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1. Sortie initialement en 1986, Watchmen est une bande dessinée au potentiel de relecture infini. Il y' a toujours un détail pour reparaître. Ainsi, dès la page 1, on aperçoit un camion de Pyramid Deliveries qui va sûrement livrer l'un des derniers composants pour le dénouement final.

2. Watchmen, c'est une bande dessinée policière qui commence par un crime et qui déroule l'enquête de manière ludique et intelligente adapté à ce média visuel. le Comedian, un ex-superhéros, a été assassiné. Ses anciens compagnons se mettent à la recherche du coupable.

3. Watchmen, c'est une rigueur graphique exceptionnelle. Dave Gibbons réussit à mettre toutes les informations exigées par le scénario dans chaque dessin, sans aucune impression de surcharge visuelle. Il a retenu une trame rigoureuse de 9 cases par page, avec quelques variations qui consistent à fusionner 2 ou 3 cases entre-elles. Les dessins sont entièrement au service de l'histoire.

4. Watchmen, c'est une structure narrative complexe qui donne l'impression au lecteur d'être intelligent. Moore et Gibbons enchevêtrent l'enquête principale avec des pages de textes illustrées en fin de chacun des 11 premiers chapitres, et avec une bande dessinée dans la bande dessinée.

Cette histoire semble dans un premier temps s'appliquer au coupable et condamner ses actions (comme un signe annonciateur du jugement de valeur final du Docteur Manhattan), et comme un clin d'oeil ironique au choix du prochain sujet de la feuille de choux d'extrême droite.

5. Watchmen, c'est un point de vue philosophique sur le sens de l'histoire et la perception de la réalité. À un deuxième niveau, l'histoire du Black Freighter indique que la compréhension et l'interprétation de la réalité dépend de la personne qui la contemple ; chaque individu est limité dans sa capacité à appréhender le monde qui l'entoure.

De la même manière, chacune de nos actions est asservie à notre capacité à comprendre ce qui nous entoure. Et ce développement de l'histoire renvoie à ces moments où les personnages changent de vision sur le monde qui les entoure en contemplant les actions du Comedian. Edward Blake est celui qui dispose de la vision la plus claire du monde qui l'entoure, mais c'est aussi celui qui est le plus incapable d'agir parce que cette absence d'illusions le prive de motivation.

6. Watchmen, c'est une uchronie dans laquelle l'existence d'un seul homme doté de pouvoirs extraordinaires a bouleversé le rapport des pouvoirs des nations. La défense stratégique des États-Unis repose sur ses épaules. Richard Nixon est toujours au pouvoir. Mais la tension monte entre l'Ouest et l'Est et une guerre semble inéluctable et imminente.

7. Watchmen, c'est une analyse psychologique pénétrante et sophistiquée de chacun des principaux personnages. Après le décès du Comedian, chacun se remémore à tour de rôle une de ses rencontres avec lui. Mais il s'avère que ces scènes ne servent pas tant à honorer la mémoire du défunt qu'à mesurer son impact sur chacun des narrateurs et sur l'orientation qu'il va donner à sa vie.

8. Watchmen, c'est un univers visuel d'une rigueur et d'une cohérence parfaites. Dave Gibbons et Alan Moore ont travaillé pour rendre chaque élément visuel significatif : les graffiti sur les murs, la récurrence symbolique du smiley taché, les voitures électriques, les logos des entreprises, les affiches publicitaires, jusqu'au design des chaussures portées.

9. Watchmen, c'est des séquences narratives d'une force et d'une intelligence inouïes. le chapitre consacré à Rorshach est bâti autour de la symétrie du masque. La première page répond à la dernière, la seconde à l'avant dernière, etc.

Dans le chapitre 9, Moore et Gibbons réussissent un tour de force exceptionnel : ils arrivent à faire partager au lecteur le point de vue d'un personnage qui a une perception globale du temps et non linéaire. Et le résultat est convaincant. Cette séquence sur Mars vaut à elle seule 5 étoiles (et même plus).

