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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Etrange roman, situant une action en quasi huis-clos, dans un village imaginaire de la campagne anglaise, Middenshot, au début de l'hiver, en trois étapes météorologiques : vent, brouillard et neige.

Une première de couverture réussie et prometteuse, avec ces arbres dénudés, "comme de sombres oiseaux aux plumes arrachées", des dessins en tête des trois parties figurant les éléments naturels pré-cités, l'ensemble donne un roman bien écrit, quelque peu déjanté, parsemant des réflexions discutables sur l'élimination des criminels, depuis Hitler jusqu'au plus quelconque droit commun des années 50.

L'histoire se déroule donc en 1950 et implique un triangle familial -- père, mère et fille -- et d'autres personnages, un voisin que la fille déjà sur le retour à peine la trentaine atteinte aimerait bien conquérir, ce dernier étant plutôt attiré par les formes provocantes de son employée de maison, un tueur évadé d'un asile ainsi que son complice, deux détectives privés aussi compétents que ceux mis en scène par Hergé dans Tintin.

C'est essentiellement la présumée folie du père, Mr Jarrow, personnage principal, qui domine magistralement l'oeuvre, avec ses réparties savoureuses, sa vision de l'absence de sexualité de sa fille imagée en une Io délicate, dont le voisin, taureau jupitérien, menacerait la virginité, elle-même ne demandant pas mieux.

L'originalité du roman se développe magistralement autour des trois éléments naturels, vent, brouillard et neige qui ajoutent à l'atmosphère oppressante et étouffante dans laquelle les relations confuses des personnages s'enlisent. Ainsi, les descriptions de la tempête, des arbres qui tiennent une grande place dans ce texte, du fog britannique qui en vient jusqu'à dissimuler les passions, de la neige qui ensevelit l'ensemble, gommant à la fois les turpitudes et leurs traces dans la campagne engloutie, multiplient les angoisses ou les passions des protagonistes.

La bonne du voisin, prénommée Hyacinthe, ne manque pas de chair et de verve et cette dernière se déploie en des considérations quasiment fascistes, dignes de différents partis politiques dits nationaux. Curieusement, ce sont celles-ci qui vont peu à peu séduire le voisin, Mr Holme, qui va découvrir que sous les atours plantureux de la bonniche se cache un cerveau aux idées pourtant si dangereuses pour l'humain.

Toute une sensualité, voire érotisme, émane des approches des différents personnages, père et mère, fille ou bonne et voisin, qui ajoute encore du piment à l'histoire pseudo-policière, et aux divagations des protagonistes. La violence de certaines situations et même leur horreur exprimées dans la bouche du père Jarrow confère à ce roman une connotation et une ambiance hitchcockienne qui séduira les amateurs du genre.

Enfin, des dialogues savoureux, emplis d'humour, souvent noir, font aller et venir le lecteur du sordide au merveilleux, dans le sang des orchidées ou celui des hommes, le tout dans différents délires fort bien mis en scène.

Il est donc très plaisant d'aller frissonner dans le vent, se perdre dans le brouillard des esprits et se couler dans la neige de Middenshot, en lisant ce roman réussi que les amateurs du genre apprécieront.
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"Et le brouillard , le brouillard humide et blanc qui tisse de nouveau sa toile entre les arbres et enveloppe tout: la haie, le toit des maisons, les hommes , les pensées des hommes, et les souvenirs des femmes, les souvenirs de bruyères et d'ajoncs sur le terrain communal."(P.162)

Avant toute chose, "Le temps qu'il fait à Middenshot" est un roman atypique, qui compte autant par le fond et les propos abordés, que par l'ambiance étrange et le style d'écriture qui surprend, déconcerte, et interroge forcément.
La couverture de ces éditions du Typhon , superbe illustration cotonneuse d'un paysage mangé par le brouillard, aux décors naïfs, reflète parfaitement l'ambivalence du roman, oscillant entre roman noir et roman gothique.

