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Patrick Marcel (Traducteur)
EAN : 9782702137536
329 pages
Calmann-Lévy (20/12/2007)
3.85/5   70 notes
Résumé :
C'est à la reconstitution d'un puzzle littéraire qu'Alan Moore, l'extraordinaire auteur des Watchmen et de from Hell nous invite ici: celui de l'histoire de sa ville natale, Northampton. Dans chacun des douze chapitres, de -40 000 av. J.-C. jusqu'à nos jours, la cité britannique nous apparaît à travers le regard d'un nouveau narrateur, témoin de son époque et de l'évolution d'une région qui semble condamnée à baigner entre mythe et réalité. Douze voix, donc, pour do... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
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J'aime beaucoup l'oeuvre d'Alan Moore, notamment la bande-dessinée Watchmen qui est un véritable chef-d'oeuvre. Quand ActuSF m'a proposé de recevoir une édition classieuse d'un ensemble de nouvelles qu'il avait publié intitulé La voix du feu, je me suis dit que j'allais tenter l'aventure. Et je suis ravie, cette nouvelle édition est franchement sublime.

Alan Moore nous propose un voyage à travers le temps en gardant comme unique point de repère la ville de Northampton, où il est né, a grandi et vit toujours. Nous faisons des bons de plusieurs centaines, voire milliers d'années, à travers les yeux d'un ensemble de personnages variés : homme attardé du néolithique (le recueil s'ouvre en effet sur une nouvelle assez opaque, un pari très osé pour décontenancer le lecteur), nonne sujette à des visions, représentant du commerce, juge libidineux… Les nouvelles sont également de longueur et de thèmes variés, tant et si bien qu'il peut sembler dans un premier temps que la cohérence soit difficile à discerner.

Mais c'est mal connaître l'auteur ! Très vite, des thèmes communs apparaissent. le premier est évidemment dans le titre, avec la présence du feu, pouvoir destructeur ou créateur qui joue un rôle dans chaque nouvelle quasiment. La présence de la magie et du fantastique, fortement emprunte de religion comme de croyances païennes. Il y a aussi bien sûr une quête de richesse, et de son pendant obscur la pauvreté. La présence du sexe, pis, de la luxure qui suinte à travers les textes et les désirs des personnages. Et la mort bien sûr, car elle hante chaque page avec une sale odeur de charogne. Enfin, il y a de multiples références aux jambes/pieds, à leur absence ou ou au fait que certains personnages soient blessés au pied et boiteux. Ici, l'auteur semble nous présenter les marqueurs de Northampton, tiraillée entre ombre et lumière.

La plume d'Alan Moore est particulièrement efficace. A la fois poétique et cruelle, elle nous emmène dans cet univers si semblable au nôtre. Il réussit une vraie prouesse en offrant une personnalité propre à chaque narrateur, car chaque nouvelle a sa propre voix. C'est particulièrement perceptible dans la première nouvelle, qui suit les pérégrinations d'un homme du néolithique souffrant d'un retard mental. La narration est très étrange, presque illisible, et doit être décryptée. Mais il s'y cache des éléments fondateurs du reste des nouvelles, comme le feu, l'omniprésence de la mort et de la souffrance, ainsi que les éléments fantastiques et ésotériques. L'écriture utilisera tous les sens pour plonger dans ces histoires brutales, intenses et hallucinées.

L'écriture permet de mettre en avant des thèmes chers à l'auteur et qui mettent souvent le lecteur mal à l'aise. C'est très perceptible via la présence importante du corps et tout ce qu'il implique de direct et peu ragoûtant. Alan Moore ne nous épargne pas les détails de la maladie ou de la mort, entre les choses noircies pas le feu, le corps transformé par la maladie ou la vieillesse… Cette forme de body horror marque une désacralisation de l'humain et montre l'aspect profondément impie et bestial qui hante les villes faussement civilisées. Il y a bien sûr l'aspect charnel, mais plus dans cet appétit bestial et avide que dans une forme d'harmonie ou d'appréciation mutuelle.

