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Pierre Leyris (Autre)
EAN : 9782070709045
196 pages
Gallimard (14/05/1987)
3.86/5   84 notes
Résumé :
Comment un jeune matelot qui était l'innocence même, ayant frappé un sous-officier pervers qui l'accusait faussement de sédition, devint coupable selon les Articles de la Guerre et fut pendu parmi les vergues par la volonté d'un capitaine qui en était venu à l'aimer comme un père : tel est le mythe intime - homosexuel et christique - qui s'est lentement cristallisé à partir d'un ancien fait divers et selon les hantises de Melville dans les cinq dernières années de s... >Voir plus
Que lire après Billy Budd, marinVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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J'ai lu ce roman il y a quelques années, à l'occasion de mon travail de recherche autour du film magnifique qui s'en est inspiré, "Beau Travail" réalisé par la française Claire Denis. Billy Budd ne peut pas être du goût de tous je crois, du fait que Melville plante le décor de ce court roman dans l'univers 100% masculin de la Navy du 18ème siècle. L'action y est peu présente et se développe sous la forme d'une suite de micro-événements qui finissent par provoquer un drame. L'art de la manipulation perverse dirait-on, exercée par un homme vicieux, un gradé expérimenté, qui exploite à son avantage d'un côté la naïveté d'un jeune soldat tout juste enrôlé, et de l'autre l'intransigeance de la loi martiale qu'il connaît bien.


Les personnages et les actions sont un peu à l'image de ce corps d'armée : très codifiés. J'irais même jusqu'à dire qu'il y a un certain manichéisme ou un traitement assez caricatural non seulement dans la psychologie des personnages, mais aussi dans la manière qu' a Melville de nous les dépeindre ; la beauté pure, parfaite, candide et lumineuse du jeune Billy rencontre la noirceur, la perfidie, l'obscurité de son capitaine d'arme Claggart. L'un est la blanche colombe, l'autre, le Malin. Cet aspect du roman n'est peut-être pas d'une très grande subtilité, mais Melville maîtrise à merveille l'art d'obliger le lecteur à lire entre les lignes, développant un deuxième niveau d'analyse qui lui est au contraire très subtil.


Billy Budd offre une approche assez osée pour l'époque de la crainte de l'homosexualité dans l'armée. Certains passages du roman touche à une évidente sensualité, une complicité "excessive" partagée par un groupe d'hommes vivant en vase-clos, dans un microcosme isolé et éloigné de tout. L'arrivée du jeune gabier de misaine provoque de l'émoi, tant sa beauté intérieure comme extérieure chamboule l'atmosphère à bord du navire. Ce personnage très "féminisé" suscitera de l'amour autant que de la haine empreinte de jalousie, jusqu'à provoquer le drame. Il y a quelque chose de tragique chez Melville, dans la fatalité qui s'abat sur Billy Budd, et contre laquelle il ne peut rien. La question de la sexualité et de la sensualité au sein de l'armée ont toujours été tabou, et continuent de faire couler de l'encre, même à notre époque. La répression des instincts par le code et par la loi ne peut que faillir face à au caractère pulsionnel de la nature humaine. Dans ce roman, il est intéressant de voir comment la pulsion détourne la loi à son profit, et comment la loi, censée être juste, incarne la plus parfaite injustice.
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Longue nouvelle ou court roman, il s'agit d'un texte ramassé, d'une grande densité. Billy, enfant trouvé, se voit enrôlé de force sur un navire de guerre britannique à l'époque de la révolution française. D'une beauté éclatante, ayant sur les autres une forte emprise, il s'attire la haine du maître d'arme du bateau, Claggart, en même temps qu'une grande sympathie du capitaine Vere. Claggart l'accuse de fomenter une mutinerie, ce qui en des temps troublé est pris très au sérieux. Mis en demeure de se justifier, il n'arrive pas à parler (il souffre dans des moments de tension d'une bégaiement) et tue Claggart d'un coup de poing. Il est condamné à mort et pendu.

Le texte de Melville est très condensé, et va à l'essentiel. Il a donné lieu à de nombreuses interprétations (les aspects homosexuels et christiques entre autres) mais Melville suggère et n'explicite pas, le récit a un côté objectif et factuel, un peu neutre, ce qui contribue à lui donner sa force. Les sentiments de Claggart et de Vere ne sont jamais abordés directement. Claggart a un côté très imperméable, le pourquoi de sa haine est laissé à la sagacité du lecteur. Quand à Vere, il a un côté sado-masochiste, le texte suggère à plusieurs reprise qu'il pourrait différer le jugement de Billy et le laisser se dérouler dans un climat plus serein, et il force quasiment la condamnation auprès de ses officiers, à cause d'un sentiment de devoir étrangement compris.