10. Watchmen, c'est une bande dessinée qui s'est élevée au-dessus de son origine (comics de superhéros) pour atteindre le niveau de chef d'oeuvre auquel on ne pourrait reprocher que la place réduite des femmes. le lecteur fait connaissance avec des personnages singuliers dans le cadre d'une trame policière classique qui sert à interroger les désirs et les motivations de chacun, ainsi que le sens de l'Histoire, tout en possédant une hauteur teneur en divertissement.

11. Watchmen, c'est une déconstruction exemplaire des conventions du récit de genre « superhéros ». À l'instar des philosophes du 20ème siècle, Alan Moore fait apparaître les postulats acceptés sans question et les contradictions internes (concernant les récits de superhéros), tout en proposant une alternative.

Il pointe du doigt les conventions et stéréotypes du genre : problèmes réglés à coups de poing, puissance physique masculine prédominante, loi du plus fort, suprématie d'une vision du monde paternaliste et hétérosexuelle.

Un par un, les superhéros sont confrontés à leurs limites, à l'inadéquation de leur mode d'action. le cynisme du Comédien ne lui apporte ni bonheur ni paix de l'âme et le conduit à vivre en marge de la société. L'intransigeance de Rorshach l'accule dans une impasse existentielle, au sens propre.

Le docteur Manhattan se débarrasse de toute responsabilité en devenant un esprit analytique retiré de l'humanité. Ozymandias a peut-être gagné une bataille, mais pas la guerre. Seul le Hibou semble avoir un avenir, or c'est le seul qui a renoncé à ses modes opératoires de superhéros.

L'idéal héroïque classique est incarné par des individus au système de valeurs sujet à caution, imposant leur volonté par la force, solitaires au point de se couper des individus qu'ils défendent. le pire représentant de cette engeance est Edward Blake, homme d'action sans remords, ayant abattu une femme enceinte de sang-froid, et violeur.

Moore condamne sans appel ni ambiguïté cet individu viril, macho et violent. Son cynisme l'a empêché de construire quoi que ce soit, l'a séparé de tous ses compagnons et ne l'a sauvé de rien.

À l'opposé d'Edward Blake, il y a l'étrange tandem de Sally et Laurie Juspeczyk, la mère et la fille. La première est alcoolique et toujours sous le charme de son violeur, la deuxième boit, fume, tabasse et vomit, sans oublier ses relations sexuelles de femme libérée.

Pourtant, ce personnage débarrassé des atours romantiques et romanesques de la gente féminine incarne l'alternative intelligente et pertinente au patriarcat. Alan Moore a choisi de construire un personnage complexe, avec des défauts très humains, comme modèle à suivre et il s'agit d'une femme.

De la même manière, Moore refuse le simplisme dans la description de la minorité sexuelle lesbienne. Joey et Aline sont également débarrassées des clichés romantiques, dépourvues d'idéalisation, dépeinte sans sensationnalisme ni voyeurisme. L'auteur ne remplace pas un idéal parfait (l'homme viril et puissant), par un autre.

Il montre la réalité dans sa complexité et son pluralisme. Il s'inscrit dans le courant philosophique du postmodernisme (ou philosophie postmoderne, concept différent de celui de postmodernisme artistique). Il fait sienne la remise en question d'une vision universaliste de la réalité, pour mettre en scène une conception pluraliste de la réalité.

Moore montre des personnages agissant suivant leurs convictions, issues de leur compréhension incomplète de la réalité (ce qui est le lot de chaque être humain).

Au lieu d'imposer une vision unique supplantant les autres, son récit sous-entend que la condition humaine doit s'accommoder de cette pluralité, de cette absence de vision unique et absolue.

Les dessins très descriptifs et un peu uniformisés de Dave Gibbons renforcent cette idée, en mettant chaque individu sur le même plan, avec un traitement graphique similaire, sans favoriser un personnage ou un autre, sans qu'un point de vue ne bénéficie d'une esthétique plus favorable.

