Il restera certainement pour longtemps utile d'évoquer de temps à autre ces disparus de la Shoah et le martyre dont ils ont été victimes, ne serait-ce que pour nous préserver de retomber dans de telles abominations ou nous mettre en garde contre les prémices de telles haines, et cela non seulement pour le génocide juif en général, mais aussi pour le sort particulier de telle personne à tel endroit.
La recherche familiale de
Daniel Mendelsohn y pourvoit et permet en même temps au lecteur de s'interroger sur ses aïeux : qu'en sait-il en fait, et sait-il même qu'ils ont existé, senti, vécu, aimé ? Au-delà de nos grands-parents et oncles et tantes, il semble que beaucoup d'entre nous ne connaissons pas grand'chose de nos grands oncles et tantes, de nos arrière-grands parents et de leurs descendants. Symétriquement, en quoi existerons-nous dans l'esprit et le coeur de nos descendants et comment ? En effet, bien peu d'entre nous laisserons des oeuvres d'art ou littéraires, ou des monuments, qui parleront aux générations futures : tout le monde n'est pas Praxitèle,
Homère ou Khéops ! Vaste sujet de réflexion auquel
Les Disparus nous invite également.
L'enquête menée par
Daniel Mendelsohn jusqu'en 2006 vise à reconstituer le mode de vie avant la guerre, puis les derniers temps des membres de sa famille (son grand oncle et son épouse, et leurs quatre filles) persécutés à Bolechow, en Pologne, lors de la Shoah. Autant la mémoire de ces personnes mérite d'être vénérée et entretenue, autant l'enquête est racontée d'une façon à mi-chemin entre le documentaire et le journalisme sans beaucoup d'attrait littéraire à proprement parler. C'est affaire de goût sans doute mais le tout est très conséquent (près de mille pages) et s'avère laborieux au point de demander un effort d'endurance certain au lecteur.
Heureusement toutefois, le texte est ponctué d'exégèses et de considérations les plus élevées sur la Torah et ses épisodes les plus marquants que le lecteur non juif que je suis a apprécié au point, peut-être, de découvrir la Torah elle-même ultérieurement.
Traduit par
Pierre Guglielmina.