Mais mon intérêt pour ce livre reposait principalement sur l'auteur, Edgar Mittelholzer (1909-1965), qui m'intriguait. Né en Guyane Britannique, il fut confronté au racisme et aux injustices de classe qui régnaient dans cette colonie. Enfant métis d'une famille qui se voulait blanche, il subit le rejet de ce père blanc qui n'accepte pas la couleur de peau prononcée de son fils. Dédaigné par les siens, brimé lors de son intégration dans l'armée, l'écriture devient refuge.
En Angleterre, il tentera de vivre de ses talents d'écrivain mais, personnalité tourmentée et rongée par la dépression, il se suicidera en 1965.

Sa biographie importe si l'on veut saisir l'étrangeté inquiétante du roman. Car Edgar Mittelholzer excelle à instiller cette atmosphère menaçante tout en introduisant des éléments loufoques et en soulevant des questions majeures, créant un récit complètement décalé.
Il traite de sujets graves sur un ton comique, voire grotesque, nous poussant sans arrêt à nous interroger pour remettre certains propos en perspective. le décalage nous interpelle, comme si on visionnait un documentaire sur la montée du nazisme, doublé par la musique de générique de Laurel et Hardy !

Mittelholzer joue avec différents styles littéraires et structure son récit en trois parties très dissemblables, répondant à trois éléments météorologiques : le vent, le brouillard et la neige.
Autant dire que le genre adopté pour aborder la période de brouillard va se révéler brumeux !

• le contexte des paysages tourmentés par les éléments climatiques sert donc d'écrin aux affres des personnages.
À commencer par le foyer des Jarrow, gangrené par la démence du père, Herbert, persuadé que son épouse, Agnès, est décédée (alors que parfaitement en chair et en os à ses côtés sous le même toit !), laquelle lui apparaît lors de séances de spiritisme (et pour cause puisqu'elle est bien vivante !) consenties par leur fille, Grace, qui endure au quotidien le comportement délirant de son paternel... Aux premiers abords, ce personnage un peu dérangé nous fait sourire car sa folie inoffensive est presque touchante, lui qui passe à côté de sa bien-aimée sans la remarquer mais cherche à tout prix à la retrouver par le biais du spiritisme. Ce décalage constant et la résignation bienveillante de la mère et de la fille prêtent à sourire, ... jusqu'à ce que l'ambiance s'épaississe et s'embrume, lorsqu'apparaît un mystérieux personnage, le "Grand exécuteur", échappé de l'asile de Broadmoore, et dont la dangerosité fait écho à la folie jusqu'alors inoffensive de Mr Jarrow...
Entre aussi en scène le voisin, Mr Holme, ancien militaire, qui n'aimerait rien d'autre que de se rapprocher de Grace, malgré leur trop grande retenue à tous deux. Mais ce serait sans compter sur Hyacinthe, la bonne énergique de Mr Holme, pétrie de désir pour son employeur... La touche finale de burlesque est portée par la présence de deux détectives, façon Dupont et Dupont, venus enquêter sur les meurtres commis sur la lande.

La violence qui va soudain se répandre à Middenshot met en exergue les désirs réprimés, les envies refoulées des protagonistes. C'est un peu comme un signal électrique qui va ouvrir de nombreuses portes jusqu'alors restées fermées, et délivrer des pulsions : de vie, de désir mais aussi de violence et de mort.

• Outre son côté décalé et parodique, il ne faut pas s'y tromper : "Le temps qu'il fait à Middenshot" traite de sujets philosophiques et sociétaux, notamment la violence, la façon dont nos sociétés se construisent dessus et la tolèrent ou l'érigent presque en valeur, le rapport que chacun entretient avec cette dernière, la façon de la prévenir mais aussi de la punir.
Mittelholzer a non seulement vécu des brimades personnelles mais il fut aussi témoin de la seconde guerre mondiale, le roman est donc empreint de tous ces stygmates, toutes ces formes de violences:

✓ La violence comme réponse à une agression: le "Grand exécuteur" (l'échappé de l'asile) souligne le caractère fort et belliqueux des Allemands et la façon bien trop magnanime dont les vainqueurs ont traité ce peuple: "Il fallait traiter les Allemands comme des esclaves vaincus", "Ils nous méprisent et nous haïssent parce que nous les avons traités avec douceur"(P. 192). Il fustige le clémence des vainqueurs qu'il assimile à de la faiblesse:
"Liberté de parole, liberté de pensée, soit ; mais pas à nos ennemis. [...] Qu'on les écrase au contraire avant qu'ils ne nous écrasent. Eux ils récusent toute sentimentalité. Eux, ils ne sont pas pacifistes. Eux, ils sont armés jusqu'aux dents. [...] Quand ils seront au pouvoir, ils ne verseront pas de larmes d'attendrissement sur l'humanité [...] Dans leur pays, a-t-on le droit de parler librement ?"(P. 197)

✓ La violence comme valeur sociétale et éducative : Hyacinthe, la bonne de Mr.Holme, estime que les délinquants et les meurtriers doivent être exécutés, puisqu'on n'hésite pas à supprimer les nuisibles (rats et autres indésirables), il suffirait de procéder de la sorte avec les individus nuisant à la société !
C'est d'ailleurs un leitmotiv quasi obsessionnel chez plusieurs personnages:
- "Nous n'arriverons jamais à créer une civilisation satisfaisante si nous ne nous décidons pas à établir un système implacable, libéré de tout entrave sentimentale, permettant de débarrasser le genre humain de tous les individus dangereux : assassins, voleurs, adeptes de la violence, maniaques sexuels, lunatiques du crime." (P.221)
Sacrée vision du monde...

À aucun moment, l'auteur n'évoque la structure même de nos sociétés et le choix de leurs valeurs comme génératrices de cette violence (par exemple, des études d'autres formes de sociétés plus tribales montrent une violence réduite et rare)

✓ La violence de l'institution, qui par sa lâcheté, se cachant derrière de beaux discours humanistes, laisse faire: est régulièrement mise en exergue la mollesse d'une société peu ou pas répressive, la tolérance coupable qui laisse impunis les crimes et "encouragerait presque le passage à l'acte du délinquant". L'auteur pointe ainsi la lâcheté de nos sociétés face à l'avènement du fascisme et du nazisme.
Désignant toujours la violence institutionnelle, l'auteur ne s'arrête pas en si bon chemin et dénonce l'hypocrisie d'un système qui refuse aux patients en grande souffrance le droit à mourir dignement.

Nul doute que Mittelholzer, ayant vécu dans sa chair rejet et humiliation, ayant subi lui-même l'ostracisme et le racisme, n'a pu que réfléchir aux réponses à apporter à toutes ces formes de violences. Il me semble que ses personnages servent à dénoncer un monde qui se reconstruit, après le chaos de la seconde guerre mondiale, en n'ayant absolument retenu aucune des leçons de ce conflit !!
Il livre de façon ironique, à travers un roman noir et décalé, une réflexion puissante sur la société, l'éducation, les origines du "mal", et les valeurs philosophiques/morales (ou immorales) à privilégier dans une société.
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Dans la petite ville anglaise de Middenshot, la famille Jarrow, mène une vie étrange, entre le père qui a perdu la raison, la fille trentenaire et la mère résignée, des rituels se sont créés comme de réaliser des séances de spiritisme père-fille pour s'adresser à la mère pourtant bien vivante...

La fille aimerait bien attirer l'attention de Mr Holme le voisin et devenir son épouse, mais son père le déteste.
Quand un détenu d'un asile voisin s'échappe, voilà que ce qui commençait comme un drame rural familial est bouleversé par une série de meurtres brutaux.

"Le temps qu'il fait à Middenshot" est l'exemple type du roman inclassable; drame ? études de moeurs ? roman d'énigmes ? Il échappe à toutes catégorisations.

Particulièrement bien construit et écrit, le roman de Mittelhozer est une pépite à découvrir absolument !
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Bienvenue à Middenshot, ville balayée par le vent, la brume et la neige.

Une ville étrange où des meurtres se produisent depuis qu'un grand Exécuteur hante ses rues. 

Une ville qui abrite une famille étrange, les Jarrow avec le père, Herbert, fou depuis un accident, persuadé que sa femme est morte. Agnès, la fameuse épouse, bien-vivante et supportant avec patience la folie de son époux, attendant qu'il organise une séance de spiritisme pour accepter de lui parler. Pour compléter ce duo, Grace, leur fille, tricote, emmitouflée dans la sécurité de son quotidien.