12. Watchmen, c'est un héritage impossible à porter pour l'industrie des comics de superhéros. Les maisons d'éditions Marvel et DC ont souhaité tirer les bénéfices de Watchmen et de Dark knight returns, en réitérant les éléments qui ont fait leur succès. Il s'en est suivi une vague de récits plus noirs, avec des superhéros plus névrosés, plus désespérés, et souvent plus sadiques dans leur violence.

Dans le pire des cas, les auteurs maisons (et les lecteurs) ont vu en Rorschach le vrai héros de Watchmen, l'individu qui n'a pas eu de chance à la naissance, et qui applique une justice expéditive et sadique. Dans Watchmen, Walter Korvachs n'a rien d'un modèle à suivre. Il exécute froidement, blesse et handicape à vie ses opposants. Il vit une vie malheureuse et misérable. Son intransigeance le conduit à une forme de suicide, par un tiers.

Au mieux, les suiveurs ont vu dans le Comédien une forme de nihilisme adulte et conscient. À nouveau, Edward Blake est une ordure de la pire espèce, violeur sans repentir (il n'hésite pas à revenir auprès de Sally Juspeczyk), meurtrier d'une femme enceinte sans défense.

Depuis sa parution en 1986/1987, l'oeuvre de Moore et Gibbons a inspiré nombre de créateurs qui n'y ont vu que cynisme et violence, passant à côté de la ligne directrice qu'est la philosophie postmoderne.

Watchmen n'est pas l'histoire de cinq ou six superhéros confronté à un niveau de réalité dans lequel les affrontements physiques ne résolvent rien. C'est la déconstruction d'un genre, et la proposition d'une nouvelle façon de regarder le monde.
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Watchmen ça sonnerait presque comme un titre des Village people…
et pourtant walou, quechi, rien à watcher… pour les plus comics d’entre vous dont je fais parti, par ironie et humour, bien que je préférasse le « Q » au « C », ce titre doit avoir une saveur amer, le ton est cynique, l’ambiance est noire, ça manque de sourire et de savon, on étoufferait presque dans cette uchronie toute crasseuse ou les super héros se comportent comme des enculés enfin surtout celui qui dès le départ testera les lois de la gravité avec pour fatalité (puisque Newton avait bien raison) un baiser volé avec écrasage de tronche sanguinolente sur le bitume qui faut pas trop emmerder quand t’habite au 10 ème étage…. Le « comédien » est mort….

S’en suit une enquête menée par un certain psychopathe du nom de « Rorschach » à la morale sélective invitant avec tortures les enfoirés à crever dans d’atroces souffrances… mais il se fera arrêter et enfermer pour « spychopathie aigue… »

Nos supers-héros n’ont pas réellement de supers pouvoirs sauf un, le docteur Manhattan, suite à un fâcheux accident nucléaire, monsieur a décidé de taquiner la divinité, facilitant un peu le destin des Etats-Unis… mais voilà la routine divine est grisante et le gars veut rester bleu, du coup c’est la merde, même avec sa meuf « Le Spectre Soyeux II » ça sent les radiations… et Mars rougit, lui fait de l’œil, il craque et s’exile loin des humains « Freudonnant » un mal être trop profond pour être cosmique par les trouducs qui peuplent la terre...

Loin des yeux loin du cœur, sa nana se frotte la luxure au « Hibou », leurs libidos se mélangent… et ensemble ils décident de faire évader leur pote pour terminer l’enquête et déjouer les plans du vrai méchant…

Sur fond de guerre froide, cette BD est un chef d’œuvre du genre, et l’actrice qui incarne Spectre soyeux dans le film adapté de celle-ci m’a donné toute justification lubrique (tout à fait honorable et romantique) de me tripoter l’envie d’acheter le bouquin pour mater les dessins… Faut voir la bombasse quand même, je veux dire que tout homme hétérosexeuellement constitué, pas trop porté sur les "Village People", devrait savoir érectionner de désir devant le spectacle soyeux d’un spectre de niveau bandant maximum, une main sur l’engin de la déprave pour éviter tout débordement malencontreux pinçant de manière héroïque et brutale l’orgasme un peu trop pressant :

« steplait steplait steplait, non non nonnnnnnnnnnnnnnnnnnn »

Je me dégoute…

Alors c’est vrai que je préfère les films aux BD, surtout quand ils sont bien réalisés, l’immersion dans un comics est pour ma part bien plus compliquée que dans un roman, pourtant je suis un visuel, amateur de crobars, de nichons, et de petits dessins à la con pour m’expliquer des choses simples qui m’échappent à l’oral...

