Citations sur Mademoiselle Fifi et autres nouvelles (51)
La pluie tombait à flots, une pluie normande qu’on aurait dit jetée par une main furieuse, une pluie en biais, épaisse comme un rideau, formant une sorte de mur à raies obliques, une pluie cinglante, éclaboussante, noyant tout, une vraie pluie des environs de Rouen, ce pot de chambre de la France. (Mademoiselle Fifi)
Elle ne remuait plus, éperdue, sur son fauteuil d’apparat, comme si elle eût été placée en montre pour l’assemblée. Elle ne pouvait ni disparaître, ni bouger, ni dissimuler son visage. Ses paupières clignotaient précipitamment comme si une grande lumière lui eût brûlé les yeux ; elle soufflait à la façon d’un cheval qui monte une côte. (Madame Baptiste)
Quand elle marchait à travers ma chambre, le bruit de chacun de ses pas faisait une commotion dans mon cœur ; et quand elle commençait à se dévêtir, laissant tomber sa robe, et sortant infâme et radieuse, du linge qui s’écrasait autour d’elle, je sentais tout le long de mes membres, le long des bras, le long des jambes, dans ma poitrine essoufflée, une défaillance infinie et lâche. (Fou ?)
Je suis même certain qu’une femme n’est mûre pour l’amour vrai qu’après avoir passé par toutes les promiscuités et tous les dégoûts du mariage, qui n’est, suivant [Chamfort], qu’un échange de mauvaises humeurs pendant le jour et de mauvaises odeurs pendant la nuit. (Une ruse)
Vous vous rappelez comme il faisait froid, voici deux ans à cette époque; un froid à tuer les pauvres dans la rue. La Seine gelait; les trottoirs glaçaient les orteils à travers les semelles des bottines.
"Le lit, songez-y, c'est le symbole de la vie; je me suis aperçue de cela depuis trois jours. Je suis tant fatiguée que je vais retirer mes oreillers et m'étendre".
"Adieu mon ami; voici mes mains pour que vous les baisiez, et je vous tends aussi mes pieds nus".
« Avec les rois on a la guerre au dehors ; avec la République on a la guerre au dedans.
Ch.15 Deux amis
Le ciel profond, net et dur, était criblé d'étoiles qu'on eût dites pâlies par la gelée ; elles scintillaient non point comme des feux, mais comme des astres de glace, des cristallisations brillantes.
CH.12 Un réveillon
Elle se rapprocha doucement, rougissante comme une vierge. « J’ai voulu connaître... le... le vice... eh bien... eh bien, ce n’est pas drôle. » Et elle se sauva, descendit l’escalier, se jeta dans la rue. L’armée des balayeurs balayait. Ils balayaient les trottoirs, les pavés, poussant toutes les ordures au ruisseau. Du même mouvement régulier, d’un mouvement de faucheurs dans les prairies, ils repoussaient les boues en demi-cercle devant eux ; et, de rue en rue, elle les retrouvait comme des pantins montés, marchant automatiquement avec un ressort pareil. Et il lui semblait qu’en elle aussi on venait de balayer quelque chose, de pousser au ruisseau, à l’égout, ses rêves surexcités.
Elle rentra, essoufflée, glacée, gardant seulement dans sa tête la sensation de ce mouvement des balais nettoyant Paris au matin. Et, dès qu’elle fut dans sa chambre, elle sanglota.
CH. 14 Une aventure parisienne
La lune à son déclin profilait au bord de l’horizon sa silhouette de faucille au milieu de cette semaine infinie de grains luisants jetés à poignée dans l’espace. Et par la campagne noire, des petits feux tremblants s’en venaient de partout vers le clocher pointu qui sonnait sans répit. Entre les cours des fermes plantées d’arbres, au milieu des plaines sombres, ils sautillaient, ces feux, en rasant la terre. C’étaient des lanternes de corne que portaient les paysans devant leurs femmes en bonnet blanc, enveloppées de longues mantes noires, et suivies de mioches mal éveillés, se tenant la main dans la nuit.
CH.12 Un réveillon.