AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,97

sur 33 notes
5
2 avis
4
2 avis
3
0 avis
2
0 avis
1
0 avis
Une petite nouvelle bien écrite. Melville nous fait vivre une silencieuse confrontation entre jeunesse et vieillesse dans une profession, l'ignorance et l'expérience, celle-ci, il fallait bien l'avoir pendant la traite négrière. Nous vivons des moments de trouble du capitaine Delano lorsqu'il franchit le pont du bateau San Dominick où il constate que les choses tournent mal, le capitaine Benito ne présente rien d'un chef en dehors sa mise bien chic, un lourd secret semble jaillir de partout. Il a un regard fin, peut-être un nez fin comme un chien, en tout cas, aucun détail ne lui échappe dans ce bateau. Il scrute chaque personnage, tous les faits et gestes et surtout l'air très malaisé du capitaine Benito Cereno et toutes les faiblesses qui s'affichent pour un homme dit chef, il sent se fomenter quelque chose mais le propio lui risque de vivre une surprise...
Une petite détente!!!
Commenter  J’apprécie          240
Entre deux nouvelles courtes et anecdotiques inspirées sans doute de la maison à la campagne de Melville - on la retrouve aussi dans Cocorico!, une autre nouvelle - Benito Cereno est comme un abime.
Delano, capitaine d'un baleinier, s'inquiète de voir un bateau sans pavillon en rade au large et décide d'y aller en renfort avec son équipage. Il s'agit en fait d'un bateau négrier, avec 150 esclaves et une dizaine seulement de matelots à son bord, tous assoiffés et affamés. Delano, le temps que son équipage parte en ravitaillement, fait connaissance avec le capitaine Benito Cereno, jeune espagnol au teint maladif et au regard morne et mélancolique. Celui-ci réagit peu ou pas aux sollicitations de Delano. Bientôt, une certaine hostilité s'installe, appuyée par le comportement de Babo qui ne quitte pas Benito d'une semelle et veut le protéger de la moindre émotion. Babo n'est pas qu'un esclave, il est aussi le confident et le conseiller de Benito; Delano ne sait que penser de leur comportement étrange...
Melville joue sur la psychologie trouble des personnages dont on ne connaît que les comportements et les regards sous-entendus. Quelles sont les véritables motivations de Benito, et Babo? de tous les membres du bateau en rade? Malheureusement, j'ai trouvé parfois le rythme un peu longuet et les questionnements intérieurs de Delano répétitifs, mais la tension et l'envie de savoir l'ont emporté. C'est une nouvelle plutôt angoissante avec un dénouement intéressant, écrit à une époque où l'abolition de l'esclavage faisait son chemin.

Quant aux deux autres: La Véranda est agréable à lire, tout comme l'est une promenade dans les collines. le Marchand de Paratonnerre m'a bien sûr fait penser à la chanson de Brassens. La nouvelle en revanche est plutôt sans intérêt - sauf comme document informatif sur les dangers de la foudre!
Commenter  J’apprécie          221
Rien de tel qu'une Véranda ensoleillée pour faire plus ample connaissance avec Herman Melville. Au début de la nouvelle initiale, nous prenons place dans une riante campagne américaine, riche en métaphores filées. La veine héroï-comique de Melville rejaillit avec éloquence, au travers d'une prairie jonchée de comparaisons royales à l'emporte-pièce, comme autant de pâquerettes semées au fil du chemin tracé vers une montagne mystérieuse et attrayante.

Le parcours iconoclaste de cette nouvelle permet d'explorer les réalités qui se cachent sous le verni reluisant des contes de fées. Tout occupé à rêvasser d'Obéron et de Titania, le narrateur dérive vers les ombres « étranges » et dérangeantes qui rôdent dans les paysages d'aspect enchanteur. Quand on vient les regarder d'un peu trop près, on fait du même coup la connaissance des créatures qui s'y dissimulent, humaines, trop humaines.

Ce texte sert de programme et de strapontin à ceux qui suivent, où Melville n'a de cesse de scruter ce qui se cache derrière des façades opaques, parfois trompeuses… Des façades semblables aux murs de Wall Street et au visage de « Bartleby », nouvelle incluse dans le recueil (j'ai déjà parlé de ce texte ailleurs, donc je n'y reviens pas).

Puis vient ensuite le court roman Benito Cereno, qui présente à son tour une efflorescence de signes à décrypter tels des hiéroglyphes : comme Bartleby, ce texte comporte des comparaisons intrigantes avec l'ancienne Égypte.
Et encore plus explicitement que dans Bartleby, le point de vue avec lequel l'histoire est présentée n'est pas fiable. le « généreux capitaine Amasa Delano » met des bâtons dans les roues au lecteur, en interprétant tout de travers alors que la vérité est sous son nez. Melville crée ainsi une tension et un malaise dans un navire où couve quelque chose de théâtral et de macabre. L'ombre d'Edgar Poe plane sur ce récit, car Benito Cereno fait penser à un mélange entre La lettre volée et (surtout) l'une des dernières partie des Aventures d'Arthur Gordon Pym, que je ne nommerai pas précisément, pour ne pas divulgâcher.