Quel étrange récit ! Alan Moore n'est pas qu'un excellent auteur de bande-dessinées, c'est aussi un très bon écrivain. La qualité de la plume en elle-même est puissante. L'écrivain nous plonge dans un univers tout en textures et odeurs, repoussantes la plupart du temps. Car il choisit de nous raconter Northampton à travers sa part obscure et sale, entre sorcellerie, stupre et violence. Si chaque nouvelle a sa propre voix, il dissémine des thématiques communes qui montrent une grande subtilité, que ce soit à travers le feu, la présence de corps morbides, la question de la folie… L'auteur crée ainsi une cohérence complexe qui séduit et a déjà fait sa marque de fabrique via d'autres médias.
Lien : https://lageekosophe.com/202..
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J'aime Alan Moore... Non, je vénère Alan Moore, serait plus juste. Watchmen et Promethea en particulier, que je considère être des chefs-d'oeuvre absolus. J'attends encore le bon moment pour attaquer son pavé de Jérusalem, et en attendant j'ai lu La Voix du Feu.

C'est un pseudo-roman, composé de 12 nouvelles qui s'étalent de 4000 ans avant J-C à 1995, qui se déroulent toutes à Northampton (là où vit Moore) et qui sont liées entre elles par des occurrences, des auto-références plus ou moins cryptiques.

C'est du très bon travail, Alan Moore oblige, c'est ciselé, admirable. Les connexions entre les nouvelles donnent du mystère, le panorama temporel exploré donne lieu à une grande variété, et Moore adapte à merveille son style littéraire à chaque époque et personnage... La nouvelle la plus frappante concernant le style est sans aucun doute la première, où nous sont livrées les pensées d'un jeune homme préhistorique (probablement un des moins favorisés sur le plan cognitif, d'ailleurs), avec une grammaire hyper restreinte ; c'est un début assez difficile pour le lecteur qui doit s'adapter mais l'expérience m'a plu. Après ça, tout se lit sans accroc.

Je ne donnerai pourtant que 3 étoiles à La Voix du Feu. Avec la dernière nouvelle, Moore dévoile les tenants et aboutissants de sa démarche avec ce pseudo-roman, et ce qu'on y lit est bien ce que je craignais pendant toute ma lecture...
Moore s'est servi de l'histoire, et des petites histoires surtout, qui circulent depuis longtemps dans la ville de Northampton, pour en faire un mythe d'une religion inconnue, présente qu'on le veuille ou non dans les esprits, consciemment ou inconsciemment, chez les habitants les plus réceptifs et/ou fous, les conduisant à des aventures fantastiques et souvent néfastes.
Il s'en dégage un charme indéniable, et certaines nouvelles restent vraiment à l'esprit avec des impressions vives.
Ce qui me rend mitigé sur tout ça, c'est que Moore se serve de "coïncidences", d'occurrences entre les nouvelles, pour illustrer son propos sur la puissance des occurrences et coïncidences dans la vie réelle. Je vois ce serpent qui se mord la queue (auquel Neil Gaiman, dans sa préface, fait référence en estimant que les nouvelles peuvent être lues dans un sens comme dans l'autre, par le début ou par la fin, car elles forment un cercle), je vois donc cet ouroboros littéraire, et je trouve que Moore y a perdu de sa superbe. Avec Watchmen, comme avec Prométhéa, Moore avait mis cette obsession des coïncidences subtiles au service d'un récit qui parlait d'autre chose, donnant de la puissance à ses idées. Ici, dans La Voix du Feu, cela a beau être judicieux, le fond et la forme étant parfaitement en symbiose, ça ne fait que servir à illustrer une idée qui par essence devrait être : ou bien fictionnelle, ou bien réelle. Je parle de cette idée des coïncidences intrigantes ; ou bien on parle du réel, et on voit des coïncidences et c'est super mystérieux et tout, ou bien on crée une fiction habilement intriquée de coïncidences qui la rendent plus profonde. Mélanger les deux, c'est ôter au réel sa force, et l'injecter dans une fiction qui ne sert en définitive qu'à rendre une version amoindrie de cette force au réel initial. Cela appauvrit le réel. J'ignore si je me fais bien comprendre... Moore prend des éléments impressionnants du monde réel, les modifie pour en faire une fiction qui brode bien au-delà, pour finalement nous ramener au réel, sauf que La Voix du Feu nous a montré une vision améliorée de ce réel et ce réel nous déçoit là où il aurait pu nous impressionner.

