mort, est doté, à la fois, d'une force et d'une sensibilité rares. Émouvant et dramatiquement captivant...
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C'est parce que le petit Jeremy est mort à 6 ans, victime d'un délinquant, proie de hasard d'un jeune homme déjà repéré et condamné pour des attouchements et qui la renvoie à de douloureux souvenirs, ou au moins ce qu'il en reste lorsque la mémoire a censuré l'impensable,
qu'Alexandria Marzano-Lensnevich a pris la plume.

Pour décortiquer les circonstances du drame, refaire l'enquête, analyser les insuffisances du processus judiciaire, étudier méticuleusement les histoires des personnages, du criminel comme de leur famille. Pour comprendre. Comprendre comment on peut en arriver à commettre de tels méfaits, et quels sont les mécanismes à l'origine de ces aberrations. Rôle de l'inné et de l'acquis, responsabilité de l'éducation?

Cette quête n'est pas anodine, l'auteur le révèle rapidement, elle fut elle même victime d'attouchements, de la part de son grand-père et circonstances aggravantes, les faits ont été soigneusement camouflés, bien que connus de la famille, experte pour taire tout ce qui peut faire des vagues.

Des questions plus générales en découlent.

Sur la peine de mort. Faut-il être pour ou contre? Faut -il établir une hiérarchie des délits pour déterminer de qui devrait relever de la peine capitale ? Il ne suffit pas de se prononcer précisément pour s'en sortir. C'est ce que l'auteur a pu constater quand, dans le cadre de son métier puisqu'elle fut un temps avocate, elle défendait l'abandon de la peine de mort, mais l'a souhaitée dans ce cas particulier du meurtre de Jeremy.

De même, il faut se mettre dans la peau d'un juré, plutôt favorable à une exécution sur des arguments d'inhumanité du crime, ne peut se résoudre à prononcer la sentence pour l'accusé qui lui fait face en chair et en os. Les convictions basées sur la théorie peuvent être malmenées lorsqu'elles sont confrontées au réelle


Outre le caractère passionnant de ce débat intérieur, il faut reconnaître à l'auteur un talent de conteuse, qui fait de l'empreinte un récit captivant. Les deux récits se mêlent et tentent de répondre à la question fondamentale : le pardon est possible?
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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« Il me faut commencer par Jeremy. C'est lui qui a porté le crime de Ricky dans son corps. » Jeremy avait six ans était blond. Ricky avait vingt-cinq ans et avait toujours été attiré par les enfants blonds âgés de six ans. Ricky a tué Jeremy. Pourquoi est l'une des nombreuses questions que se poseront les psychologues, les juges, les jurés, les avocats, sa famille, Ricky lui-même, mais également et surtout Lorilei, la jeune mère de Jeremy, et Alexandria Marzano Lesnevich l'auteure de ce livre, victime comme Jeremy d'un pédophile, son propre grand-père.

Si dans un premier temps Lorilei veut que Ricky meure, dix ans après les faits, alors que celui-ci est dans le couloir de la mort, sans pardonner à Ricky elle va se battre pour lui éviter la peine capitale. Afin de comprendre, elle a rencontré le meurtrier de son fils — dont l'enfance complexe est hantée par son frère mort dans un accident, qu'il dira avoir tué en la personne de Jeremy — et a finalement vu un jeune homme qu'elle n'a pu réduire à son crime, aussi affreux soit-il.

Alexandria-Marzano-Lesnevich, ancienne étudiante en droit à Harvard farouchement opposée à la peine de mort, a longuement enquêté sur le passé du jeune pédophile. Contre toute attente, son histoire d'enfance bouleversée, avec ses vérités, ses mensonges et ses secrets, est entrée en résonance avec la sienne. Alors qu'elle était encore une enfant, elle s'est ouverte à ses parents des viols subis par elle et sa petite soeur de la part de leur grand-père. Des parents qui ont fait le choix de faire comme si cela n'avait jamais existé, un grand-père qu'elle a détesté, comme Lorilei avec Ricky, mais n'a pas voulu réduire à son crime.

Car la vérité est toujours beaucoup plus complexe, c'est ce qu'Alexandria qui mêle autobiographie et journalisme d'investigation nous dit avec force arguments dans ce livre formidable d'intelligence et de sensibilité.

