Ma vie de pingouin

Alors malgré lui, il a éclaté de rire. Je suis tellement fière quand j'arrive à lui arracher ce rire là, celui qui commence par un tiraillement au coin de la bouche, suivi d'un soufflement du nez, puis qui retentit comme un gloussement cordial dans le gosier. C'est presque devenu un sport entre nous, il dit quelque chose d'amer et de cynique et moi je m'y engouffre avec mon nez de clown pour le faire rire. Puis il me fait redescendre avec un nouveau sarcasme et on poursuit comme ça.

Bengt a conduit le Zodia vers un bel iceberg bleu-vert scintillant au milieu de la baie, avec deux ouvertures, presque des grottes - ça ressemblait un peu à un crâne, avec des orbites creuses - Et dans une des orbites se tenait un manchot, comme une larme.

C'est bien mon petit canard ! On n'est pas toujours obligé de rendre les coups, car ça leur donne un avantage.

Tous les humains sont des icebergs. Il faut se souvenir que neuf dixièmes de nous sont invisibles sous la surface. C'est ce qui rend l'existence si intéressante.

(.... c'est maintenant, sur le tard, qu'on commence à maîtriser cet appareil compliqué qu'est la vie, alors qu'on n'a jamais compris le mode d'emploi quand on était jeune. et au moment où on a enfin réussi à piger des trucs, on va se mettre à tout oublier ! (...) Mais pourquoi faudrait-il se souvenir de tout ? Moi je choisis mes souvenirs, seulement les meilleurs, je les polis et les fais briller, j'en rajoute un peu là où c'est nécessaire et je les sors quand j'en ai besoin. ils me procurent du plaisir tous les jours, je suis heureuse de les avoir rassemblés. (p. 240)

Ensuite il a tenu des propos très caustiques au sujet de sa femme, qui ont grincé dans mes oreilles comme une craie sur le tableau noir (p. 91

Les marins anglais pensaient que les albatros étaient les âmes des marins noyés, (...) p. 82

Pourquoi est-ce qu'on s'attache à certaines personnes et pas à d'autres ? C'est un mystère que je n'ai jamais réussi à percer (p. 29)

(...) comme tous ceux qui ont eu une longue vie, j'ai en moi un âge qui me correspond. Trente-six ans, voilà mon âge. Ça m'énerve toujours quand les gens me traitent comme une personne âgée, ça me déconcerte. Ce n'est pas parce que c'est effectivement mon âge qu'ils ont le droit de faire ça ! (p. 28)

On s'est couchés la tête au centre de la rangée et les jambes vers l'extérieur et on a mis le masque que le steward avait distribué. Quand je me suis réveillé, nos têtes avaient d'une façon ou d'une autre glisssé et se retrouvaient sur le même siège, joue contre joue. je suis resté sans bouger un long moment, en pensant que j'étais vraiment en manque cette intimité, la respiration de quelqu'un d'autre tout près de soi quant on dort. (p. 22/23)