" Femme donc la bouche toi, ça fait désordre…"

Donc je devrais être réceptif, et bah ouais, mais non, sans plus :

"L’imagination a ses fantasmes que l’inconscient ignore… "

A plus les copains…
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C'est marrant la mémoire, quand même !

J'étais persuadé que le film Watchmen collait presque à la virgule près à la BD d'Alan Moore et Dave Gibbons. En relisant cette dernière, je suis surpris de voir que j'avais oublié les différences, ne conservant que le film en mémoire.

Bon, je ne vais pas faire long vu que mon ressenti colle à celui d'une majorité de lecteurs Babelio : ce comics est une tuerie. Peut-être le meilleur de tous. Rares sont les fois où je me suis retrouvé si choqué, dans le bon sens du terme, par un récit tous formats confondus.
Tout y est parfait : l'uchronie et la dramatisation de la guerre froide (on est un peu avant la perestroïka), le pathétique de ces super héros désespérément humains bien au-delà de ce que Marvel avait pu proposer, les nombreuses scènes de citoyens lambda inquiets des événements et lançant des propos de comptoir (le vendeur de journaux).
Et bien sûr l'énigme du meurtre du Comédien et les extraordinaires héros de l'histoire. Rorschach le détective tellement désabusé qu'il en est devenu ultraviolent – faisant passer le Punisher de Marvel pour un Bisounours, le Dr Manhattan qui est l'un des rares êtres « cosmiques » que l'on m'ait présentés qui soit vraiment éloigné des émotions humaines, la vie pathétique du Hibou qui renaît grâce au Spectre Soyeux, elle-même refaisant le plein d'émotions humaines après ses années au contact froid de Manhattan. Et le machiavélique Ozymandias qui offre la « moins pire solution » au risque de la destruction de l'humanité par elle-même.

Ce comics est un choc permanent. On ne peut passer à côté.
J'va me repasser le film, tiens.
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Watchmen est une oeuvre immense et indispensable, non seulement pour ses qualités intrinsèques, mais également pour son impact sur l'histoire des comics. D'une certaine façon c'est en 1986 que tout commence. Certes, les comics existaient déjà auparavant mais c'est avec Watchmen (également the Dark Knight de Frank Miller, paru la même année) qu'Alan Moore réussit le tour de force de les faire entrer dans l'âge adulte.

L'histoire se déroule dans une uchronie qui repose en grande partie sur les épaules d'un seul homme, ou plutôt un surhomme : le docteur Manhattan. Engendré par un accident survenu lors d'une expérience atomique, il repousse au maximum de ses limites le concept même de super héros pour frôler le divin, tant ses pouvoirs sont immenses (il manipule la matière à sa guise, est quasiment omniscient, voit l'avenir...). C'est grâce à lui que les américains ont gagné au Vietnam, ce qui permet à Nixon d'être réélu sans discontinuer jusqu'en 1985. Pour autant, la société américaine est en crise, l'insécurité gangrène les rues et les relations avec l'URSS sont explosives, au point que chacun s'attend à un holocauste nucléaire imminent. Le salut ne semble plus reposer que sur un groupe de justiciers vieillissants, en l'occurrence les Watchmen, composé de Rorschach, le Hiboux, Ozymandias, Spectre Soyeux et le Comédien, qui ont la particularité de ne pas avoir de super pouvoirs (d'où le terme justicier). Pouvait-il en être autrement avec la présence d'un docteur Manhattan qui pourrait vaincre Superman sans lever le petit doigt ? L'intrigue débute par l'assassinat du Comédien et l'enquête de Rorschach. Il y a , en effet, dans Watchmen des aspects propre au polar, un côté sombre, dur, réaliste (et qui donne toute sa vraisemblance à cet univers parallèle). Il est à noter que c'est une "technique" souvent employée par les auteurs qui cherchent à produire des comics au ton adulte (Rising Star, Identity Crisis, The Twelve...)

