Il reste encore de ces anciennes familles où le Code civil ne prévaut pas contre la volonté toute-puissante du père.
Voici que l'incendie est éteint, ce brasier, qui le rendait furieux, soudain le laisse grelottant au milieu de cendres. Il existe des hommes qui ne sont capables d'aimer que contre quelqu'un. Ce qui les fouette en avant vers une autre, c'est le gémissement de celle qu'ils délaissent.
Un peu touché d'alcool, Fernand écoutait sourde en lui sa douleur ; il accueillait, enivré, cette inconnue. Un fleuve en lui se débarrassait des glaces d'un hiver démesuré. Il avait attendu sa cinquantième année pour souffrir à cause d'un autre être.
Si sa mère avait voulu qu’il ne vécût que par elle et comme suspendu à son souffle ;si elle n’avait souffert la concurrence d’aucun travail, d’aucun divertissement, d’aucune espérance, d’aucun amour, elle pouvait du fond de ses ténèbres, se glorifier de l’œuvre accomplie : le soleil maternel à peine éteint, le fils tournait dans le vide, terre désorbitée.
Tel est l'instinct de l'amour qui ne veut pas périr :lorsque se dérobe sous lui la terre, lorsque est détruit son ciel familier, il invente un autre ciel et une autre terre. C'est l'heure où l'être qui n'est plus aimé murmure à celui qui ne l'aime plus :"Tu ne me verras pas. Je ne t'importunerai pas. Je vivrai dans ton ombre. Je t'entourerai d'une protection dont tu n'auras même pas conscience. "
Si nous regardons notre vie, il semble que nous ayons toujours été séparés de ceux que nous aimions le plus : c'est peut-être parce qu'il a toujours suffi qu'un être adoré vive à nos côtés, pour qu'il nous devienne moins cher.
Nul souffle ne pouvait plus rien contre l'assoupissement des feuilles. De la prairie même, ne venait plus que le murmure endormi d'un rêve végétal.
Elle commençait de savoir que les absents ont toujours raison : ils sont ceux qui ne contrarient pas le travail de l'amour. Si nous regardons notre vie, il semble que nous ayons toujours été séparés de ceux que nous aimions le plus : c'est peut-être parce qu'il a toujours suffi qu'un être adoré vive à nos côtés, pour qu'il nous devienne moins cher. Ce sont les présents qui ont tort.
Dans le minuscule univers de sa bassesse, dans ce réseau, dans cette toile gluante que sa mère, pour le protéger, avait dévidée autour de lui pendant un demi-siècle, il se débattait, grosse mouche prise. (p.92)
Il n'est pas de martyre que dans le sublime.
On peut donner sa vie en choisissant de toutes les morts, la plus basse.