Le sujet de la synchronicité, ces coïncidences troublantes, est sans doute le plus inadaptable en fiction ! On cherche à montrer la force des coïncidences en créant de toutes pièces un livre de coïncidences ! Mais c'est de la fiction, ces coïncidences sont inventées pour coïncider, c'est absurde ! Pour moi Alan Moore s'est perdu dans son délire, sur ce coup.

Reste un ouvrage audacieux en matière de styles et qui nous fait bien vivre des moments mémorables. Un bon bouquin. Juste : pas le chef-d'oeuvre escompté pour moi. J'ai quand même hâte de me mettre à Jérusalem :-)
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Alan Moore, vous connaissez ? Non ? Et si je vous dit, allez, au hasard, V pour Vendetta, Watchmen, From Hell, ça vous parle un peu plus ? Aaah, voilà. Parce que ce cher monsieur est le scénariste de ces BD, excusez-moi du peu !

La Voix du Feu est un recueil de 12 nouvelles qui content sur près de 6000 ans l'histoire de la ville de Northampton, initialement publié en 1996, et paru en 2019 aux Éditions ActuSF dans la collection de poche Hélios. Je remercie vivement l'éditeur pour l'envoi de cette oeuvre magistrale et inclassable en SP.

Toi lecteur qui t'apprêtes à ouvrir ce livre, sache que tu vas entrer dans un univers proche du nôtre, une réalité cruelle et viciée interprétée via le prisme du mysticisme. Ici règne la folie, aux limites (parfois allègrement franchies) du surnaturel. Ici, il faut prendre garde aux mauvais présages, aux visions, et surtout se méfier de son prochain.

Si les histoires qui composent La Voix du Feu, narrées à la première personne, se déroulent à des époques très différentes, elles sont néanmoins intelligemment liées de tant de façons qu'une seule lecture ne suffit pas pour tout appréhender, et qu'il s'agit bien ici d'un ensemble, à la limite du fix-up. Ce qui relie ces récits, outre la ville malfamée de Northampton à L Histoire jonchée de meurtres et autres rituels aux consonances morbides, ce sont les mythes et légendes. La petite histoire qui se répète à travers les âges. le crime originel qui a des répercussions encore des milliers d'années plus tard. Les rituels qui sont toujours les mêmes, effectués à la même époque de l'année, mais dont le sens s'est perdu pour mieux se réinventer. Un cercle de sang, de sexe et de crasse.

La galerie de personnages mis en scène nouvelle après nouvelle, tous plus surprenants les uns que les autres, n'est pas très agréable à contempler et encore moins sympathique. Parce qu'ils sont humains, et pas dans ce que l'humain a de plus noble ; plutôt globalement dans ses gros travers. Attention, si vous aimez les personnages nuancés, criminels, fous, illuminés, mesquins, perdus, à la psychologie toujours complexe, vous risquez d'apprécier fortement cette oeuvre. Nul héros ne franchira ces pages (par contre y'a des vrais salauds).

Par ailleurs, à noter parmi les éléments qui relient l'ensemble de ces textes : le corps qui, dans toute sa bestialité, est central. le corps couvert de pisse, de merde, de boue. le corps malade, estropié. le corps en décomposition, le corps mort. le corps jeune, vieux. Beau ou laid. le corps qui pue. le corps empli de désir ou désiré. le lecteur se retrouve ainsi très intimement lié avec les sensations corporelles de chacun des personnages qu'il suit, pour le meilleur et surtout pour le pire.

