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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
C'est en lisant le dernier roman en date de Xavier Mauméjean (« La société des faux visages ») que j'ai pour la première fois entendu parler de Lilipputia. L'histoire n'y était pourtant mentionnée que sous la forme d'une simple anecdote, mais elle a immédiatement titillé ma curiosité. Rien à voir avec Gulliver ni aucun des voyages imaginés par Jonathan Swift, toutefois, puisque le terme fait référence à un endroit qui a bel et bien existé au siècle dernier : une ville miniature uniquement peuplée de nains bâtie dans un parc d'attraction new-yorkais. Coincés entre les montagnes russes, les freaks shows et des décors rappelant tour à tour les canaux de Venise ou Pompéi avant le drame, une centaine de « parfaits » venus de toute l'Europe ont ainsi effectivement constitué l'une des attractions les plus prisées de Coney Island au tout début du XXe siècle. Les « parfaits », ce sont ces nains bien proportionnés et ne présentant aucune difformité, à l'image du héros de ce roman qui se retrouve, un peu malgré lui, intégré à la population du parc. Les hommes d'affaires à l'origine du projet n'ont d'ailleurs pas lésiné sur les moyens puisque la « ville naine » n'est autre qu'une réplique parfaite de la cité de Nuremberg au XVe siècle et que les habitants disposent de toutes les infrastructures nécessaires pour administrer seuls leur petite communauté. Outre les habitations et les commerces on y trouve ainsi un théâtre, un parlement, et même un refuge pour les pauvres ! (« Évidemment, qu'il y a des pauvres, car sinon comment pourrions-nous prétendre être une ville ? ») « Un vrai paradis pour les petits ! », vantent les annonceurs. Sauf que ce n'est évidemment pas le cas, puisque les résidents du parc ne sont pas mieux traités que du bétail et doivent subir sans broncher les outrages des visiteurs, curieux de se confronter à ces « petits monstres ».

L'ouvrage se découpe à mon sens en trois parties qui se déclinent en autant d'ambiances radicalement différentes. La première se concentre sur le personnage d'Elcana et sur son périple jusqu'à Dreamland dont le lecteur découvre le principe avec un effarement qui va croissant au fil des pages. L'intrigue de ce premier tiers est un peu longue à se mettre en place et prend même des allures de véritable saga familiale puisque l''auteur s'attarde plus ou moins longuement sur l'histoire du grand-père puis du père du héros, avant d'enfin se focaliser sur celui-ci. Il faut d'ailleurs attendre qu'Elcana tombe entre les mains des « rabatteurs » du parc pour que le récit adopte un rythme plus soutenu et que l'auteur entre véritablement dans le vif du sujet. le récit se fait alors presque initiatique, Elcana se retrouvant plongé dans un univers dont les codes lui sont inconnus mais qu'il va pourtant devoir rapidement intégrer pour se faire une place. Toute la seconde partie du roman est consacrée à cette ville de Lilliputia dont on découvre peu à peu les spécificités, ainsi qu'à l'apprentissage du héros qui intègre la prestigieuse unité des pompiers. Et oui, la ville comporte même sa propre caserne ! La brigade ne chaume d'ailleurs pas puisque l'un de ses membres est justement chargé de provoquer des incendies... que s'empressent de venir éteindre ses collègues : un vrai régal pour les visiteurs qui ne se lassent pas de ces adorables « petits » en costume de pompier. Cette partie du roman est à la fois fascinante et consternante : fascinante parce que l'auteur a de toute évidence réuni une documentation impressionnante et nous dresse le portrait d'une ville complètement fantasque ; consternante car le lecteur se rend vite compte que ce parc de loisirs à en fait tout d'un camp de concentration pour ses pensionnaires (les nains sont drogués quotidiennement, on les force à avoir des relations sexuelles, ils sont humiliés par les visiteurs...)