L'effet est renforcé par un dessin très classique de Dave Gibbons (un peu à la Steve Ditko) qui tranche avec le propos. En effet, l'ambition d'Alan Moore va plus loin que de proposer un comic pour adulte. "Qui garde les gardiens" est la phrase qui revient, comme un leitmotiv, tout au long du récit et qui résume parfaitement les interrogations politiques, voir métaphysiques de l'auteur. Ses justiciers sans pouvoirs s'avèrent angoissés et moralement ambigus. C'est donc bien une réflexion sur le concept même de super héros qu'Alan Moore entreprend, ce qui lui permet, en filigrane, de critiquer les détenteurs de pouvoir, quels qu'ils soient, et l'autorité qui en découle (faut pas déconner, c'est quand même un ancien hippie).
En résumé, sous un aspect graphique très classique, Watchmen s'avère être un comic extrêmement ambitieux dans son propos et qui restera dans l'histoire de la bande dessinée comme une oeuvre majeure.
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Douze chapitres d'une maxi-série devenue culte, les Watchmen ! Comment résumer tout ce que contient ce volume massif et son impact sur nous, lecteurs ? Difficile.
Déjà c'est avant tout un scénario plein, tout simplement. Des événements qui nous viennent de tous côtés, des personnages sculptés dans des situations dantesques : la psychologie de ce chef-d'oeuvre dépasse l'entendement, tant tout est fouillé jusqu'au détail le plus profond. Merci Alan Moore donc !
Les dessins de Dave Gibbons, de manière générale, mettent en valeur le décor avant toute chose, l'ambiance : cette atmosphère de roman noir ici transférée au milieu d'années 80 uchroniques est époustouflante. Un bémol à cela malgré tout : les couleurs, qui déroutent franchement pendant la lecture, au point de ne voir que ça parfois. Pourtant, le reste est tellement génial que cela mérite quand même une note maximale.
Je ne vais dévoiler davantage les tenants et les aboutissants de ce chapitre fondamental à l'histoire des comics de super-héros. Simplement, je noterai surtout comment l'intérêt au départ de la mise en abîme du comic lu par le jeune homme à partir du milieu du récit se décuple finalement jusqu'à la fin de l'aventure : telle cette oeuvre donc, il est difficile de l'apprivoiser au début, mais au fur et à mesure, les astuces scénaristiques nous aspergent du génie de l'auteur !
En somme, une très bonne analyse de la société contemporaine, rappelons-nous que ce roman graphique date de 1986... Les événements entre Est et Ouest prennent alors tout leur sens. du culte, du culte, du culte !
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Une somme ! J'ai tardivement découvert les comics, et je le regrette ! Prêt d'une collègue que je remercie vivement au passage. Univers très coloré dans les images - pas ce que j'ai préféré - mais que de noirceur dans le propos ! Une uchronie avec un accident nucléaire pour point de départ d'un récit qui narre la marche inexorable du monde vers sa fin ... pas vraiment le point de départ réel d'ailleurs, puisque le premier chapitre s'ouvre sur le meurtre du Comédien, que va tenter de résoudre Rorschach, bientôt aidé du Hibou et de quelques autres. Des super-héros masqués qui ne sont que des hommes et des femmes faillibles, seul le Dr Manhattan, héros et arme absolue de l'Amérique dans un contexte de guerre froide, étant doté de super-pouvoirs.
Il y a la réflexion sur le sens de la vie, en 12 chapitres et 12 cadrans d'une horloge sur laquelle le sang coule jusqu'à la submerger. Réflexion qui évite tout simplisme, tout manichéisme, tant les personnages sont traversés par des sentiments contraires, ambivalents, pétris de contradictions.
Il y a un travail exceptionnel sur le graphisme, la narration, la mise en image. A tel point qu'une ou plutôt des relectures semblent indispensables afin de saisir toute la subtilité des planches de ce monument. Rien n'est laissé au hasard, chaque détail de chaque vignette a son importance, fait sens. Les récits s'entremêlent, entre présent et passé, dévoilant des éléments du passé des protagonistes qui éclairent le lecteur sur les relations qu'ils entretiennent, leur place dans un monde corrompu et violent qui court à sa perte.