La dernière réplique du personnage éponyme semble par ailleurs prophétiser le « the horror » de Joseph Conrad, bien qu'elle soit moins métaphysique car elle désigne ici une figure humaine diabolisée. Enfin, le récit est alourdi par une volonté de tout expliquer inutilement dans l'épilogue, alors que tout est déjà joué et l'essentiel compris. Cela en fait une oeuvre moins convaincante que celles de Poe ou même de Conrad. Mais elle constitue un trait d'union intéressant entre les deux.

On rencontrera aussi des nouvelles plus mineures, mais toujours écrites dans un style archi-reconnaissable, à base de syntaxe complexe et de tropes foisonnants (ce qui sert autant à esbaudir le lecteur qu'à créer un décalage comique avec le sujet). le Marchand de Paratonnerre démontre un grand sens de la satire, rejouant à mots (pas si) couverts la rupture foudroyante entre le catholicisme et le protestantisme suite à la dénonciation des « indulgences ». Et le campanile reprend le thème classique du créateur fou contre lequel se retourne sa création, mélange du Frankenstein de Shelley et de L'homme au sable d'Hoffmann (puisqu'un automate est impliqué). le résultat est hélas assez moralisateur, mais traversé d'une ironie plaisante, aux accents très bibliques : la tour symbolisant l'hubris, ça devrait parler à tout le monde sur... Babelio.

Hormis Benito Cereno, la partie maritime de l'oeuvre de Melville n'est finalement représentée que via la série de petits récits intitulée « Les îles enchantées », donnant une image insolite de l'archipel des Galapágos, où le tragique et le comique continuent de s'entrecroiser étroitement, alors que se rejoue une version burlesque de l'histoire des Etats-Unis, entre royauté évincée et esclavagisme, sans oublier l'industrie naissante, à laquelle sont comparés les volcans locaux. Pour ajouter à cet art du décalage, chaque « esquisse » s'ouvre avec un extrait de The Faerie Queene de Spencer en guise d'épigraphe, et l'ensemble comporte de multiples allusions et références souvent parodiques (Darwin et ses études sur les tortues des Galápagos, un Robinson Crusoe au féminin…), ce qui achève de plonger ces îles dans une identité, et même une temporalité complètement chaotique. Même les chiens peuvent devenir soldats, et le narrateur (Melville ?) se rêve en brahmane juché sur une tortue soutenant la voûte céleste. La dérive à travers ces îles est donc aussi une dérive de sens, le triomphe des tropes melvilliens au sein des tropiques libérés de toute téléologie autre que celle de la fiction ludique.
Commenter  J’apprécie          191
Captivante, cette nouvelle bien écrite tient en haleine. L'auteur devait choisir entre deux points de vue pour relater cet événement. En optant pour celui des esclavagistes, cela génère en moi une contrariété, mais à chacun d'imaginer l'autre version.
Commenter  J’apprécie          10
Dans la nouvelle qui donne son nom au recueil , récit maritime comme Melville en a écrit d'autres, le plus important n'est peut être pas les évènements en eux mêmes ou le regard de l'écrivain sur l'esclavagisme , mais plutôt la façon dont l'histoire est racontée . Ici, la visite d'un marin sur un autre bateau nous montre une série de situations plutôt ordinaires mais, au 3/4 de la nouvelle, un évènement va donner une autre signification à tout ce qu'on a lu jusque là . le plus fort est que , si la première partie pourtant pas écrite à la première personne, nous fait découvrir les lieux et les êtres par les impressions du capitaine Delano ( ressentant un indéfinissable malaise devant ce qui apparait banal ) , l'explication nous est livrée dans le dernier quart par l'intermédiaire d'un rapport de police , texte froid et neutre par rapport à la subjectivité précédente .Vraiment trés astucieux .
Dans ce recueil, j'ai aussi bien aimé et souvent souri au second degré en lisant " les iles enchantées ". La nouvelle pourrait faire un excellent guide de voyage pour touriste masochiste et neurasthénique .
Commenter  J’apprécie          00
On a pu dire que c'était du Kafka avant Kafka......
Commenter  J’apprécie          00


Lecteurs (127) Voir plus



Quiz Voir plus

Dead or Alive ?

Harlan Coben

Alive (vivant)
Dead (mort)

20 questions
1822 lecteurs ont répondu
Thèmes : auteur américain , littérature américaine , états-unisCréer un quiz sur ce livre

{* *}