Il y aussi M. Holme leur voisin qui aimerait épouser Grace et Hyacinthe la femme de ménage qui voudrait l'épouser, lui. 

Voilà un roman étrange, sombre, absurde, exigeant mais que je n'ai pas pu poser. 

L'auteur alterne les points de vue dans un même paragraphe, développe jusqu'à l'écoeurement des théories nauséabondes sur l'eugénisme comme pour mieux les moquer, les rendre encore plus insupportables à lire. 

L'atmosphère du roman est absolument fantasmagorique, sublimée par la mise en page et le travail éditorial des éditions du Typhon. Les éléments sont des personnages à part entière, l'on frissonne en entendant le vent , en parcourant les chemins brumeux ou les sentiers enneigés. 

Ce roman est inclassable, et ne plaira clairement pas à tout le monde, mais me concernant c'est une très belle découverte. 
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DESTINATION DE REVE

Bienvenue à Middenshot !!
Petite bourgade anglaise pleine de charmes et de surprises, dans laquelle vous passerez un séjour forcément inoubliable !
Une température au sol un peu fraîche ? Oubliez ! Ici seule compte la chaleur humaine incomparable !

Dès votre arrivée vous profiterez de ce vent aux mordantes caresses qui vous enveloppera irrésistiblement avant de laisser place au brouillard mystérieusement lourd ou à la neige incessamment bruyante… des conditions météorologiques uniques vous en conviendrez, que le monde entier envie à Middenshot.

Car oui, Middenshot est LE site incontournable de vos vacances ! Vous profiterez très vite de son atmosphère généreusement austère et inquiétante, entre Hitchcock et Tim Burton.

Vous irez à la rencontre d'une population exotique et chaleureuse… à sa manière. Vous goûterez au bonheur d'une vie paisible, favorisant le lâcher-prise tant attendu…dès lors que vous resterez claquemuré dans votre chambre d'hôtel.

Une envie de musée ? Venez visiter la chambre des horreurs de Mr. Jarrow, inévitable figure de Middenshot. Il vous ouvrira ses portes en grand pour mieux vous asséner ses pensées morbides et violentes, convaincu de la nécessité d'exterminer les nuisibles humains pour libérer et soulager la société de toute forme de Mal. Un discours parfois tellement farfelu et outrancier qu'il vous assurera une visite pour le moins distrayante !

Envie de vous mettre au vert ? Mr. Holme vous accueillera dans sa serre, là où il regarde avec passion ses orchidées pousser comme il regarde tout à tour Hyacinthe sa brûlante servante et la douce mais farouche Grace. Laquelle choisir ? Laquelle étreindre avec fougue et ardeur. Vous le saurez en observant le va et vient hésitant du botaniste des lieux.

Et pour toujours plus agrémenter votre séjour vous pourrez encore frissonner à l'approche du grand Exterminateur ou vous irez à la rencontre des Dupont et Dupond de Middenshot, un binôme d'enquêteurs jamais avares de répliques grotesques…

Bref. Bienvenue à Middenshot ! Là où la diversité des activités ne faiblit jamais. Car Middenshot c'est l'effet de surprise, inclassable et déroutant par son atmosphère d'exception ! Entre roman noir fantastique, suspens, passages burlesques et prose poétique, il y en a pour tous les goûts !
Vous pourrez assister au spectacle des voix angoissées qui s'entremêlent et se lient face à l'imminence du danger, vous succomberez à l'évidence à l'écriture métaphorique et lyrique portant les tourments de ses habitants, vous vous laisserez aller aux mots, aux images et à la force des éléments naturels chargés de symboles – résonnance troublante de la vie humaine- et vous glisserez chaque soir dans la nuit terriblement noire de Middenshot pour enfin trouver toute la vérité de l'Homme…

Soyez assurés du sérieux de nos prestations sur place, nos équipes vérifient quotidiennement le temps qu'il fait à Middenshot

