Critique sur la série complète
Proche de l'imaginaire des classiques de l'Héroic-Fantasy,
Elias le maudit possède son lot de figures ressassées. Une quête, de la sorcellerie, des créatures fantastiques, des monstres hideux et une galerie de compagnons d'aventure plutôt communs (un zwerg, sorte de lutin anthropophage, un colosse du pays des glaces et une superbe femme médecin). Et dans mon esprit sectaire, il n'y avait que fort peu de chances qu'il s'extraie de l'inépuisable salmigondis de pauvretés que peut produire un genre si fécond. Imbécile de moi ! Car sans faire preuve d'une abondante originalité, cette série possède néanmoins quelques atouts et tire plus qu'honorablement son épingle du jeu.
La trame imaginée par
Sylviane Corgiat est réellement captivante et elle a insufflé à son récit une atmosphère très noire et des plus étouffante. le héros évolue dans un monde décadent en proie aux épidémies, un univers obscurantiste, sauvage et violent. Antipathique et impitoyable, cet ancien roi conquérant assoiffé de pouvoir est plus méchant que les méchants et nous épargne ainsi un manichéisme rédhibitoire. Ici, c'est le mal contre le mal. On se bat, pille, brûle, torture et tue. On ne rigole pas souvent et c'est tant mieux.
Il est également appréciable de constater avec quelle intelligence la scénariste a exploité la composante occulte. L'histoire ne baigne pas dans une ambiance de magie permanente, à l'image d'un Lanfeust par exemple. Son emploi est tout en retenue, la plupart du temps légitime et n'est pas prétexte à des scènes exclusivement concoctées pour justifier une étiquette fantasy pur jus. Encore une fois, c'est tant mieux.
Le graphisme de
Corrado Mastantuono, s'il ne fait pas preuve d'une grande personnalité, est tout de même percutant. Quelquefois inégal, plutôt précis et très dynamique, il s'appuie sur un découpage assez inventif pour donner tout son rythme à la narration. On le sent très légèrement évoluer au cours de l'aventure, la ligne se devinant plus assurée et débarrassée de ses quelques inconstances. La colorisation est plaisante, sans fioriture et ses tonalités sombres s'adaptent parfaitement à l'esprit de l'ensemble.
Si tous les éléments propres au genre sont bien présents, les auteurs ont su raisonnablement s'écarter des sentiers battus pour éviter habilement l'écueil des poncifs. L'oeuvre qu'ils nous livrent en devient palpitante au point qu'il est difficile de sortir son nez des trois tomes avant d'avoir clos le dernier.