Du coup les différences avec l'opéra de Britten sont sensibles. Chez Britten, les personnages ont des airs-monologues qui permettent d'appréhender leurs ressentis, Claggart et Vere en sont plus charnels et plus proches, cela donne une dimension plus lyrique et émotionnelle au récit. Les personnages Claggart et de Vere sont du coup différents, Claggart paraît plus facile à appréhender et Vere bien plus sympathique.

Mais chacune des deux oeuvres a sa logique et sa force, Forster et Crozier, les librettistes, se sont inspiré de Melville pour la trame général, et sans trahit le sens de son oeuvre, mais ont abordé cette histoire avec une sensibilité différente, qui donne sur une scène un impact émotionnel fort. Et le texte de Melville, moins explicite et en apparence plus objectif, est un superbe texte littéraire. Un exemple d'une adaptation réussie d'une belle oeuvre littéraire.
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"Billy Budd" est une" fable" personnelle. Melville y exprime ses hantises et une vision noire de l'humanité.
Le monde maritime du XIXème siècle et ses codes y sont dépeints. Un personnage lumineux, Billy, apparaît dans ce monde, et en menace la bonne marche.
Billy, marin orphelin, d'une beauté sans nom, subjugue ses comparses, les détournent de leurs tâches et s'attire l'aversion viscérale d'un des officier supérieur du navire où il est cantonné.
L'atmosphère oppressante d'une mer infinie, les sentiments ambivalents de l'officier, fou de haine amoureuse envers l'innocent Billy et l'ambiance électrique sur le navire dû à des peurs de mutineries mettent le drame en marche.
Billy, criant de beauté et de bonté doit mourir. Faussement accusé de fomenter une rebellion, le jeune marin se défend comme un enfant.
Bégaiements après bégaiements, Billy se noie dans ses paroles et face à la monstruosité de son accusateur, abat son bras. Un coup seul aura suffit à tuer l'homme qui l'éxecrait et l'aimait.
Billy, de bouc émissaire de l'aversion névrotique d'un supérieur devient la "douce" victime de la loi maritime. Malgré la compassion du capitaine à son égart, il ne peut être que condamné.
La loi surplombe l'humain et doit être respectée à la lettre. Billy, enfant éternel, dont le seul crime est d'exister, n'a pas su écouter les conseils avisés d'un vieux marin, qui, semblable à un Nestor antique, l'avait prévenu de l'implacable cruauté du monde auquel il appartenait malgrè lui.
Un monde où la loi, les règles et l'ordre perdurent par peur du Vide marin, seul souvenir d'une civilisation en suspens.
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"Billy Budd marin" est un court roman posthume d'Herman Melville. Il n'existe donc pas d'édition établie définitivement, mais celle qui nous est proposée et traduite chez Gallimard est une oeuvre magnifique. Bien que Melville ait trop tendance à s'appuyer sur des références peu évidentes pour des lecteurs contemporains, son art de peindre des personnages hors du commun est saisissant, à commencer par le jeune et beau Billy Budd, enrôlé de force sur un navire de guerre britannique. Cette beauté associée à une grandeur d'âme étonnante, suscite dans l'équipage du Bellipotent admiration et enthousiasme, mais aussi haine et jalousie. Même si Melville ne présente jamais les sentiments des marins pour l'éphèbe Budd en terme de passion amoureuse, il paraît évident que ce monde communautaire exclusivement composé d'hommes est aussi le lieu de ces passions.
Enfin, il est à noter que l'édition Gallimard associe à ce récit, une très courte nouvelle, Daniel Orme, qui est aussi un récit sur la grandeur d'âme.
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Dans ce roman, il y a une abondance de références inconnus pour moi, mais je ne suis normalement jamais fâché d'en apprendre un peu plus sur l'univers. N'est-ce pas là la raison pour laquelle nous continuons à ouvrir des livres? Au travers des pages, les réflexions nagent en grand nombre. Billy Budd a un destin que l'on pourrait dire tragique. Il est né avec sa destinée imprimée dans les beaux traits de son visage. La mer, que trop souvent nous prenons pour synonyme de liberté, est un lieu où la mort est reine. L'on se heurte brutalement aux événements. Je me demande s'il n'est pas dans l'ordre des choses que l'innocence ne finisse pas toujours par périr de son innocence. (Innocent? Donc coupable) Billy Budd n'est-il pas une pureté absolument déplacée dans un monde comme celui-ci? J'ai souris en apprenant que Montaigne a eu une influence certaine chez Melville. Je pense qu'on voit bien cette influence dans le vagabondage que prend parfois ses réflexions dans ce roman.