Bon séjour et à bientôt peut-être !
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Edgar Austin Mittelholzer (1909-1965) né en Guyane britannique, l'actuelle Guyana, est un auteur métis. Découvert, après des années d'infortune, par Leonard Woolf, le mari de Virginia, Edgar Mittelholzer est le premier écrivain caribéen à avoir connu un succès en Europe. Mais rien n'apaise la haine de soi de celui qui se sent rejeté pour sa couleur de peau. de controverses en dépressions et face aux déjà prégnantes questions identitaires, il finit par se suicider en 1965.
Une oeuvre conséquente dont le roman le Temps qu'il fait à Middenshot (1952) vient d'être édité. Un bel objet-livre à la hauteur de cet excellent roman.
Le lieu, Middenshot un petit village en Angleterre. L'époque, le début des années 1950. Les personnages : la famille Jarrow, Herbert le vieux père, fou animé de pensées morbides, se vautrant dans l'horreur, il croit que sa femme Agnès est morte et ne s'adresse plus à elle que lors de séances de spiritisme ; Agnès donc, a pris son parti de la situation par amour pour son époux et n'est plus qu'une ombre dans la maison ; et puis il y a Grace, leur fille d'une trentaine d'années, laide, elle s'est réfugiée dans le tricot en faisant sa profession. Il y a aussi Mr Holme, le voisin veuf, ex-policier devenu amateur d'orchidées, sur lequel Grace fantasme un peu mais la concurrence est rude car Hyacinthe, la jeune bonne de Mr Holme, qui roule de la croupe (« ses fesses dansaient chaque fois qu'elle remuait le bras ») a des vues sur cet intéressant parti. Les faits : un pensionnaire de l'asile proche s'est évadé et depuis, chaque nuit, un crime est perpétué…
Un bouquin qui ressemble vaguement à un polar mais ce n'est qu'une astuce pour en rendre la lecture plus attractive encore. Les clins d'oeil au genre s'accumulent, des cadavres donc, des indices bien glauques qui rapprochent ces meurtres du vieil Herbert qui s'en réjouit par ailleurs, l'angoisse de la mère et de la fille, nous sommes plus dans le farfelu que dans le thriller, d'autant qu'une paire de détectives privés entre dans le jeu, deux zozos bien zinzins, loufoques et philosophes (Je dirais même plus, philosophes et loufoques ! Botus et mouche cousue, vous m'avez compris).
Au faux polar s'ajoutent les liens entre les acteurs, Grace qui lorgne sur Holme, Holme qui songe à Grace, Hyacinthe qui fait du rentre-dedans à Holme, tous coincés par leur timidité ou la peur de l'aventure qui dérangerait leur routine de vie. Là encore, pastiche du roman de genre.
Le vrai sujet est ailleurs, dans les propos de nos deux détectives qui se livrent à des joutent verbales sur des sujets épineux : la peine de mort pour les assassins, les fous criminels et par extension à tous ceux qui gâchent la vie des honnêtes gens ; ou bien l'extermination des malades mentaux à la naissance ; euthanasie, eugénisme… C'est là et non dans ce qui précédait que se trouve la vraie angoisse de ce texte terrifiant.
Ce régal de lecture ne serait rien encore, si je n'évoquais pas l'écriture car Mittelholzer utilise différentes techniques. le roman est en trois parties, nommées Vent, Brouillard et Neige, et dans chacune l'élément climatique a un rôle et revient dans chaque phrase ; climats propices aux frayeurs et peurs diffuses, quand un assassin rôde autour des maisons, induisant des ambiances tendues entre les personnages.
Venons-en au plus beau, les dialogues et les pensées des acteurs se mêlent, allant même jusqu'à se répondre indirectement, formant une sorte de cadavre exquis extraordinairement bien torché car la compréhension générale n'est pas altérée pour le lecteur lambda. Une prouesse technique enthousiasmante. Je vous laisse découvrir les autres astuces littéraires de narration.
Excellent roman, une découverte totale pour moi, une lecture indispensable pour vous !
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Livre conseillé par une libraire dont j'ai un petit crush, alors je me suis plongé direct dans l'histoire !
Rassurez-vous, je ne dis que j'ai adoré le livre juste parce que je suis en crush sur la libraire !