« Sur le plan juridique, le verdict était une contradiction.
Alors je me disais que, confronté à la question de savoir si Ricky devait vivre ou mourir, le jury avait refusé de trancher. Mais j'ai réalisé que j'essaie de préserver une place pour l'ambiguïté constitutive de tout ce qui s'est produit. Lorilei n'a pas pardonné Ricky, mais elle ne voulait tout de même pas sa mort. Mon grand-père a fait tout ce qu'il a fait, et il était toujours mon grand-père. le droit – avec l'entêtement de chaque partie à imposer une unique version des faits – n'a jamais su que faire de cet entre-deux complexe. Mais la vie en est pleine. »


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Admirable démarche pour donner un sens ou mieux comprendre les relations humaines, la famille, le pourquoi des secrets, la fatalité. L'autrice, jeune étudiante en droit et contre la peine de mort, a rendez-vous avec un pédophile avoué, meurtrier de surcroit. Rick Langley a étranglé un garçon de 6 ans en Louisianne. À travers les trois procès de Langley, qu'elle revisite, elle se livre en toute franchise, sans tabous ni secrets et en même temps elle nous livre sa famille. En toute intimité, sans pudeur mais avec un courage que je salue, elle partage avec nous cette autobiographie, cette docu-fiction, ce colossal travail journalistique.. Est-ce que le procès de Rick Langley est l'élément déclencheur de cette confession intime ou prend t-elle le procès comme prétexte à ces confessions ? Peu importe. Ce qui importe c'est l'humanité, la franchise qui teintent ses mots et le désir de se sortir de cette empreinte , de ces cicatrices qui la marquent et qui font nécessairement souffrir. Bouleversant, marquant, un récit qui ne laisse indifférent. Oui une lecture qui laisse sa trace.
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« Je suis immédiatement frappée par cette idée que l'avenir était entièrement en germe dans le présent, le présent secrètement en germe dans le passé. »


Brillant, captivant, émouvant voire éprouvant, Alexandria Marzano-Lesnevich se livre à un exercice littéraire compliqué d'autant que ce récit l'engage émotionnellement. Elle se dévoile intimement et sa douleur, personnellement, je l'ai ressentie. C'est un récit qui tient à la fois de l'investigation, de la thérapie, de l'autobiographie mais surtout d'une quête : comprendre, dans comprendre il y a le mot prendre, c'est-à-dire, faire sien. Et c'est bien de cela dont il est question dans ce récit, comment un être humain peut-il tuer, abuser d'un enfant de six ans, qu'elle est sa part d'humanité ? Et cet être humain, peut-il être condamné à mort par un autre être humain ? Et que penser du silence de l'entourage familial qui est récurrent dans ces cas de maltraitance.

Ce livre est particulièrement perturbant à plus d'un titre, il oblige le lecteur à se poser nombre de questions qu'elles soient philosophiques, médicales, qu'elles aient trait à la justice des hommes, à l'éthique d'un individu, en un mot, plus d'une fois je me suis trouvée à poser ce livre pour tenter de me confronter à mes propres réflexions.

Alexandria est étudiante en droit, issue d'une famille d'avocats, entourée depuis son enfance par des livres de droit, bien formatée par son milieu familial, elle va suivre le chemin de ses parents. Fervente opposante à la peine de mort, elle décide de se présenter à un stage d'été dans un cabinet en Louisiane spécialisé dans la défense des condamnés à mort.

Le lendemain de son arrivée, l'avocate qui prend les étudiants en charge les réunis autour d'un table :

« Nous allons vous montrer ça. Elle brandit une cassette vidéo. Il s'agit des aveux de l'homme dont nous venons de terminer le second procès. L'enregistrement date de 1992. Il y a neuf ans, il a été condamné à mort mais cette fois-ci, le jury lui a donné la perpétuité. »

« Cet homme c'est Ricky Langley, des lunettes épaisses, en cul de bouteille, des oreilles en feuille de chou, héritage de l'alcoolisme de Bessie, sa mère. Des yeux marron, les derniers qu'ait vus Jérémy (après avoir été abusé sexuellement et étranglé). Il parle des enfants qu'il a touchés. »

« Mais je regarde l'homme à l'écran, je sens les mains de mon grand-père sur moi et je sais ».

