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Citations sur Voyage de noces (39)

J’ai écarquillé les yeux. Mais je n’ai pas pu me réveiller. Je restais immobile sur cette place, en contemplant l’eau des fontaines et les groupes de tour-sites qui entraient dans l’ancien musée des Colonies. J’ai voulu marcher jusqu’au grand café de l’avenue Daumesnil, m’asseoir à la terrasse, parler avec mes voisins pour dissiper ce sentiment d’irréalité. Mais cela augmenterait encore mon malaise : si j’engageais la conversation avec des inconnus, ils me répondraient dans une autre langue que la mienne. Alors, en dernier recours, j’ai pensé téléphoner à Annette de ma chambre de l’hôtel Dodds. Non. De cette chambre que nous avions peut-être occupée il y a vingt ans, je ne parviendrais pas à la joindre, la communication serait brouillée par toutes ces années accumulées les unes sur les autres. Il valait mieux que je demande un jeton au comptoir du premier café et que je compose le numéro dans la cabine. J’y ai renoncé. Là aussi, ma voix serait si lointaine qu’elle ne l’entendrait pas.
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La voix avait perdu pour eux toute réalité. Elle n’était plus qu’un bruit de fond qui se mêlait à la musique des orchestres et aux chansons de ce temps-là. Les jours, les mois, les saisons, les années passaient, monotones, dans une sorte d’éternité. Ingrid et Rigaud se souvenaient à peine qu’ils attendaient quelque chose, qui devait être la fin de la guerre. Parfois, elle se rappelait à eux et troublait ce que Rigaud avait appelé leur voyage de noces. Un soir de novembre, des bersagliers prirent possession au pas de course de Juan-les-Pins. Quelques mois plus tard, ce furent les Allemands. Ils construisaient des fortifications le long du rivage et rôdaient autour de la villa. Il fallait éteindre les lumières et faire semblant d’être mort.
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Ils retournaient à l’hôtel, et les nuits sans lune l’inquiétude les envahissait tous les deux. Pas un lampadaire, ni une fenêtre allumée. Le restaurant de la Princesse de Bourbon brillait encore comme si elle restait la dernière à oser braver le couvre-feu. Mais au bout de quelques pas, cette lumière disparaissait et ils marchaient dans le noir. Le murmure des conversations s’éteignait lui aussi. Tous ces gens, dont la présence les rassurait autour des tables et qu’ils voyaient à la plage pendant la journée, leur semblaient maintenant irréels. Le Provençal lui-même, dont la masse blanche se devinait au fond des ténèbres, était un gigantesque décor en carton-pâte. Mais ils entraient dans le hall. La lumière étincelante du lustre leur faisait cligner les yeux. Le concierge se tenait en uniforme derrière le bureau de la réception. Les choses reprenaient un peu de consistance. Et de nouveau le doute et l’inquiétude les effleuraient quand ils appuyaient sur le bouton du cinquième, un ruban adhésif recouvrant les boutons des autres étages pour bien montrer que ceux-ci étaient condamnés. Au terme de leur lente ascension dans l’obscurité, ils accédaient à un palier et à un couloir qu’éclairaient faiblement des ampoules nues. C’était ainsi. Ils passaient de la lumière à l’ombre et de l’ombre à la lumière. Il fallait s’habituer à ce monde où tout pouvait vaciller d’un instant à l’autre.
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La guerre lui jouait un mauvais tour en le contraignant à réintégrer cette prison qu,avait été son enfance et à laquelle il avait échappé depuis longtemps. ( p. 79)
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