Je viens de terminer le livre et je dois dire que j'ai été emballé par l'histoire. J'ai eu un peu de mal a rentrer dans l'histoire au début et puis je me suis laissé porter par le coté un peu fantastique, mystique et par l'humour du récit. Les répétitions de bruit du genre "pshiit, flack, floup..." plus les échanges entre Grace et son père qui se renvois la balle (exemple au début du chapitre numéro 8) c'était vraiment amusant !

En bref, j'ai vraiment aimé ce livre, je ne sais comment vous convaincre de passer le cap pour aller le lire, si ce n'est que je vous le recommande !

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Après avoir découvert l'auteur avec son roman "Eltonsbrody", je n'ai eu qu'une envie c'est de lire son autre roman.

Voilà donc un petit ovni littéraire et quel bonheur !
Car oui, les personnages de ce roman sont pour le moins loufoques, intriguants, bizarres, uniques, voire effrayants et dérangeants.

Nous sommes ici dans le petit village de Middenshot et nous faisons connaissance avec ses habitants notamment la famille Jarrow. le père a littéralement perdu la raison et pense sa femme morte, alors qu'elle est bien vivante, présente à ses côtés, mais il ne lui parle que par séances de spiritisme organisée par la complicité de la mère et de la fille Grace.

Puis il y a Mr Holme, ancien policier et veuf, obsédé par son jardin, ses serres et sa collection d'orchidées.

Ce petit monde, avec ces bizarreries mais finalement sa monotonie quotidienne, va être ébranlé par une série de meurtres atroces.

Avec intelligence et originalité, Edgar Mittelholzer nous invite à réfléchir sur le mal présent dans nos sociétés, sur la violence, notre rapport avec elle et de quelle manière nous en défère.

Écrit en 1952, on sent encore très présent chez l'auteur le choc qu'a été la seconde guerre mondiale.
Les personnages excentriques nous interrogent sur les racines du mal, est-il inné/acquis ? Peut-on l'annihiler ? Par quelle méthode ? faire justice soi-même par exemple ?
Quel serait un "bon" individu pour une "bonne" société.
Certains des habitants de Middenshot ont un avis bien tranché sur ces questions et sur l'eugénisme, et nous amène à se poser ces questions.

Cette lecture déroutante est une réussite pour moi, aussi bien sur le propos que sur l'écriture et l'ambiance qui s'y dégage !

A DÉCOUVRIR !!

Ce qui est certain également, c'est que je vais très vite me procurer les autres publications du Typhon dans cette collection
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Il vente à Middenshot, du souffle tempétueux des ténèbres. Il y neige à gros flocons, qui recouvrent le village de plumes et de « débris de petites fées déchiquetées ». Quand ce n'est pas le brouillard qui l'enveloppe de ses tentacules opaques.
Middenshot est bercé par une atmosphère définitivement mystérieuse, angoissante à la nuit tombée, qui remplit d'effroi ceux qui y vivent et angoissent ceux qui s'en approchent ; des visiteurs empruntant l'oppressant terrain communal aux lecteurs suivant les métaphores atmosphériques et les allégories des éléments. Qui ; si le dense brouillard, l'épaisse couche de neige, le vent tumultueux, obscurcissent l'âme des personnages, éclaircissent cependant l'esprit du lecteur par leur fréquence et la composition transparente du récit sur lesquelles elle repose. Middenshot est le théâtre d'un conte noir dont il renferme tous les codes. Un conte effroyable. Angoissant. Peuplé d'habitants tout aussi terrifiants, personnages atypiques, parangons d'épouvantes.
Mais on dit qu'à Middenshot, « tout n'est qu'illusion ». Car, à bien y regarder, ces personnages caricaturaux, ces archétypes, revêtent un caractère burlesque tant ils sont prévisibles, tant leurs propos et leurs actions sont parfois grotesques. Il y aurait de l'absurde derrière l'épouvante, une comédie derrière la tragédie ? L'auteur nous le dit, à Middenshot, tout n'est que « rêverie et tromperie », où circule un proverbe bien connu ; « chaque esprit devient son propre miroir ». Alors, que se cache-t-il derrière le miroir, derrière cette brume, derrière ce rideau de neige ? Derrière cette poésie de l'horreur ?
Quelles fonctions remplissent ces métaphores si limpides, cette composition du récit si évidente, si ce n'est de se jouer du lecteur à mesure qu'il piège les personnages, pris dans un brouillard de dialogues et de faits, enseveli sous une couche épaisse de figures de styles et de poésie. Poussé par un vent tempétueux à décrypter l'implicite, qui devra s'enfoncer dans la neige, suivant les traces laissées par l'auteur, traverser la brume des mots pour comprendre le message transmis par l'auteur. Pour saisir la dimension philosophique du roman et identifier la réelle épouvante qui menaça non pas Middenshot, mais le monde dans son intégralité. Car, si à Middenshot « tout n'est qu'illusion », l'auteur nous avertit. « Tout n'est que désillusion. »
« le temps qu'il fait à Middenshot » est une comédie noire, terrifiante et jubilatoire, portée par une atmosphère envoûtante. Un texte à plusieurs niveaux de lecture, écrit en 1952, dont le récit, en apparence simpliste et évident porte en lui une problématique profonde sur le Bien et le Mal faisant écho à la douleur des âmes perdues de l'après-guerre. Un texte inclassable, décalé, qui vous fera tant frissonner de bonheur tant que rire d'effroi. Tout en alliant la légèreté d'un flocon de neige à la densité d'un brouillard opaque.

