Dante avait neuf ans et la dame de ses pensées en avait huit, quand elle lui apparut en robe rouge, vêtue comme un enfant. « En ce moment je dis avec véracité que l'esprit de la vie, qui réside au plus secret recoin du cœur, se mit à trembler si fort qu'il fit battre horriblement mes moindres veines ... Depuis lors je dis que l'amour se rendit maître de mon âme qui tout aussitôt lui fut fiancée , et il prit sur moi tant d'assurance et d'empire par la vertu que lui donnait mon imagination qu'il me fallut faire entièrement tous ses plaisirs.
Il y avait pourtant en Italie, particulièrement en Toscane, des poètes populaires sans prétention, ne s'inqui étant ni de la Provence ni de Bologne, joyeux lurons qui disaient tout franc ce qu'ils avaient sur le cœur. L'un d'eux au moins mérite d'être connu, Cecco Angiolieri de Sienne, qui peut-être eût compté dès lors en son pays autant que Villon, deux siècles plus tard, compta dans le nôtre , si ce pauvre Cecco n'avait pas dû vivre si près de Dante et pâlir, étoile fuyante, au soleil levant. Il n'en osa pas moins s'attaquer au maître et lui crier avec la liberté de la rue :
Car l'aiguillon, c'est moi; c'est toi le bœuf .
Dormir me plaît et plus encore d'être de pierre
Tant que durent le mal et la honte ici-bas...
Ne rien voir, ni sentir m'est chose douce et chère ;
Ne m'éveillez donc point ! Par pitié, parlez bas !