J'ai décidé de prendre mon courage à deux mains, me retrousser les manches et de vous parler de chaque nouvelle. Afin de ne pas pondre un article-fleuve indigeste, cette chronique est donc coupée en deux avec 6 nouvelles en première partie et 6 nouvelles en deuxième partie. Je vous les présente dans l'ordre de lecture qui semble le plus évident à priori : l'ordre chronologique. Mais sachez qu'une des forces de cet ouvrage est que vous pouvez en lire les récits dans n'importe quel ordre. Simplement, votre expérience de lecture sera probablement différente de la mienne car vous n'effectuerez pas les mêmes liens au même moment. Mais très honnêtement, débuter par la dernière et les lire dans l'ordre dé-chronologique (ça se dit ça ?), ou les piocher au hasard, est une expérience qu'il me semble intéressante à tenter !

Le cochon de Hob - 4000 av J.-C.

Sans aucun doute la nouvelle la plus difficile d'accès, puisqu'elle nous place directement dans la tête d'un personnage qui souffre d'un fort retard mental, possède un langage extrêmement rudimentaire et ne fait pas la différence entre rêves, hallucinations et réalité. le lecteur est avec lui dans l'immédiateté, plongé dans les pensées d'un personnage qui décrit ses ressentis au moment où il les perçoit et avec un vocabulaire très limité.

Notre narrateur est un jeune homme, ou jeune adolescent, dont on ne saura ni le nom, ni l'âge, issu d'une tribu nomade et qui vient de perdre sa mère. Incapable de travailler ou même d'aider, inutile à la survie collective, son groupe le rejette. Il va donc tenter de s'en sortir seul.

Le cochon de Hob est la nouvelle qui pose la plupart des éléments qui constitueront la mythologie de ce recueil, un récit fondateur en quelques sortes. L'auteur y dépeint des hommes capables d'une incroyable cruauté envers quelqu'un qui n'est pas à même de comprendre, et encore moins se défendre. Mais également une réalité où vivre seul, sans un groupe en soutien, sans personne qui tienne à soi et se porte garant pour soi auprès des autres, est extrêmement difficile. La chute, que je n'ai pas vue venir, est quant-à-elle glaçante. du genre qui apporte un nouvel éclairage au récit.

Néanmoins, comme je le disais, cette longue nouvelle (58p.) est difficile d'accès. N'hésitez pas à passer à la deuxième et à y revenir ultérieurement si vous sentez qu'elle constitue un frein à votre lecture.

Les Champs de crémation - 2500 av. J.-C.

Deux jeunes femmes qui voyagent séparément se croisent près d'une rivière. L'une, Oussine, explique à l'autre qu'elle doit rejoindre le père qu'elle n'a jamais connu et qui, à l'approche de la mort, souhaite la rencontrer. Peut-être pour lui confier un héritage ?

Oussine arrive au village de Pont-dans-la-Vallée et demande à rencontrer son père, Olune. Il s'agit de l'homme-Hob, sorte de druide/chamane, gardien des croyances, des trésors et des secrets de sa vallée. Son fils, Garn, qui devait lui succéder, s'est détourné des croyances anciennes. Ainsi, à l'approche de la mort, l'homme-Hob souhaite former sa fille afin de perpétuer un savoir vieux de plusieurs millénaires.

Cette longue nouvelle (74p.) est une grosse claque. Tout d'abord parce qu'elle place le lecteur dans la tête d'un des personnages les plus tordus que mon chemin de lectrice m'ait amenée à croiser (Mycroft Canner de Trop Semblable à l'Éclair a de la concurrence), et ensuite parce que l'auteur est parvenu à me faire éprouver une forme d'empathie très bizarre pour ce personnage grâce à une excellente maîtrise du suspense. Sorte de thriller teinté de surnaturel, Les Champs de crémation possède également un second niveau de lecture, centré sur l'évolution des croyances et traditions.

Par ailleurs, l'auteur sait planter un décor et narrer des éléments presque banals de la vie quotidienne en y instillant juste ce qu'il faut de tension et de suspicion, de non-dits, avec une subtilité et un talent fou. On y croit et on est directement happé dans l'atmosphère étrange du village et de la vallée, on est pris par le doute, on guette les signes afin de deviner ce qu'il risque de se passer. Et on observe ce personnage qui cherche à se rassurer en se raccrochant à sa vision rationnelle du monde, mais que son instinct prévient d'un danger.