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Avant de vous parler du roman, j'aimerais vous dire quelques mots sur l'auteur. Edgar Mittelholzer est né en Guyane Britannique au début du XXe siècle, d'une mère martiniquaise et d'un père suisse-allemand. Rejeté par ses parents à cause de sa couleur de peau ( le plus foncé de la fraterie), il se tourne vers l'écriture. Mais son premier roman ne verra finalement pas le jour à cause d'un bombardement de l'entrepôt stockant les exemplaires. Mobilisé lors de la seconde guerre mondiale, il fera de nombreuses dépressions qui l'obligeront à quitter l'armée. le succès littéraire arrivera dans les années 50 grâce à un homme, Leonard Woolf, mari de Virginia. Mais ses vieux démons vont le rattraper et il mettra fin à ses jours en s'immolant en 1965.

Le temps qu'il fait à Middenshot a été écrit en 1952, dans un monde d'après-guerre où les horreurs des camps et de la Shoah sont toujours présentes dans les esprits. Qu'est-ce que le bien ? Quel est la limite entre le bien et le mal? Comment se débarrasser du mal ? Et la justice ?
Des questionnements qui ne nous quitterons pas tout au long du roman.

le Vent, le brouillard, La neige. Trois éléments pour trois parties qui lèveront peu à peu le voile sur les désirs des habitants de Middenshot, une bourgade anglaise.
Dans la famille Jarrow, je vous présente le père. Persuadé que sa femme est morte depuis dix sept ans(alors qu'elle est à côté de lui), il ne communique avec à elle que par des séances de spiritisme animées par sa fille. Cette dernière, une (presque) vieille fille subit jour après jour les folies paternelles et sa passion du macabre sans jamais oser le contredire et intervenir. Mais depuis quelques temps son intérêt se porte de plus en plus sur son voisin, Mr Holme. le quinquagénaire, veuf et passionné d'horticulture, n'est quant à lui, pas insensible aux charmes de sa jeune femme de ménage. Mais que lui arrive-t-il? Et pendant ce temps, un tueur s'est échappé de l'asile voisin, semant cadavres sur son chemin. « Allons moissonner de l'os et du sang! de l'os et du sang! de l'os et du sang ! »

Un texte singulier que j'ai apprécié même s'il souffre d'un petit essoufflement vers la moitié. J'ai aimé cette atmosphère gothique qui flirte avec le réalisme fantastique, le tout soupoudré de grotesque. Une petite préférence pour ce vieux fou de Jarrow. Mais l'est-il réellement ?
D'autres personnages secondaires sont intéressants, notamment les détectives à la logorrhée bien ficellée 😆.
Si ce sont les éléments naturels qui sont convoqués c'est bien de nature humaine qu'il s'agit. Alors y plongerez-vous à votre tour ?
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