« Malgré la formation que j'ai suivie, malgré le but que je poursuivais en venant travailler ici, malgré mes convictions. Je veux que Ricky meure. »


Dans ces passages qui donnent le ton du livre, l'inconscient d'Alexandria prend la main sur son état émotionnel et conscientise, un peu comme des vagues successives qui viennent déposer à chaque flux et reflux, les éléments enfouis depuis son enfance afin de pouvoir vivre. Ce qui m'interpelle, c'est la synchronicité des évènements pour reprendre les termes de Carl Gustav Jung. Cette cassette a été présentée aux étudiants en remplacement d'une rencontre avec le fondateur du cabinet, absent pour raison professionnelle.

Je ne crois pas trop au hasard et j'aime cette formule bouddhiste « Lorsque l'élève est prêt, le maître se lève ». Cette vidéo va modifier le cours de la vie d'Alexandria. L'empreinte est indélébile, la mémoire du corps et de ses traumatismes se rappelle à son souvenir. Alexandria va se mettre à nue, elle n'omet rien, elle assume son passé, elle nous fait des confidences courageuses et afin de conquérir sa résilience, elle va tenter de concevoir les raisons qui ont poussé Ricky Langley à la pédophilie et au crime. Dans un récit extrêmement structuré, en s'appuyant sur les procès-verbaux d'audience, les évaluations psychiatriques, des rapports sur son passage dans le couloir de la mort, les articles, elle tente de reconstituer l'histoire de Ricky. Mais comme elle le constatera, il lui manque les émotions, les souvenirs, le passé. C'est ce qui l'incitera à se rendre sur place pour mieux s'imprégner des lieux. Ce qui rend son écriture assez exceptionnelle, c'est que de ces documents, elle a réussi à élaborer une histoire avec des individus qui prennent corps, qui s'animent sous nos yeux avec leurs sentiments, leurs questionnements, leurs incohérences, leurs faiblesses. Malgré la violence du contenu de certains passages, Alexandria parvient à déstabiliser son lecteur en l'amenant à découvrir les traumatismes psychologiques et physiques du milieu familial de Ricky Langley comme les ravages qu'engendrent les non-dits dans une famille. Elle ouvre des portes, ses portes, qu'elle lègue peut-être aussi à celles et ceux qui ont vécu des situations identiques. Que ce soit l'histoire de Ricky ou d'Alexandria, même si les situations sont différentes, on y trouve des points de similitude.

J'ai ressenti que ce livre libérait Alexandria, c'est un récit qui aurait pu être plus synthétique mais toutes ces pages sont salutaires, je fais le parallèle avec le passage où elle raconte « Mais à présent, le simple fait d'avoir quelque chose dans l'estomac, n'importe quoi, est soudain, inexplicablement, terrifiant. Seules les pommes, le yaourt à 0 % et les burgers végétariens sans le pain sont sans danger ». On visualise très bien ce à quoi cela la renvoie.

Elle ne vomit plus, elle écrit. Elle met à l'extérieur d'elle-même les secrets du passé.

C'est un témoignage remarquable et d'un courage admirable : elle a dû surmonter énormément de barrières. Ce livre a été couronné aux Etats-Unis par de nombreux prix.

« L'homme au centre de ce procès, dont la personnalité sera interminablement discutée et débattue, interminablement reconstituée et disséquée dans un dossier qui finira par faire près de trente mille pages, cet homme restera en ce sens une énigme. Il est bien possible que ce que l'on voit en Ricky dépende davantage de qui l'on est que de qui il est ».


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Il y a eu Truman Capote et son De sang froid , James Ellroy et son Dahlia noir, et,   plus récemment ,  Une partie rouge  de Maggie Nelson:  L'empreinte  marche sur ces traces-là.

Le  roman prend l'allure d'une enquête criminelle et judiciaire, l'écrivain fait face à des monstres réels, et non plus issus de sa propre imagination. La vérité du fait divers semble devoir triompher de la fiction.

Et souvent le narrateur- reporter croise sa propre trace, est amené à creuser sa propre histoire, à affronter ses propres fantômes, car on n'enquête jamais sur un sujet qui vous est totalement étranger.. .

L'auteure, fille d'avocats et elle-même  fraîche émoulue du barreau, fervente adversaire de la peine de mort, décide d'enquêter sur les faits et de relater les deux procès successifs d'un pédophile assassin, Ricky Langley.

