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Citations sur L'enfant volé (10)

Elle s'approchait, les yeux rivés sur Stephen. Il se sentit en proie à l'ambivalence habituelle. Faire l'aumône garantissait le succès du projet gouvernemental. Refuser signifiait se détourner délibérément de la misère humaine. C'était une impasse. Tout l'art d'un mauvais gouvernement consistait à rompre le lien entre la politique adoptée dans le domaine public et le sens profond et instinctif de bonté et d'équité de l'individu.
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Et pendant tout ce temps, quelque chose semblait prendre forme dans le silence qui l'entourait, la lente houle d'une prise de conscience enflant avec la force lisse et gigantesque d'une marée qui ne se brisait pas, ne culminait pas en une explosion dramatique, mais qui, au petit matin, le souleva jusqu'au premier flot de compréhension de la véritable nature de sa perte.
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La bonne influence de Kate était ce dont il avait besoin, il lui manquait le don qu'elle avait de célébrer les détails, de savoir comment habiter le présent et être habité par lui jusqu'à u perdre toute identité. Il était toujours en partie ailleurs, ne prêtant jamais attention aux choses, jamais vraiment sérieusement. N'était-ce pas là l'ide que Nietzsche avait de la véritable maturité, parvenir au niveau de sérieux de l'enfant qui joue ?
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...la gorge nouée et nauséeuse et les pieds flottants dans une sorte d'apesanteur déplaisante.
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Stephen et Julie s'accrochaient l'un à l'autre, échangeant, à demi hébétés, des questions purement rhétoriques durant leurs longues nuits blanches, élaborant des théories, pleins d'espoir une minute, de désespoir la suivante. Mais tout cela avait cessé lorsque le temps, cette impitoyable accumulation de jours, eut clarifié l'amère vérité, et l'absolu de cette vérité. Les silences commencèrent à s'amonceler, de plus en plus profonds. Les vêtements et les jouets de Kate traînaient encore un peu partout dans l'appartement, son lit était resté défait. Puis, un après-midi, le fouillis disparut. Stephen trouva le lit dénudé et trois sacs en plastique pleins à craquer près de la porte de la chambre. Il fut saisi de colère contre Julie, dégoûté par ce qu'il interprétait comme un désir d'auto-destruction bien féminin, un défaitisme délibéré. Mais il ne pouvait pas lui en parler. Il n'y avait pas de place pour la colère, pas d'ouverture. Ils se mouvaient comme des silhouettes dans un bourbier sans avoir la force de se confronter. Tout à coup leurs douleurs s'étaient dissociées, insulaires, incommunicables. Ils suivaient chacun leur chemin, lui avec ses listes et ses déambulations quotidiennes, elle, assise dans son fauteuil, absorbée dans la spirale d'un chagrin profond, intime. Il n'y avait plus de réconfort mutuel à présent, plus de contact physique, il n'y avait plus d'amour. Leur longue intimité, leur habitude de se considérer comme alliés, tout cela était mort. Chacun demeurait recroquevillé sur sa propre perte, et de tacites ressentiments commencèrent à naître. (p. 45-46)
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Exécutant de complexes figures chorégraphiques afin de se frayer un chemin à travers les marées humaines, Stephen demeurait comme toujours sur le qui-vive, bien qu’à peine consciemment, guettant les enfants, guettant une petite fille de cinq ans. C’était autre chose qu’une habitude, car on pouvait toujours se défaire d’une habitude. Cela relevait d’un naturel profond, d’une tendance que l’expérience avait imprimée à sa personnalité. Ce n’était pas essentiellement une quête, bien qu’il se soit agi à un moment donné, et pendant très longtemps, d’une recherche obsessionnelle. Deux ans plus tard, il n’en restait que des vestiges ; c’était devenu à présent un désir pénétrant comme une faim inassouvie. Une horloge biologique, animée d’un mécanisme froidement immortel, permettait à sa fille de continuer à grandir, multipliait et nuançait son vocabulaire, la faisait croître en vigueur, dotait ses gestes d’une plus grande assurance. Musculeuse comme le cœur, l’horloge restait fidèle à un éternel conditionnel ; elle serait en train de dessiner, elle commencerait à lire, elle perdrait une dent de lait. Elle serait quelqu’un de familier, tout naturellement là. C’était comme si la multitude de ses images pouvait effriter ce mode conditionnel, cette frêle semi-transparence dont la fine trame de temps et de hasard le séparait d’elle ; la voilà de retour de l’école, fatiguée, sa dent est sous son oreiller, elle cherche son père.
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Mais, par contre, le public provoquait en lui des paroxysmes de misanthropie délirante. C'était ce désir obséquieux de plaire à l'animateur de télévision, d'être en retour charmé par lui, l'empressement avec lequel ils applaudissaient sur commande, vociféraient des encouragements et agitaient leurs petits drapeaux en plastique arborant le slogan de l'émission; la facilité avec laquelle leurs humeurs se laisser manipuler, passant de l'outrage le plus ardent au recueillement le plus profond en un clin d'œil; coquins un instant, puis sentimentaux et nostalgique la seconde suivante, embarrassés, gênés par leur hôte vitupérant, une fois de plus ravis. Les visages inclinés sous les lumières des studios étaient ceux d'adultes, de parents, de travailleurs, mais leur mines naïves étaient celles d'enfants devant un prestidigitateur à un goûter d'anniversaire. Lorsque l'animateur descendait parmi eux, les appelant par leurs prénoms, les taquinant, les flattant, leurs visages semblaient revêtir une sorte de révérence religieux. Elle t'en donne pour ton argent, Henry ? À manger, je veux dire. Alors, hein? raconte nous ça, un peu! elle t'en donne assez ? Et le Henry en question, cheveux blancs et lunettes à double foyer, qui, s'il avait porté un costume mieux coupé, aurait pu passer pour un chef d'État, gloussait de rire en décochant à sa femme des regards lourd de sens avant d'enfouir son visage dans ses mains au milieu des applaudissements et des rires du public. Était-ce vraiment si étonnant que le monde soit dirigé par des idiots avec ces pauvres bougres qui y allaient de leur bulletin de vote, ces gens "comme tout le monde" - ce terme cher aux animateurs de télé -, ces gosses qui ne désiraient rien d'autre que de savoir quand il leur fallait rire?
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Dans ces occasions, le parent épuisé trouvera peut-être quelque réconfort dans l'analogie entre l'enfance et une maladie - à savoir une condition invalidante physiquement et moralement, dénaturant émotions, perceptions et raison, de laquelle découle cette lente et difficile guérison qu'est la croissance.
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Ce qui désapprouve dogmatiquement toute forme de punition corporelle se voit contraints de recourir à différentes sortes de représailles psychologiques contre l'enfant- suppression de privilèges ou d'encouragements, humiliation d'être envoyé se coucher tôt, etc. Nous n'avons aucun élément prouvant que ces formes de punition continues, susceptibles de faire perdre un temps considérable à un parent très occupé, cause moins de dommages à long terme qu'une petite taloche sur l'oreille ou une bonne fessée. Le bon sens suggère le contraire. Levez la main une fois et montrez-leur de quoi il en retourne ! Il est fort probable que vous n'aurez plus jamais à la lever de nouveau.
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Les auteurs d'ouvrages de pédagogie de l'après-guerre ont par sentimentalité ignoré le fait que les enfants sont profondément égoïstes, ce qui est tout à fait compréhensible, étant donné qu'ils sont programmés pour survivre.
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