Et les dernières planches en forme de happy end ... mais en est-ce vraiment un ? Et à quel prix ?!?
Première lecture de 2021 - la seconde en incluant le cycle 5 des aventures de Carmen McCallum en 4 tomes - et premier coup de cœur !
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A l'occasion des 40 ans de la BD relative aux super-héros nés de l'imagination d'Alan Moore, une intégrale a paru et j'en ai été l'heureux destinataire.
C'est donc avec un réel plaisir de découverte que je me suis attelé à ce gros volume de plus de 450 pages et je n'ai pas boudé ces instants là car Watchmen et ses super-héros éreintés et vieux se distingue des autres comics du genre tant les personnages sont en soi hors-normes et affublés d'appellations peu glorieuses !
Watchmen est surtout l'occasion de raconter l'histoire des états Unis lors de l'après seconde guerre mondiale, notamment pendant la guerre froide et surtout quand il était question de la crises de Cuba ou de la course à l'armement et/ou aux étoiles.
C'est très bien documenté et bien entendu dessiné car l'intégrale ne se limite pas qu'à de la BD et se lit comme un journal de bord et quand on lit ce genre d'ouvrage on se prend au sens propre du terme, une vraie claque !
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Ai-je vraiment besoin de présenter "Watchmen", la célèbre bande dessinée super-héroïque, écrite par Alan Moore, dans les années 1980 et aujourd'hui considérée-à juste titre-, comme un monument du genre super-héroïque ? Ou, de telles oeuvres, se passent-elles de présentations ?
Si je me pose cette question, c'est que l'on peut qualifier "Watchmen", comme une oeuvre qui, dans son genre, est un monument : c'est un modèle du genre qui a inspiré et inspirera encore et, en plus, ce qui ne gâte rien, en plus d'inspirer, tout simplement, c'est bien conçu et je crois pouvoir dire que peu de comics book super-héroïques, sont aussi subtils, intelligents, bien écrits, bien rythmés et surprenants de bout en bout (bien que les comics book, soient loin d'être un genre particulièrement bête, contrairement à ce qu'aime dire les snobs).
C'est tout simplement très bien écrit, avec des personnages fouillés et complexes, passionnant de bout en bout, surprenant (je crois que peu de gens, aurait pu en deviner la fin...) et très intelligent, avec énormément de réflexions subtiles, sur plein de sujets, depuis la place de l'homme dans le monde, l'importance de la vie jusqu'au sujet les plus terre à terre, sur les relations géopolitiques.
Je crois qu'on peut qualifier "Watchmen", d'oeuvre-somme, d'oeuvre complète, une oeuvre qui semble être une source de réflexion assez inépuisable sur beaucoup, beaucoup de sujets.
Le dessin (sans être la principale qualité de l'oeuvre), est excellent ; Dave Gibbons, le dessinateur, sait dessiner ses personnages, de manière précise et élégante ; je remarque, en particulier, le travail des ombres.
Les personnages, sont comme je l'ai dit, tous fouillés et complexes ; les plus importants, sont uniques en leur genre ; je ne me souviens d'avoir trouver des personnages, qui leur ressemblent vraiment dans toute la littérature ; je peux trouver certaines similitudes, certes, mais ils ont tous quelque chose qui les rend unique.
La fin est excellente ; elle surprend, est forte, dramatique et ambiguë.
Je ne peux que relever l'excellent travail d'écriture, qui permet, à Alan Moore, de maintenir son lecteur en haleine, durant tout "Watchmen", de le surprendre continuellement, de le pousser à s'interroger, jusqu'à la dernière minute, tout en développant un propos intéressant, intelligent, profond, qui pousse le lecteur à réfléchir, à s'interroger. Tant de questions, sont posées par cette oeuvre !...
Une oeuvre-somme, passionnante, inépuisable.
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La satyre de Juvénal "Quis custodiet ipsos custodes ?" (Qui garde les gardiens eux-mêmes ?) est devenue "Who watches the watchmen ?" et symbolise bien la remise en cause de la légitimité des Super-Héros à faire régner l'ordre.