Elle a été  totalement bouleversée par deux réactions: celle de la mère de la petite victime , Lorilei,  qui , sans pour autant lui pardonner, veut éviter la peine de mort à l'assassin de son fils. Et la sienne propre ,  non moins surprenante: à la vue du criminel, elle , la militante contre la peine de mort,  s'est découvert une farouche envie de voir Ricky passer sur la chaise électrique...

En effet, abusée, de longues années durant, par un grand père pervers, l'auteure revit à travers cette enquête les souffrances et les angoisses de son enfance, dans le rôle de la victime. Mais sa position éthique et sa formation d'avocate entrent en conflit avec ce passé traumatique, que ses propres parents, mis en face de la vérité, n'ont jamais affronté,  ni réglé, donnant à leurs filles le sentiment d'étouffer l'affaire au nom de la cohésion familiale, et de protéger le prédateur qui mourra sans avoir été le moins du monde inquiété ...

Par ailleurs, Ricky s'avère ne  pas être le monstre que ses actes dénoncent:   marqué par une naissance dramatique , conscient de ses failles et de ses démons, il a appelé à l'aide bien des fois et demandé à être soigné, interné...mais on ne l'a pas écouté , lui non plus..

Le recit opère donc un va- et -vient entre ces points de vue , ces deux histoires, la criminelle et l'intime. Et une réflexion profonde et pertinente s'élabore sur la fragilité de la justice, la subjectivité de tout jugement. En même temps que se met en marche, chez la narratrice, une catharsis qui la mène au pardon et à la reconnaissance de ce qu'elle est.

 Quelques longueurs et une trame temporelle un peu confuse parfois, mais c'est un récit sincère, touchant, intelligent, qui se lit avec passion et compassion, et un plaidoyer ô combien convaincant contre la peine capitale.
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L'Empreinte n'est pas un roman. C'est la combinaison romancée d'un mémoire critique sur la justice pénale américaine, d'une réflexion personnelle sur la peine de mort, d'une enquête parajudiciaire et d'un récit autobiographique libérateur.

Fille d'avocats installés dans le New Jersey, Alexandria, auteure et narratrice de l'ouvrage, est naturellement amenée à entreprendre des études de droit. En 2003, elle rejoint pour un stage, en Louisiane, le cabinet d'un avocat opposé à la peine capitale et spécialisé dans la défense des condamnés à mort. En guise d'intégration, on lui fait visionner un enregistrement datant de 1992, les aveux d'un meurtrier nommé Ricky Langley.

Âgé alors de vingt-six ans, Ricky Langley a étranglé quelques jours plus tôt un petit garçon de huit ans. Confondu rapidement, il a reconnu son crime. En 1994, il est condamné à la peine de mort. Huit ans plus tard, alors qu'il attend son tour dans ce qu'on appelle le couloir de la mort, le jugement est cassé pour vice de procédure. Quand Alexandria commence son stage, le nouveau procès vient de s'achever. Ricky Langley est condamné à la prison à perpétuité. Invoquant l'irresponsabilité, son avocat fait appel.

La vidéo bouleverse la vie d'Alexandria. La pédophilie assumée par le meurtrier ravive un passé très personnel qui ne cesse de la tourmenter. Engagée contre la peine de mort, elle prend conscience qu'elle a désiré la mort pour Ricky Langley. Comment pourrait-elle alors défendre avec efficacité un criminel présumé, si ses convictions sont mises à mal lorsque des faits la touchent personnellement ? Rentrée chez elle, Alexandria abandonne le droit, s'oriente vers la littérature, mais sa mémoire reste marquée par une empreinte, ou plutôt par deux empreintes superposées : la vidéo des aveux de Ricky Langley et le souvenir d'un proche – l'immonde individu ! – qui venait les violer la nuit dans leur lit, elle et sa soeur, quand elles n'étaient encore que des petites filles.

Alexandria continue à s'intéresser de loin à l'affaire, fait des recherches sur internet, se fait envoyer des pièces judiciaires. Un jour, en 2015, elle décide d'approfondir le dossier, se rend sur les lieux en Louisiane, épluche les archives du tribunal et va rencontrer Ricky Langley dans sa prison. le livre qui s'appellera L'Empreinte est en germe.

