Michel Baglin, 12 mars 2011 :
Ce livre est bien celui d'un poète, en même temps que celui d'un bibliothécaire qui me fait songer à Borges nourrissant de son savoir une création très originale, où tout se répond en d'universelles résonances.
Parmi les 72 textes qui le composent, on voit mourir de la tuberculose Aloysius Bertrand, à 34 ans, en 1841, un an avant la publication de ce « Gaspard de la nuit » qui allait le faire passer à la postérité, sans savoir qu'il avait donné naissance à un genre - le poème en prose - où Baudelaire et quelques autres s'illustreraient.
C'est précisément cette « forme » qu'a choisi d'utiliser Pierre Maubé, sur une palette très large, flirtant tantôt avec le verset, tantôt avec le pur récit, voire le conte, l'anecdote historique savoureuse, puisant dans sa propre vie comme dans la mythologie et, peut-être surtout, mêlant intimement passé et présent, sur des rythmes et des tonalités très variées.
Michel Baglin, 12 mars 2011, revue en ligne "Texture".
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Extrait 3
J’aimerais dire… mais ce refrain soumis à je ne sais quelle
musique me laisse coi, ébloui, effaré, noyé de nuit, perdu,
obscur, corps échoué sur un rivage noir.
J’aimerais dire au gouffre goguenard qui s’ouvre sous mes
pas de se laisser oublier le temps d’un souffle, le temps d’un
chant, le temps d’un geste nu ou d’un soupir, le temps d’un
rayon de soleil.
Extrait 1
J’aimerais dire à l’ombre qui me suit de me quitter,
d’aller ailleurs vivre sa vie d’ombre rieuse, de flamme
ténébreuse, de sombre feu follet.
J’aimerais dire à cette nuit légère qui s’attache à mes
pas que je n’ai pas besoin de ce supplément d’être, de
ce ricanement muet qui ne m’abandonne que la nuit.
…
Extrait 2
J’aimerais dire à cet écho patient, à ce frisson inaliénable :
« Je ne mérite pas cet attachement sombre, cette fidélité
de chien, cette chaîne invisible. Je t’en supplie, déserte-moi,
rejoins l’oubli qui t’a donné naissance, renonce à ce naufrage
quotidien, à cette danse du silence. »