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Citations sur Le Labyrinthe aux olives (7)

- Bonjour, mademoiselle. Excusez-nous d’arriver en retard au rendez-vous, mais nous avons un nouveau chauffeur. Veuillez prévenir le patron que nous sommes enfin là.

Elle s’arrêta, perplexe devant mon discours, et se gratta la nuque, provoquant par ce geste un déplacement de volumes qui m’obligea à regarder le gros pistolet du gardien pour que ne s’effondre pas d’un coup mon plan ingénieux, dont la pierre angulaire consistait à feindre la froide indifférence pour les plaisirs de ce monde qui caractérise le magnat blasé de tout.

- Avec qui, finit-elle par demander, avez-vous rendez-vous ?

- Le Conseil d’administration, en session plénière, attend notre visite, annonçai-je avec une fausse modestie. Veuillez nous conduire à la salle de réunions, s’il y en a une.

L’hôtesse arrêta d’un regard le gardien qui s’était placé derrière nous et demandait :

- Je les vire ?
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Le marxisme nous guette, le capitalisme nous critique à pleines dents et nous sommes la cible des terroristes, des espions, des agents provocateurs, des spéculateurs voraces, des pirates, des fanatiques, des séparatistes et des juifs omniprésents. La violence règne, la panique s'étend, la moralité publique s'en va à vau-l'eau, l'État essuie les pires tempêtes, bref, les institutions sont assises sur des sables mouvants. Ne me prenez pas pour un défaitiste : j'aperçois encore à l'horizon une lueur d'espoir.
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— Allons-nous-en.

— Non, dit Emilia ; suis-moi.

Je la suivis jusqu’à sa chambre, davantage soucieux de décamper au plus vite que de savoir ce qui l’attirait là, quand, à peine franchi le seuil de ce lieu intime, avec une rapidité et une coordination de mouvements qu’aujourd’hui, dans la lumière impitoyable à laquelle la mémoire soumet les plus lointains, fugaces et même imperceptibles instants du passé, je veux attribuer plutôt à un talent naturel qu’à une longue pratique, Emilia ferma la porte d’un coup de talon, d’une main me donna une bourrade qui me fit tomber à plat ventre sur son lit et de l’autre tira sur l’élastique de mon caleçon, avec une telle force que ce dernier – qui, au vrai, était loin d’être neuf le jour où il m’avait été offert par un camarade de l’hôpital psychiatrique, lequel avait eu, le jour de son départ, le geste magnanime de distribuer à ses amis venus lui dire au revoir à la grille les quelques biens en sa possession et était sorti tout nu dans la rue, où il fut aussitôt arrêté pour se voir interné de nouveau, perdant ainsi d’un seul coup la liberté, son trousseau et, soit dit en passant, sa grandeur d’âme –, que mon caleçon, disais-je, se déchira comme une voile que la tempête arrache à son mât, me laissant nu sinon démâté. Mais l’épisode ne s’acheva pas là, ce qui l’aurait d’ailleurs rendu inexplicable : car sitôt que je me fus retourné sur le lit pour essayer, à défaut de comprendre la cause ou le but de l’agression, du moins de la repousser, Emilia, qui s’était défaite d’une partie de ses vêtements avec une célérité que je refuse une fois encore d’imputer à l’habitude, se jeta sur moi, me serra dans ses bras, peut-être dans un élan de passion ou bien pour que je cesse de lui envoyer les coups de poing que je lui administrais, convaincu, dans ma défiance et ma modestie, qu’une femme qui se jetait sur moi, connaissant mon physique et la situation réelle de mes finances, ne pouvait agir que dans de méchantes intentions. Le fait est qu’elle me transforma en sujet passif d’abord, actif ensuite et bruyant toujours d’actes que je ne décrirai pas, estimant que les livres doivent être une école de vertu, ne croyant pas que le lecteur ait besoin d’autres détails pour comprendre ce qui s’est alors passé, tenant enfin que si, à ce point du récit, il n’a pas compris, mieux vaudrait qu’il referme ce livre et se rende à l’adresse que je lui fournirai, où, pour un prix raisonnable, il pourra satisfaire sa curiosité et ses autres appétits de plus basse catégorie. Après quoi, Emilia ayant trouvé dans le tiroir de la table de nuit un paquet de cigarettes, nous fumâmes.
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Emilia, faisant montre de ce sens pratique qui est l’apanage des femmes, trouva une ficelle dont elle me fit une ceinture. M. Plutarquet m’offrit ses chaussures mais elles étaient trop petites. D’ailleurs, comme mes chaussettes étaient noires, je me dis que personne ne remarquerait l’absence de chaussures. Je pris la mallette et consacrai quelques instants à rêver que j’étais un employé partant de chez lui pour aller à la banque contribuer au bien-être de la nation. Quel dommage, dis-je en mon for intérieur, que les circonstances m’aient été contraires ! Car il faut reconnaître que j’ai fière allure.
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Le bar du centre évoqué à la fin du chapitre précédent avait l’enviable privilège d’être situé sur la Rambla de Catalogne et ses tables, pour l’agrément de sa clientèle et le calvaire de ses employés, d’être réparties le long de l’avenue. Nous nous assîmes à l’une d’elles, Emilia et moi, après avoir garé dans un parking la voiture dont elle se trouvait être propriétaire. Des mendiants de toutes catégories circulaient entre les tables. À peine assis, nous fûmes abordés par l’un d’eux, vêtu d’un complet de toile.

- Si vous voulez, je peux vous dire la bonne aventure, fit-il d’un air désinvolte. Ne me prenez pas pour un plaisantin : hier encore j’étais ingénieur-conseil à la Banque industrielle de l’Ebre, la BIDESA. J’ai une femme malade et deux fils à l’université.

Nous lui donnâmes une pièce de monnaie et il nous informa que notre pierre porte-bonheur était la topaze, notre jour de chance le jeudi et qu’il ne fallait pour rien au monde souscrire à l’emprunt PTT.
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Les feuilles de mon journal avaient jauni et il faisait complètement nuit quand je trouvai ma sœur. Elle s’appuyait à un réverbère, attendant le client, éventualité qui ne semblait pas devoir être imminente, car les michetons les moins difficiles changeaient prudemment de trottoir pour couper court à ses invites. Un chien vint renifler ses collants et repartit au petit trot en aboyant. Toujours à l’abri de mon journal, je m’approchai d’elle par-derrière et lui susurrai à l’oreille :
- Candida, ne te retourne pas et ne prends pas l’air étonné. C’est moi.
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- Tu avais une question à me poser ? s’enquit Monsieur le Ministre d’un ton encourageant.
- Oui, Excellence : que dois-je faire ?
- Si tu poses des questions aussi directes, tu n’arriveras jamais à rien, dit le ministre en riant ; mais peu importe, je te répondrai sans ambages. Il y a dans cette pièce une mallette pleine d’argent. Tu vas t’en charger et, il va sans dire, tu en seras responsable jusqu’au dernier centime. S’il te passait par la tête l’idée saugrenue d’en soustraire quoi que ce soit, souviens-toi que l’inquisition n’est pas morte : elle n’est qu’assoupie. Je parle clair, il me semble.
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