Comment vous parler de ce comics en restant simple ? Et sans rien oublier ? Impossible…

Déjà que je devrai sans doute la relire plusieurs fois avant d'arriver à appréhender tous les détails qui se cachent dans les dessins, avant de saisir la profondeur des propos et de comprendre la richesse de l'histoire, et l'histoire dans l'histoire.

Watchmen met en scène des super-héros sans pouvoirs, des super-héros comme on n'a pas l'habitude de voir.

Oui, on a affaire à des hommes ou femmes qui se déguisent comme au bal costumé, qui tentent de faire régner l'ordre mais où aucun ne s'est fait mordre par une araignée irradiée et où personne ne vient de la planète Krypton.

Le seul qui a les pouvoirs d'un dieu, c'est le Dr Manhattan (Jonathan Osterman) car cet homme a été désintégré, mais s'est reconstitué petit à petit avant de réapparaître dans le monde réel. Il est omnipotent, omniscient, et immortel, et aux services des États-Unis.

En plus de nous proposer un univers de super-héros revisités, Alan Moore nous offre un uchronie où les États-Unis ont gagné la guerre du Vietnam et où Nixon vient d'être réélu pour la 4ème fois d'affilée (le scandale du Watergate a été évité et on a changé le XXIIème amendement de la Constitution des États-Unis).

Ironiquement, il n'y a plus de comic de super-héros, le genre préféré des lecteurs étant devenu les bandes dessinées de pirates, dont nous aurons un aperçu dans l'histoire, mais je vous en reparlerai plus bas.

Pour le reste, c'est comme dans la réalité avec la guerre froide entre les américains et les russes et des menaces de Troisième Guerre Mondiale. Bienvenue en 1985…

Si au départ les dessins ne m'ont pas vraiment attirés, j'ai vite réalisé que je devais être super attentive à tout ce qui se passait dans la case, aussi bien dans les dessins que dans les textes car ils sont tous, au niveau des détails, d'une richesse époustouflante et je sais que je pourrai reprendre la bédé d'ici quelques temps et encore y découvrir des choses.

La richesse ne se trouve pas que là car les personnages des Super-Héros sont eux aussi riches en détails qui les rendent réalistes, humains, car ils sont porteurs de tous nos défauts.

Leurs complexités fait que personne n'est ni tout blanc, ni tout noir, et que ceux qui ont l'air sympa peuvent être des brutes épaisses mais animées d'un désir de vérité, et que ceux qui ont du sang de la multitude sur les mains ne sont peut-être pas à blâmer…

Là, vous serez le seul juge, car dans ce comics, on ne définit pas qui sont les méchants et qui sont les gentils et tout dépend du point de vue duquel on se place (celui de Rorschach ou ceux de Ozymandias et du Dr Manhattan).

Divisé en douze épisodes comme autant de chiffres sur le cadran d'une montre, chaque chapitre se rapproche un peu plus de minuit et le sang descend de plus en plus sur l'horloge.

Tache de sang que l'on retrouvera en forme de symbole d'aiguille d'horloge sur le smiley tombé dans le caniveau après la chute du 10ème étage faite par le Comédien, défenestré violemment.

Le diable se cache dans les détails et dans ce comics, c'est vérifié à chaque page, à chaque dessin, dans chaque retour vers le passé pour tenter de nous expliquer le tout et de nous faire voir l'intégralité de la trame qui est loin d'être simple.

Là où l'on atteint le summum du summum, c'est dans le chapitre 5 (Terrible symétrie) où le lecteur attentif remarquera que ce chapitre est construit comme un palindrome, la première page faisant écho à la dernière, que ce soit sur le thème, la mise en page ou les personnages mis en image. Fortiche le scénariste !

