Au lieu d’aller chercher dans le passé des réponses aux questions qui sont devenues les nôtres, il est aussi possible de relire les phénomènes culturels du passé à la lumière de nos propres interrogations. Il s’agit moins, dès lors, de chercher du semblable dans le passé que d’y faire apparaître de l’inédit à la lumière du présent, ainsi que le postulent, à la suite de Régis Debray, les médiologues
Sous sa forme habituelle (les épistoliers sont éloignés l’un de l’autre) ou créée artificiellement (Rousseau, au cinquième livre des Confessions, refuse de railler, avec Mme de Luxembourg, tel homme « qui quittait sa maîtresse pour lui écrire », car cela lui est arrivé), l’absence constituait à la fois un thème de la lettre et sa condition d’existence.
Pour mesurer cette banalisation, il n’est que d’aligner les innombrables œuvres qui ont pris le courriel comme thème, des films – You’ve Got Mail de Nora Ephron (1998) – à l’art contemporain – les expositions Prenez soin de vous de Sophie Calle (2007) ou 2067 de David Guez (2010)
Vous vous souvenez d’une allusion à Candide dans Mad Men? Que dit-on de Mme de Staël dans The Sopranos? Qu’ont en commun Chuck Norris, Mike Tyson et Bill Lee? Rousseau est-il, malgré
les apparences, un auteur plus important que Voltaire dans le Québec d’aujourd’hui? Pourquoi Donald Trump devrait-il lire l’Encyclopédie? Que penser des mises en scène contemporaines des pièces du XVIIIe siècle?