Nils et Marta se dirent alors que Dieu devait avoir quelque intention secrète en laissant leur fils et leur belle-fille partir pour les Etats-Unis d'Amérique du Nord.
Dans chaque coin de terre il y eut des hommes et des femmes pour répondre à cet appel et entreprendre l'aventure immense d'aller vivre dans une autre partie du monde. Ce furent les plus hardis qui partirent les premiers. Ce furent les plus entreprenants qui prirent la décision. Ce furent les plus téméraires qui se lancèrent les premiers dans l'effrayante traversée de l'immense océan.
Il avait l'impression cette terre n'attendait nul autre que lui.Tandis que de l'autre côté de l'océan, il déterrait les rochers les uns après les autres pour en faire des tas de pierres et des murets... cette terre l'attendait déjà...Karl Okcar Nilson dormit bien, au cours de la première nuit qu'il passa au bord du lac Ki-Chi-Saga, à l'endroit où il s'apprêtait à prendre un nouveau départ dans sa vie d'homme de la terre.
Seuls les audacieux et entreprenants en savent long. Ce sont eux qui réveillent les villages endormis, c'est à cause d'eux que quelque chose se met à vibrer sous l'ordre immuable des siècles.
Ils se détachent de la masse et vont remplir quelques petits navires -le flot prend naissance sous la forme de gouttes isolées, mais il ira en s'amplifiant et deviendra un fleuve large et puissant.
En tous temps et en tous lieux -en plantant sa fourche dans le tas de fumier, maniant la faux parmi les andains, foulant le foin sur la charrette ou la paille dans le coffre, ou en regardant par la fenêtre de sa chambre -ses pensées l'entraînaient de l'autre côté de la mer. Et, peu à peu, un pays entier prenait forme, à ses yeux, sur la rive opposée : telle une fleur sortant de l'humus et ouvrant sa corolle, il ne cessait de grandir dans son imagination. Par la pensée, Robert avait déjà traversé l'Océan et s'était familiarisé avec le pays qui se trouvait de l'autre côté : l'Amérique.
Une immense attente habitait la poitrine du jeune homme : cette fois, il ne s'agissait pas d'aller au moulin ni de transporter du bois sans trop se presser, pas plus que d'aller s'ennuyer à l'église. Il était enfin sur la route de l'aventure.
Kristina, elle, mit dans le coffre ses peignes à carder, ses aiguilles à tricoter, ses ciseaux et sa boîte à ouvrage, cadeau de fiançailles de Karl Oskar, qui l'avait décorée de fleurs rouges. Mais elle savait qu'elle aurait eu besoin d'une bonne partie de ce qu'elle devait laisser derrière elle : elle ne pouvait emporter ni son métier à tisser ni sa planche à teiller le lin, ni son rouet ni son dévidoir, ni son bobinoir ni son sérançoir. Elle avait l'habitude de tous ces instruments, ceux-ci étaient accoutumés à ses mains et avaient confiance en elles : elle savait qu'ils ne tarderaient pas à lui manquer, de l'autre côté de la mer.
Et quel était le nom de cet Ennemi aux belles paroles et promesses qui ne cherchait qu'à semer le trouble et la division parmi les hommes?
Dans des terroirs millénaires, image de l'immuable, un nouveau mouvement avait pris naissance. Le peuple de la terre, qui voit se réduire les lopins qu'il cultive alors que le nombre de ses enfants ne fait qu'augmenter, vient d'entendre parler d'un vaste pays, sur un autre continent, où une terre fertile est confiée presque gratuitement à quiconque accepte de venir en valeur.
"Donne-nous un temps favorable et préserve les récoltes de toutes sortes de maux ! Comble-nous de fruits de la terre, à épi ou à noyau. Par jésus-Christ Notre Seigneur, amen !"