Contrairement au Cochon de Hob, qui se posait du côté des récits fondateurs, Les Champs de crémation serait plutôt annonciateur de changement.
(...)
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Voilà une chronique qui va être difficile, car La Voix du Feu est loin d'être un livre accessible. D'une part parce qu'ALAN MOORE est un être singulier et de deux, parce que'une personne comme lui ne se contente pas de faire des choses conventionnelles. 
Pour vous donner une idée de l'oeuvre du bonhomme, il est à l'origine scénariste pour des Comics comme Watchemen, V for Vendetta ou encore From Hell, vous pigez ? ALAN MOORE à participer à un nombre incalculable de projets, tous plus barrés les uns que les autres et est de loin un personnage plus que respecté dans le milieu. 

Ça, c'est pour planter le décor. 

Pour continuer avec lui et bien comprendre le livre et surtout la chronique qui va suivre, il faut savoir que le Monsieur est adepte de magie. MOORE pense que sa belle ville de Northhampton est une sorte de point stratégique, une convergence de forces sombres qui façonnent la ville depuis des temps immémoriaux et dont il est sujet dans La Voix du Feu. Mais l'auteur ne se contente pas de fabuler ses récits, il a pris ça très au sérieux et le travail de recherche sur le lieu a été d'envergure. Des piles de livre et de documents se sont entassées autour de lui et comme il le dit lui-même dans la dernière nouvelle du livre : « Cet ouvrage est une fiction, pas un mensonge ». ALAN MOORE a pris des faits pour les retravailler et nous livrer cette « biographie » de sa ville. 
Maintenant que vous êtes familiarisé avec l'univers et la mentalité du gars, combinez donc tous les éléments de cette introduction à rallonge et permettez-moi de vous présenter le pourquoi du comment de la Voix du Feu, son seul et unique roman (pour le moment…).

La première question est de savoir s'il s'agit d'un recueil de nouvelles ou d'un roman à proprement parler. Pour répondre franchement, je dirais un peu des deux. D'une part se sont douze textes qui composent le livre, donc quelque part nous sommes un peu dans de la nouvelle. Seulement d'un autre côté … tout au long des douze récits qui composent le livre, un fil rouge est tissé et chaque texte peut, par exemple, apporter une réponse à un autre. Les thèmes sont récurrents (ou du moins des éléments, aussi insignifiants qu'ils puissent paraître au départ) comme par exemple les cercles, des forces obscures, mais surtout le feu (des trucs de magicien quoi…), mais en même temps quand on appelle son roman La Voix du Feu, je pense qu'il faut s'attendre à ce genre de chose…

Pour parler des textes, ceux-ci se présentent de façons chronologiques. Partant du néolithique où l'on suit les tribulations d'un simple d'esprit qui vient de perdre sa mère et qui se fait chasser de sa tribu jusqu'à nos jours où ALAN MOORE se fait le narrateur du dernier récit, l'auteur nous conte l'évolution des mentalités, mais surtout la progression de l'espèce humaine et de ce qui deviendra sa ville. En revanche ici rien de beau à propos de l'évolution, bien au contraire. Chaque texte est tinté de mysticisme et surtout d'un fatalisme certain, et tout au long de la lecture on ne peut s'empêcher de penser au fameux Livre de Sang d'un autre auteur anglais qui beigne aussi dans ce genre de mélasse mystico-pessimiste, j'ai nommé CLIVE BARKER. Il y a parfois du mystère à la LOVECRAFT, parfois même de la poésie, mais surtout beaucoup de rêves, qui occupent aussi une place importante dans La Voix du Feu, car peut-on vraiment séparer le caractère mystique du rêve de celui de la sorcellerie et de la magie ? 