Palindrome dont la page centrale est une scène d'action qui reproduit les motifs symétriques et toujours changeants du masque de Rorschach (son nom vient du test du même nom). J'avoue que si je n'avais pas fait des recherches sur le comics, je ne l'aurais pas remarqué…

Plus haut, je vous parlais de pirates… Et c'est là que l'on applaudit aussi le soucis du détail du scénario et sa recherche car par l'entremise d'un lecteur assidu, on se retrouve même à lire deux comics en même temps, Alan Moore ayant réussi à glisser au coeur de sa narration, et parallèlement à celle-ci, une histoire de pirates !

Et les bandeaux-titres dévolus au récit de pirates s'accordent très bien avec l'autre récit consacré à nos Super-Héros et leurs interrogations car ce récit de pirates nous explique, de par les péripéties de son personnage principal, que la compréhension de la réalité dépend de la personne qui la regarde.

Ma main à couper que j'ai oublié de vous parler de tas de choses hyper importantes, que j'ai loupé des tas de choses vachement importantes aussi dans les dessins ou dans les pages de documents écrits insérés à la fin de chaque chapitre, écrits issus de l'univers des Watchmen, dans les articles de journaux, dans les longs passages du journal intime de l'un des personnages,…

Watchmen est plus qu'un comics : c'est une histoire dense, un récit complexe, profond, rempli de détails, de choses pertinentes, d'analyses cyniques de notre société et des gens qui la composent, une analyse sans concession de la société contemporaine, des personnages principaux riches et réalistes, des personnages secondaires qui auront leur importance aussi…

C'est une oeuvre de philosophie, porteuse de messages, bourrée d'astuces scénaristiques qui montre, une fois de plus, le génie d'Allan Moore.

Anybref, ce n'est pas qu'une simple histoire de Super-Héros qui mettent leurs slips sur leurs collants !!

Lien : https://thecanniballecteur.w..
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Qui custodiet ipsos custodes ? Qui garde les gardiens ? C'est une des questions, et pas la moindre, que pose ce livre qui s'affirme avec le temps comme un des chefs-d'oeuvre de la bande dessinée. Conçu extérieurement comme un comics américain de super-héros, il en épouse artificiellement les codes pour mieux les détourner et se pose comme un ouvrage très structuré, d'où est bannie la moindre superficialité. Ici, on parle d'ailleurs de héros costumés ; aucun ne possède de super-pouvoirs (sauf un !) et, dans l'imaginaire collectif, ils sont vus comme des étrangetés, au mieux tolérées, mais plus souvent contraintes à la mise en parenthèse de leurs activités. D'ailleurs, eux-mêmes le reconnaissent, les méchants masqués se font rares et justifient par leur absence leur propre reconversion. Détail hilarant, dans ce monde-là, les histoires de super-héros n'ont jamais fait recette et les jeunes américains lisent des comics mettant en scène des histoires...de pirates.

Le récit met en avant une légère distorsion de notre histoire. Les U.S.A ont gagné au Vietnam, Nixon est réélu pour la cinquième fois et les valeurs de droite triomphent sans partage sur l'ensemble du monde libre. Par contre, la planète est à un ongle d'un conflit majeur, l'U.R.S.S jouant la carte d'une escalade nucléaire pour compenser sa propre infériorité militaire.
Au moment où l'histoire commence, un des anciens héros costumés, une montagne de muscles misogyne et fascisante, est assassiné chez lui. Parallèlement au travail de la police, une enquête est menée par un de ses anciens collègues, un ultra-conservateur cinglé et en voie de clochardisation. Celui-ci sera amené à reprendre contact avec ses collègues pour dévoiler peu à peu une vérité étrange qui nous laissera tous perplexe.

Le travail du dessin, l'agencement des cases, la dissémination visuelle d'indices tout au long du récit font de cette bande dessinée un ouvrage très plaisant à lire et qui donne matière à réflexion, jusqu'au personnage du docteur Manhattan, individu omniscient et omnipotent, mais dont le désintérêt pour lui-même et pour le reste de l'humanité va croissant. Qui custodiet ipsos custodes ? Personne, je crois...
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