Le livre, près de cinq cents pages, est décomposé en trois parties. La première raconte le crime, l'arrestation de Langley, l'enquête et les interrogatoires. Dans une seconde partie, Alexandria reconstitue la vie du meurtrier, remontant jusqu'à un épouvantable accident de voiture survenu quelques mois avant sa naissance. La troisième partie est consacrée au procès de 2003 et à ses péripéties qui défraient la chronique des observateurs.

Mais tout au long du livre, Alexandria intercale, comme pour en souligner la parallèle, l'histoire de sa propre enfance au sein de sa famille, et du silence qu'il est convenu d'y observer sur des drames du passé comme, bien évidemment, sur des actes de pédophilie que j'ai déjà évoqués.

Les textes qui encadrent le droit pénal américain amènent les juges et les jurés à des questions dont la réponse peut faire basculer un verdict. Ricky Langley est convaincu de pédophilie, c'est un fait établi. Mais le meurtre qu'il a commis est-il lié à sa pédophilie ? Si oui, est-il la conséquence de sa pédophilie ? Cette perversion résulte-t-elle directement des conditions effroyables de sa naissance ? Ou du climat familial perturbé qui avait résulté de ces conditions effroyables ? Langley a-t-il cherché à soigner sa perversion ? Etc. Positives ou négatives, les réponses sont peu fiables parce que le sujet est complexe, parce que les témoignages fluctuent au cours des années d'enquêtes et de contrenquêtes et parce que Ricky Langley pourrait par moment être quelque peu affabulateur… A quoi tient un verdict ?

De jolies descriptions de paysages dans ce livre qui comporte aussi de nombreux détails fastidieux et peu intéressants. L'écriture est fluide, mais le double déroulé des événements sur trente ans est complexe à suivre, d'autant que les enchaînements du texte ne sont ni logiques, ni thématiques, ni chronologiques. J'ai eu par moment du mal à m'y retrouver et il m'a fallu prendre du recul, relire certains passages, pour parvenir à une vision globale claire de l'ouvrage.

L'exigence d'une prise de recul : n'est-ce pas justement le propre des ouvrages profonds ?

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Quel roman intense, dense et déchirant !
Sublime Alexandria Marzano- Lesnevich. Intelligente, sensible, vive, combative. Son livre est fort, profond et …rythmé, très rythmé, on ressent une urgence de comprendre, de dire. Une urgence de SURvivre. A quoi ? A son passé, auquel elle « s'est cognée la tête » trop longtemps.
Le point de bascule qui fait ressurgir violemment ce passé opaque ? Une vidéo, et sur cette vidéo, un homme : Ricky Langley. Condamné à perpétuité pour meurtre, ce pédophile à longtemps côtoyé le couloir de la mort. A l'époque de cette hasardeuse découverte, fervente militante opposée à la peine de mort, l'écrivaine fait des études de droit à Harvard. Instinctivement attirée et fascinée par cet homme qui réveille en elle des sentiments incompréhensibles, elle mène une enquête minutieuse, qui vire à l'obsession car le passé trouble de ce criminel et sa déviance sexuelle lui rappelle sa propre histoire. En quête de vérité elle va investiguer sur le passé de Ricky Langley en s'appuyant sur différentes sources (pièces du dossier, salles d'archives, témoignages, visites de lieux…) tentant de reconstituer les événements, éclairer les zones d'ombres et peut être trouver une humanité là où n'apparaît que noirceur. En parallèle, elle retisse son parcours personnel.
C'est l'histoire, en partie autobiographique, de deux trajectoires, deux douleurs qui se télescopent avec en commun le dysfonctionnement familial et ses conséquences tragiques, les abus, le deuil impossible et, en filigrane, le mortifère poids du silence. Enfances aux traumatismes similaires menant pourtant à deux voies opposées : celle de la résilience, pour elle, l'emphatique, celle de la perversion pour lui, le « déconnecté » aux autres (et à lui-même)..

Alexandria Marzano-Lesnevich parvient à mettre des mots magnifiques sur l'ineffable. Elle comble les vides et les données lacunaires avec son imagination. C'est absolument bouleversant.

L'auteure place également la focale sur la notion de pardon et d'identité sexuelle ainsi que sur les limites de la Loi et du système judiciaire.
Profondément touchant, profondément humain.
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