Critique:
J'ai été vraiment surpris par ce roman sombre sur le sacrifice ultime des guerriers japonais pendant la seconde guerre mondiale. Je savais qu'il y avait des dragons, je n'imaginais pas qu'on pouvait aussi bien intégrer un élément fantastique à un fond réaliste.
le seul souci finalement se réduit au fait que l'intégration est telle que l'élément perd de sa portée inattendue. Rapidement on se dit que si les dragons étaient de simples avions, on n'y verrait que du feu et que ça ne changerait finalement pas grand chose. Ce qui peut donc sembler une bonne idée de départ s'essouffle progressivement.
Bon j'avoue, j'ai prit le bouquin uniquement parce qu'il y avait des dragons et des B-29 sur la couverture.
le 4e de couverture m'a fait croire pendant un bon moment que j'allais lire un roman de fantasy axé sur une Seconde Guerre Mondiale alternative ; c'est donc avec surprise que j'ai découvert ce qui est plutôt un essai sur la mentalité du Japon, le vrai, dans la réalité de la fin du conflit, entre création des unités kamikaze et manoeuvres politiques à l'imminence de la défaite.
Les dragons ne servent finalement pas à grand-chose, et on peut remplacer chaque occurence du mot dans le roman par « A6M Zero » sans que cela change le reste du contenu, d'autant plus que l'auteur hésite entre deux approches : comme il le dit lui-même dans sa note finale, les dragons du roman sont une « évidence », en ce sens qu'ils n'ont rien de fantastique. Ils sont intégrés à l'univers de la même manière que les avions le sont dans le nôtre. Et pourtant,
Xavier Mauméjean ne résiste pas au coup classique du chapitre qui décrit l'entraînement des pilotes, histoire de distiller quelques éléments de background dans le roman ; j'aurais préféré, pour rester fidèle à « l'évidence » des dragons, être plongé dans le bain sans la moindre explication. Dans notre univers, un bouquin qui traite de pilotes et d'avions n'irait pas ré-expliquer le principe de portance, après tout.
Il n'en demeure pas moins que le roman est magnifiquement documenté et fort bien écrit.
Des scènes de bataille trop présentes:
Il n'en reste pas moins que ce roman est prenant, qu'on vibre pour ses personnages sans grand espoir pour eux compte tenu de l'issue du combat. Les scènes de bataille sont rythmées, intenses mais occupent une part trop importante du récit. le texte offre plusieurs points de vue: celui d'un jeune garçon, de son frère trop rapidement formé à la conduite des dragons et de son chef militaire qui prépare en toute conscience ses soldats au sacrifice.
Cette partie là me fascine totalement. Bravo à
Xavier Mauméjan de rendre compréhensible à ses lecteurs une notion presque inaccessible aux Européens. Les faits historiques occupent une place plus marquée que les adaptations fantastiques d'autant que le style, parfois un peu froid, rend parfaitement le contexte réaliste de ces événements dans toute la retenue qu'on connait du peuple japonais.
Un texte qui manque un peu d'émotion
:
Les dragons occupent une place un peu décevante d'entrée de jeu pour quelqu'un qui s'attend à ce que le fantastique remplace progressivement le contexte connu de tous. Ce ne sont que des montures, un peu plus exotiques que des machines de guerre mais guère plus chaleureuses.
D'un côté on doit faire son deuil d'un développement de ces personnages fantastiques (on n'est pas dans la relation intime entre le dragon et son pilote comme dans Eragon de
Christopher Paolini) et d'un autre côté on comprend parfaitement la limite que l'auteur a placé sur ce développement. J'ai davantage apprécié la part humaine du roman, la dureté des mots et des situations.
J'avoue éprouver une certaine fascination pour les récits "noirs et blancs", sans couleurs, où le récit n'apporte pas de chaleur mais crée un vrai malaise. Mais fascination n'est pas forcément plaisir. C'est bien là tout le souci.
Le texte manque un peu d'émotion, il me laisse sur ma faim. Les amateurs de pure fantasy seraient certainement déçus par ce roman dont le format papier annonce dès la couverture un magnifique dragon aux yeux de braise. Pour les autres, il faut goûter pour apprécier.