Forcément, cela ne pouvait pas durer, et c'est Elcana, notre pompier nouvellement arrivé à Lilliputia, qui prend la tête de la révolte. C'est sur cette rébellion que se focalise le dernier tiers du roman qui change à nouveau d'atmosphère et adopte cette fois des allures de conte philosophique un peu déjanté. Les frontières avec le réel s'amenuisent peu à peu tandis que les personnages ne s'expriment plus que par énigmes, chacun de leur propos recelant un double, voire un triple sens. Plus rien n'est alors ce qu'il semble être et j'avoue avoir été un peu déstabilisé par ce changement auquel, je l'avoue en toute modestie, je n'ai pas vraiment tout compris. Toujours est-il que les références à la mythologie grecque qui parsemaient déjà le roman se multiplient considérablement dans les derniers chapitres, rajoutant ainsi une dimension supplémentaire au récit. Elcana endosse alors clairement le rôle de Prométhée (le feu, le foie, la rébellion : tout y est) tandis que les clins d'oeil à certaines oeuvres ou figures emblématiques se font plus prononcées (le Minotaure, la guerre de Troie, le monde des Enfers...). Les mythes : voilà le moteur de l'auteur qui cherche justement à mettre en lumière ceux qui ont forgé les États-Unis d'aujourd'hui. Pour ce faire, Xavier Mauméjean dresse un portrait très documenté du New York de l'époque et multiplie les anecdotes et faits divers révélateurs de l'état d'esprit de la ville au début du XXe : la disparition progressive des gangs de New-York (parmi lesquels les fameux Dead Rabbits), l'essor des parcs de loisirs (dont, évidemment, « Dreamland »), ou encore l'appétit de la foule pour les « freaks show » (thème récurant chez l'auteur dont je vous conseille d'ailleurs l'excellent « Ganesha »). le sujet est vaste et ambitieux et l'auteur y est d'ailleurs revenu depuis par le biais de deux romans : « American Gothic » (sur le monde de la télévision et du cinéma à l'époque du maccarthysme) et « La société des faux visages » (sur la rencontre fictive entre Freud et Houdini au début du XXe siècle).

Xavier Mauméjean signe avec « Lilliputia » un roman captivant, bourré de références historiques, mythologiques ou littéraires, mais aussi très déstabilisant pour le lecteur qui peine par moment à bien saisir où l'auteur veut en venir (notamment dans la dernière partie). On retrouve en tout cas dans cet ouvrage tous les ingrédients qui font la « patte » de Mauméjean : le soin apporté à l'écriture qui évolue au fil des livres afin de coller au plus près à l'époque décrite, les thèmes du mythe et de la différence, et surtout une abondance de documentations qui pourraient à elle seule donner matière à deux ou trois autres romans. Une expérience de lecture atypique, à tenter !
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Entre 1904 et 1911, l'île de Coney Island a accueilli un parc d'attraction nommé Dreamland. Né du délire d'un industriel américain, ce parc abritait notamment « Midget City » (« La Cité des nains »), encore appelée « Lilliputia ». Dans celle-ci furent regroupés trois cents nains « parfaits » (sans difformité) venus du monde entier. La cité était le modèle, proportionné à la taille de ses habitants, du Nuremberg du XVème siècle. Elle était organisée comme une véritable ville ; on y trouvait, par exemples, une mairie et son Conseil municipal, des pauvres et les organisations caritatives chargées de les aider, ou encore une caserne de pompiers. La compagnie des pompiers allait d'ailleurs jusqu'à déclencher ses propres feux pour divertir les visiteurs du parc.
C'est de cette expérimentation monstrueuse que Xavier MAUMÉJEAN s'inspire pour son roman Lilliputia. Il y narre l'histoire d'Elcana, un jeune homme de petite taille originaire d'Europe de l'Est qui se retrouve bien malgré lui à Lilliputia. Membre de la compagnie des pompiers, Elcana comprend peu à peu qu'il lui revient de libérer ses semblables de la servitude. Avec l'aide des « géants » des autres parties de Dreamland, il va mener la révolte contre Sebastian Thorne, le mystérieux et richissime démiurge propriétaire du parc.
Cela fait de Lilliputia un roman rempli de références historiques. Ce sont celles de l'Amérique peu de temps après son indépendance, celles de la fin des gangs de New York, celles de la violence poussée à son paroxysme. Mais les références sont également mythologiques, Elcana personnifiant le Prométhée de la mythologie grecque, « apportant le feu » à tout un peuple, et entrant de ce fait en conflit avec Sebastian Thorne alias Zeus.
Lilliputia est donc un roman érudit. Il n'en est pas pour autant difficile à lire, MAUMÉJEAN ayant des qualités de conteur indéniables. Il n'est en effet pas indispensable d'être un spécialiste de l'Histoire des Etats-Unis, ni du mythe prométhéen pour profiter du récit. En connaître l'inspiration permet toutefois de mieux en appréhender la richesse ; à défaut, le lecteur pourra regretter ici ou là quelques passages longs et obscurs, surtout en fin de roman.
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