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Critique de JulienDjeuks


C'est à la lumière faible de la Lune, qu'on distingue quelques traits de la vraie nature humaine, ses grandeurs secrètes et son vide vertigineux...

La Reine Hortense (*****)
Vieille fille aigrie qui abrite une flopée d'animaux de toute sorte, La « Reine Hortense » perd la tête et va bientôt trépasser. Sa famille est appelée pour la veiller. Dans ses fièvres, elle parle à des enfants qu'elle n'a jamais eus.

Reprenant le thème de la vieille fille sans amour (notamment en arrière-plan dans Une vie), Maupassant y mêle le thème obsédant de la veillée funèbre (la cruauté des proches dont on avait déjà été témoin dans En famille). L'idée de ce rêve ante mortem qui réalise ce que l'inconscient désire est d'un magnifique romantisme et reste touchant et scientifique (C.G. Jung établit sa théorie des rêves sur ce principe que les rêves compenseraient le vécu). Sinon, le personnage de vieille fille se révèle à l'aube de sa mort, montrant toute sa bienveillance à l'égard des enfants, de ceux qu'elle aurait voulus, de ceux qu'elle a, ses animaux.

Les Bijoux (*****)
M. Lantin, commis principal au ministère de l'intérieur, est marié à une ravissante jeune femme, économe, douce, qui a pour seuls défauts d'aimer aller souvent au théâtre et d'apprécier le brillant des bijoux faux. Il est atrocement triste lorsque sa petite femme est emportée par la maladie. Il a maintenant du mal à vivre de son petit salaire de fonctionnaire. Il va alors pour vendre la quincaillerie de sa femme tant regrettée...

Ce conte raconté uniquement du point de vue du fonctionnaire Lantin, fait passer toute une partie de l'histoire dans le non-dit. À aucun moment le narrateur n'explique ce qui s'est passé, il se contente de suggérer (au lecteur de compléter l'intrigue dans son imaginaire, principe de L'Oeuvre ouverte selon Umberto Eco). Il se pose d'abord une question de morale, sur le caractère féminin, si enclin à mener une double vie. Il met en évidence l'idiotie, la naïveté extrême du bonhomme, bourgeois aveugle, bonne dupe.
Enfin, ce conte amène une nouvelle problématique par la conclusion du second mariage : vaut-il mieux vivre heureux, aveugle et amoureux d'une femme qui vous trompe que malheureux et attaché à une femme honnête et fidèle ? Ainsi, on passe de ce qui pourrait être un portrait à charge, cliché, de la femme trompeuse, à un éloge de celle qui sais combiner et arranger à la perfection les différents aspects de sa vie, préserver le secret là où il doit l'être, mais tout en limitant sa place, en acceptant l'homme avec qui elle vit tel qu'il veut être... Savoir-faire proche de celui du nouvelliste...

La Nuit (*****)
Notre conteur aime follement se promener la nuit. Mais un soir, la nuit ne veut plus s'en aller, et le promeneur se perd dans l'ombre profonde d'un Paris vide.

L'angoisse progressive, l'irréalité tout à fait justifiée du rêve, sont ici d'autant plus efficaces qu'il n'y a aucune transition entre la réalité et le cauchemar. le second n'étant que le prolongement (logique ?) de la première.
Ce cauchemar est bien un révélateur psychologique d'une hantise De Maupassant : perdre le mince lien qui nous rattache avec la lumière, la vie, le temps, la réalité, la logique.
En même temps, il serait presque possible de voir dans cette nouvelle une illustration du fonctionnement implicite des "contes" De Maupassant et de leur esthétique : autour du texte écrit, du récit solide, du conscient, plus on s'éloigne et plus on se perd dans un monde sans lumière, un monde informe, un monde de vide (on pourra comparer avec cette métaphore de Robert Musil d'une conscience marchant sur un pont fragile au dessus du vide, dans Les Désarrois de l'élève Törless).

Résumés et commentaires détaillés des autres nouvelles sur la page de mon blog.
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
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