Citations sur Le Horla et autres contes fantastiques (369)
14 juillet - Fête de la République. Je me suis promené dans les rues. Les pétards et les drapeaux m'amusaient comme un enfant. C'est pourtant fort bête d'être joyeux, à date fixe, par décret du gouvernement. Le peuple est un troupeau imbécile, tantôt stupidement patient et tantôt férocement révolté. On lui dit: "Amuse-toi." Il s'amuse. On lui dit: "Va te battre avec le voisin." Il va se battre. On lui dit: "Vote pour l'Empereur." Il vote pour l'Empereur. Puis, on lui dit: "Vote pour la République." Et il vote pour la République.
Nous sommes si infirmes, si désarmés, si ignorants, si petits, nous autres, sur ce grain de boue qui tourne délayé dans une goutte d'eau.
C'est une phrase de Montesquieu qui a éclairé brusquement ma pensée. La voici : " Un organe de plus ou de moins dans notre machine nous aurait fait une autre intelligence. " (...)
J'ai réfléchi à cela pendant des mois, des mois et des mois, une étrange clarté est entrée en moi, et cette clarté y a fait la nuit.
(Extrait de Lettre d'un fou)
Moi je me sentis toute retournée quand je suis entrée dans les blés. ça ne vieillit pas, le cœur des femmes ! Et vrai, je ne voyais plus mon mari tel qu'il est, mais bien tel qu'il était autrefois !
Au bois
Le passé m'attire, le présent m'effraie parce que l'avenir c'est la mort.
Il ne croyait, disait-on, ni à Dieu ni à diable. Doutant donc de la vie future, il avait abusé, de toutes les façons, de la vie présente.
Il était poète; il peuplait la vie de fantômes, de rêves. Il n'était jamais vraiment seul.
Nous sommes si infirmes, si désarmés, si ignorants, si petits, nous autres, sur ce grain de boue qui tourne délayé dans une goutte d'eau.
» Tu ne me comprends pas ? Écoute. Deux corps se heurtent. L'air vibre. Ces vibrations sont plus ou moins nombreuses, plus ou moins rapides, plus ou moins fortes, selon la nature du choc. Or, nous avons dans l'oreille une petite peau qui reçoit ces vibrations de l'air et les transmet au cerveau sous forme de son. Imagine qu'un verre d'eau se change en vin dans ta bouche. Le tympan accomplit cette incroyable métamorphose, ce surprenant miracle de changer le mouvement en son. Voilà.
» La musique, cet art complexe et mystérieux, précis comme l'algèbre et vague comme un rêve, ne vient donc que de la propriété étrange d'une petite peau. Elle n'existerait point, cette peau, que le son n'existerait pas, puisque par lui-même, il n'est qu'une vibration. Sans l'oreille, devinerait-on la musique ? Non. Et bien ! nous sommes entourés de choses que nous ne soupçonnerons jamais, parce que les organes nous manquent qui nous les révéleraient.
12 mai. - J'ai un peu de fièvre depuis quelques jours ; je me sens souffrant, ou plutôt je me sens triste.
D'où viennent ces influences mystérieuses qui changent en découragement notre bonheur et notre confiance en détresse ? On dirait que l'air, l'air invisible est plein d'inconnaissables Puissances, dont nous subissons les voisinages mystérieux. Je m'éveille plein de gaieté, avec des envies de chanter dans la gorge. - Pourquoi ? - Je descends le long de l'eau ; et soudain, après une courte promenade, je rentre désolé, comme si quelque malheur m'attendait chez moi. - Pourquoi ? - Est-ce un frisson de froid qui, frôlant ma peau, a ébranlé mes nerfs et assombri mon âme ? Est-ce la forme des nuages, ou la couleur du jour, la couleur des choses, si variable, qui, passant par mes yeux, a troublé ma pensée ? Sait-on ?