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Qui, dans l'arc-en-ciel, peut marquer l'endroit où finit le violet et où commence l'orange? Nous voyons distinctement la différence des couleurs, mais où exactement l'une commence-t-elle à se mêler à l'autre? Ainsi de la raison et de la folie. Dans les cas patents, on ne pose aucune question à leur sujet. Mais dans certains cas douteux, que l'on suppose, à des degrés divers, moins prononcés, peu de gens se risqueront à tracer la ligne de démarcation précise, encore que, moyennant un salaire congru, certains experts professionnels n'hésiteront pas à le faire. Il n'y a rien au monde que certaines gens ne fassent ou n'entreprennent de faire s'ils sont payés pour cela.
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En matière d'écriture, si résolu que l'on soit à rester sur la grand-route, certains chemins de traverse ont une séduction à laquelle il est difficile de résister. Je m'en vais vagabonder dans l'un d'eux. Si le lecteur veut bien me tenir compagnie, j'en serais heureux. Du moins pouvons-nous nous promettre ce plaisir que l'on prête avec perversité au péché, car cette digression sera un péché littéraire.
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Billy ne comprit pas tout de suite. Quand la lumière se fit, le hâle rosé de ses joues parut atteint de lèpre blanche. On eût dit un homme empalé et bâillonné. Cependant, les yeux de l’accusateur, qui restaient attachés aux yeux bleus dilatés, subissaient une altération extraordinaire, la riche teinte violette qui leur était habituelle se troublant, jusqu’à devenir un pourpre boueux. Ces lumières de l’intelligence humaine, perdant leur caractère humain, se faisaient protubérantes et glaciales comme les yeux étranges de certaines créatures non catalogués des profondeurs. Le premier regard magnétique avait été celui du serpent qui fascine ; le dernier fut comme l’embardée paralysante du poisson-torpille.
« Parle, gabier ! dit à l’homme paralysé le capitaine Vere, frappé par son aspect plus encore que par celui de Claggart. Parle ! Défends-toi ! »
Cet appel ne suscita chez Billy qu’une étrange gesticulation muette et un gargouillement étranglé ; la stupeur causé par l’accusation assénée si soudain à sa jeune inexpérience, et peut-être aussi l’horeur que lui inspiraient les yeux de son accusateur mettant à jour son défaut d’élocution latent et intensifiant sur le moment au point de lui lier convulsivement la langue ; tandis, que sa tête et son corps tout entier, tendus en avant dans les affres de son vain effort pour obéir à l’injonction de parler et de se défendre, donnaient à son visage l’expression d’une vestale condamnée qui, au moment où on l’enterre vivante, se débat pour la première fois contre la suffocation
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L'Envie est-elle donc si monstrueuse? Eh bien, alors qu'on voit plus d'un mortel inculpé plaider coupable et avouer d'horribles forfaits dans l'espoir que sa peine en sera adoucie, personne s'est-il jamais sérieusement accusé d'envie? Le sentiment universel en fait quelque chose de plus honteux que le crime de félonie. Et non seulement chacun la désavoue, mais les meilleurs sont enclins à être incrédules quand on l'impute pour de bon à un homme intelligent. Pourtant, son siège étant dans le coeur, non le cerveau, aucun degré d'intelligence n'est une garantie contre elle.
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La prudence personnelle, même lorsqu'elle est dictée par des considérations entièrement étrangères à l'égoïsme, n'est certes pas une vertu particulière chez un soldat ; alors que l'amour immodéré de la gloire, qui enflamme une impulsion moins ardente, l'honnête sentiment du devoir, en est une, et la toute première.
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Herman Melville n'a jamais su que le roman qu'il avait écrit à l'âge de 31 ans deviendrait un jour l'un des livres les plus célèbres du monde. Il est mort dans la misère et son chef-d'oeuvre, « Moby Dick », n'est devenu un succès que près d'un demi-siècle après sa disparition.
« Moby Dick » d'Herman Melville, à lire dans sa nouvelle traduction chez Gallimard
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