Le polar israélien n'est sans doute pas le plus prolifique, du moins à ma connaissance, mais il a trouvé avec
Dror Mishani le moyen de se faire apprécier.
Avec son personnage d'enquêteur, Avraham Avraham, et la première de ses affaires relatée en France,
Une Disparition Inquiétante, il nous livre un roman intelligent qui bouscule sans faillir nos propres aprioris.
Tout commence, comme l'indique le titre, par une disparition : celle d'un adolescent de seize ans, Ofer Sharabi, qui n'est jamais rentré de ses cours au lycée. le soir même, sa mère se présente au commissariat pour signaler son absence. Reçue par Avraham Avraham qui n'a vu en elle qu'une mère apeurée par la fugue de son fils (on apprendra bientôt que ce n'est pas la première fois) et n'a cherché qu'à la rassurer, elle regagne son domicile pour y rejoindre ses deux autres enfants et prévenir son mari, absent, parti en mer la veille.
Ce n'est que les jours passant que cette disparition se fait de plus en plus inquiétante…
Parallèlement, Zeev Avni fait son apparition à la première personne dans le récit. C'est un voisin de la famille Sharabi ; un professeur d'anglais, jeune père, qui a donné des cours de soutien à Ofer durant quelques mois, et dont le comportement semble énigmatique…
Avraham Avraham mène son enquête méthodiquement, mais aucun nouvel indice ne vient l'aider dans sa démarche. Il en vient d'ailleurs rapidement à se reprocher de n'avoir pas aidé assez rapidement cette mère dans le désarroi. Une culpabilité qui le fait prendre cette affaire à coeur.
Les premières pages d'
Une Disparition Inquiétante ne sont pas des plus palpitantes. On y découvre un enquêteur aux drôles de théories sur le crime en Israël :
Chez nous, il n'y a pas de tueurs en série, pas d'enlèvements et quasiment pas de violeurs qui agressent les femmes dans le rue. Chez nous, si quelqu'un est assassiné, c'est en général le fait du voisin, de l'oncle ou du grand-père, pas besoin d'une enquête compliquée pour découvrir le coupable et dissiper le mystère. Oui, chez nous, il n'y a pas de vraies énigmes et la solution est toujours très simple.
Sachez bien que ce ne sera pas tout à fait le cas dans cette affaire.
Sans véritables rebondissements,
Dror Mishani va réussir à captiver son lecteur, à l'entraîner sur les pas d'Avi, dans ses questionnements, dans sa manière de ne pas se dépêtrer de cette enquête qui s'enlise. Il va aussi nous manipuler aisément en proposant des bouts de pistes que l'on prolongera de soi-même avant de nous mener face au miroir de nos propres raccourcis.
Jusqu'à la dernière ligne, alors que le mystère semblera éclairci, l'auteur n'aura de cesse de nous faire nous interroger sur notre regard porté sur les faits.
Une manipulation par l'écriture qui entre en résonance avec une longue réflexion sur le pouvoir de cette dernière menée au court du récit (mais je ne peux difficilement en évoquer plus sans en dire trop).
Alliée à la finesse des portraits psychologiques des personnages, à la qualité de la construction qui se permet parfois une sorte de pirouette donnant un éclairage multiple à certaines situations, à l'intelligence du propos, des analyses, et des indéniables qualités d'écriture, toutes choses qui font d'
Une Disparition Inquiétante un excellent roman et de
Dror Mishani un auteur à suivre.
Et ça tombe bien puisque Avraham Avraham est devenu un personnage récurrent et qu'il en est déjà, dans son pays natal, à sa seconde enquête : A Possibility of Violence. Affaire à suivre…
Lien :
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