Ne dites jamais à
Reinhold Messner que la terre est ronde, que c'est une jolie boule toute lisse !
Pour son grand bonheur, notre planète est pleine de merveilleuses aspérités : ses montagnes chéries.
Les grandes parois (Titre original allemand "Die großen Wände") est le premier livre traduit en français de l'immense alpiniste, mais ce n'est pas son premier ouvrage : avant celui-ci, il a déjà une dizaine de titres à son actif.
Lire
Reinhold Messner est toujours intéressant. le monsieur sait de quoi il parle !
Ce livre ne déroge pas à la règle, même si, assez technique, ce n'est pas le plus exaltant de l'auteur. Si j'ose dire familièrement, Messner fait du Messner : c'est solide, c'est carré, c'est factuel, c'est clair et sans superflu.
Ne vous lancez pas dans cette lecture si vous cherchez de grandes envolées lyriques à la gloire des sommets : Messner dresse un peu le catalogue des différentes parois qu'il étudie.
Il se lance dans une tentative un peu vaine de trouver une sorte de formule permettant d'évaluer la difficulté de l'ascension de différents murs connaissant les critères objectifs géographiques. Il compare ainsi l'altitude de leur sommet, leur hauteur totale (à ne pas confondre avec l'altitude : un mur peut être situé à une altitude moins élevée qu'un autre mais être d'une longueur plus importante) et leur inclinaison.
À cela s'ajoutent d'autres éléments à prendre en compte tels que l'exposition (face nord, face sud ?), la nature du terrain (rocher, neige, glace ou mélange) et le climat usuel.
Le début de ma lecture, plutôt aride, m'a fait craindre de tenir entre mes mains une sorte de liste présentant une analyse comparée de tous les aspects techniques des parois étudiées.
Heureusement, le texte évolue petit à petit ; il se dégèle si j'ose dire, et laisse apparaître un terrain plus avenant.
Dans le chapitre consacré à l'Aconcagua, l'insertion du journal de bord tenu par un jeune débutant donne un peu de vie bienvenue. L'enthousiasme, l'émerveillement et la sincérité non dépourvue de naïveté donnent à ces pages beaucoup d'intérêt.
La carapace se fendille quand
Reinhold Messner aborde le
Nanga Parbat et parle de la mort de son frère.
Très cérébral, il analyse avec beaucoup de lucidité, et avec le recul exprime clairement ce qu'il a ressenti, quelle trace cet événement a laissé en lui, quelles réflexions cela a fait naître. Il se fait presque philosophe.
Méfiant, il garde tout de même une certaine distance, comme pour se protéger. Il faut dire qu'il en a subi des attaques et des reproches en tous genres ! Il a donc appris à contrôler ce qu'il raconte sur ce sujet.
Cervin, Grandes Jorasses, Eiger, Aconcagua,
Nanga Parbat, Dhaulagiri : le premier homme ayant gravi les 14 sommets de plus de 8 000 mètres vous invite à découvrir ces parois redoutables et envoûtantes.
Laissez-vous tenter par l'aventure, si un livre assez technique ne vous rebute pas.
Reinhold Messner n'est pas le plus poète des alpinistes-écrivains, mais il fait partie des plus intellectuels et ses analyses sont toujours pertinentes.
J'ai la chance de posséder une édition en version originale datant de 1977, abondamment illustrée de croquis et photos de l'auteur qui enrichissent considérablement la lecture, et précise pour ceux qui seraient tentés que le texte requiert un assez bon niveau d'allemand.