Cet ouvrage propose un angle d'attaque original par rapport à l'ensemble des publications sur l'art. Et pourtant, bien sûr, l'art ouvre à la contemplation donc pourquoi pas à la méditation ?
Ce livre est magnifique car il est pensé : l'auteur explique en introduction que si le lecteur est libre de lire les chapitres dans le désordre, en revanche il serait mieux de lire chaque chapitre dans son intégralité car ils ont chacun une logique et une progression propre, balisée par des titres précis : « Tourner le regard vers l'intérieur », « Rencontrer la folie de l'esprit », « Lutter ou danser », « Sortir du cadre », « Méditer sur l'impermanence », « Contempler l'évanescence », « Porter un autre regard sur les pensées », « Représenter l'esprit », « Interroger le réel », « Interroger le moi », « Peindre le (temps) présent », « Agir sans agir », « Cultiver la candeur », « Se contenter d'être », « Représenter la compassion », « Autoriser la vulnérabilité », « S'asseoir pour s'engager », «Éviter les pièges », « Revenir au silence. »
Rien que ces titres m'ont mis la puce à l'oreille : aimer l'art, non pas pour étaler sa culture et cocher la case « vue » à chaque expo « à voir absolument », aimer vraiment l'art ne serait-ce pas déjà, parfois, méditer sans le savoir ?
Car cet ouvrage s'adresse à tous, tous ceux qui aiment l'art sans, pour la plupart, pratiquer la méditation. Il est possible qu'il ait raté son public car j'ai l'impression qu'il n'a pas déchaîné les foules alors qu'il est si beau, fort et passionnant. (Peut-être parce qu'il a été rangé dans le rayon Spiritualité dans certaines librairies plutôt qu'au rayon Arts ?) Il y a une seule critique avant la mienne, négative, sur Babelio : peut-être la personne est-elle spécialiste de la méditation car elle dit que ce livre « survole » le sujet. Je pense le contraire : l'auteur aborde vraiment de multiples aspects du sujet, non pas le sujet de la méditation mais celui du lien entre art et « pleine conscience », expression présente dans le sous-titre.
La couverture, une oeuvre de
Fabienne Verdier, « Ascendance », semble une évidence tant cette artiste, qui a assimilé les techniques occidentales et orientales sur le chemin d'une quête intérieure et artistique vraiment personnelle, construit une oeuvre sans égal, qui élève ceux qui aiment son travail. Dans ce livre, j'ai aussi aimé la mise en lumière d'artistes contemporains pas forcément très connus, dont le travail étonne, interroge ou émerveille. Par ailleurs, d'autres artistes anciens ou consacrés sont présents, toujours convoqués avec pertinence sur le chemin des explications. Par exemple Bosch, Courbet, Monet, Hokusaï…
Des citations de poètes, écrivains, philosophes appuient le propos tout comme des notes sur des pratiques orientales qui sous-tendent une philosophie, comme le kintsukuroi que j'ai découvert ici, ou l'ikebana, plus connu.
Chaque chapitre est composé de doubles pages en nombre variable comportant une oeuvre à droite et un texte court mais très articulé en regard. C'est un format que j'apprécie parce qu'il laisse le temps de voir, de lire, de regarder et de relire…
Par-dessus tout, j'ai aimé le propos sans langue de bois, sans componction, un propos au contraire nuancé mais direct, qui insiste sur le fait que le méditant ne se retire pas du monde pour se soustraire aux problèmes mais pour mieux s'y confronter. Non plus pour « gérer » son stress, sa vie, sa carrière voire son apparence mais pour apprendre à accepter ce qui ne peut être changé (deuil, vieillesse, ruptures) mais sans déni non plus, ni résignation, ce qui n'est pas du tout facile. Il y a des pages limpides qui révèlent une personnalité qui travaille à coordonner sa pensée et ses actions, sa pratique et sa vie, son rapport à soi et au monde en s'appuyant sur ce qui est beau partout, sans prêcher pour une quelconque chapelle : cela me semble honnête et inspirant.