Bref les influences sont nombreuses et l'amateur d'histoires sordides et originales y trouvera son compte bien que certains textes soient plus captivants que d'autres. Car si le bât blesse avec La Voix du Feu, ce serait cette certaine inégalité et ce manque de constance sur la longueur. Certains textes se survolent, d'autres nous immergent totalement. Quoi qu'il en soit, MOORE a su faire évoluer le langage au fur et à mesure de ses histoires et l'adapter à l'époque où celle-ci se déroule. Là où l'homme du néolithique nous bave un langage très difficile et éprouvant (s'il vous plaît restez accroché au livre les soixante premières pages et ne vous découragez pas), il devient de plus en plus aisé de lire même si le style varie d'une histoire à l'autre.

NEIL GAIMAN, qui s'occupe de l'introduction nous indique que nous pouvons commencer par où ça nous chante, que le début et la fin sont deux bons choix. Vous commencez à me connaître, je suis un homme qui aime prendre des risques, j'ai donc commencé par le début… et au final il s'avère que la fin aurait constitué un excellent choix aussi. La Voix du Feu, comme beaucoup d'allusions au cours du livre est un cercle, et par définition un cercle n'a ni de début ni de fin et si toutes ces histoires constituent les contours de ces douze nouvelles, le feu, lui (et le bûcher plus précisément) en est le centre, la Terre est née du Feu et elle finira de cette manière. C'est donc bien avec un roman géométrique qu'ALAN MOORE arrive à nous mystifier autant qu'il arrive à nous surprendre avec ses histoires de sorcières, de templiers, d'homme oiseaux ou de tête qui se confesse au bout d'une pique. Un mysticisme exacerbé suinte tout au long du livre sans pour autant que le mot « magie » ne soit prononcé et c'est là le tour de force de ce roman. 

Un livre que je ne saurais que trop conseiller aux amateurs d'oeuvres qui sortent de l'ordinaire. MOORE ne se contente pas d'écrire pour écrire ou pour fiche la trouille, il reste souvent évasif et ne rentre pas forcement dans le détail et laisse l'imagination du lecteur carburer à plein régime. 
L'une des lectures les plus étranges qu'il m'ait été donné de lire depuis belle lurette, en plus de ça la couverture illustre parfaitement le propos avec ce dragon en tête à tête avec une sorcière en train de brûler vive sur un bûcher, le tout dans des tons rouge orangé simplement magnifique.
Alors oserez-vous ? Oserez-vous pas ? Une chose est sûre c'est que La Voix du Feu ne vous laissera pas indifférent.

Zoskia


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C'est une histoire de sa ville natale, Northampton, qu'Alan MOORE nous raconte en douze chapitres. de 4000 avant Jésus-Christ à 1995, les périodes clés de la ville font l'objet d'une peinture au travers de la vie d'un témoin direct, qui se fait narrateur pour l'occasion.
Il y a cet enfant attardé du néolithique qui découvre l'amour, la jalousie et le mensonge en rencontrant plus évolués que lui. Il y a encore cette jeune femme du chalcolithique qui souhaite hériter des trésors de son père relevant du chamanisme. Il y a ensuite ce chasseur de l'âge de fer qui est témoin de la disparition de tous les membres de son clan. Et puis il y a cet émissaire de Rome qui découvre que le déclin de l'Empire romain est imminent, puis cette vieille nonne qui revit la mort d'un martyr au début du Moyen-Âge. L'on apprend alors comment une église circulaire fut construite par un chevalier de retour des Croisades. L'un des seuls survivants de la Conspiration des poudres, qui visait à assassiner le roi protestant Jacques Ier au début du XVIIème siècle, raconte comment le complot fut maté. Quelques années plus tard, par concupiscence, un juge itinérant est victime de quatre sorcières. Un siècle plus tard, une autre sorcière retrace les étapes de sa vie alors qu'elle est en train de brûler, en compagnie de son amante, sur le bûcher auquel elles ont été condamnées. Pour les périodes les plus récentes, c'est un simple d'esprit qui nous raconte comment, au milieu du XIXème siècle, il s'est échappé de l'asile pour retrouver la femme qu'il n'a jamais eu ; en 1931, c'est un représentant en jarretelles qui fait le bilan de sa vie au moment de son procès ; c'est enfin l'auteur lui-même qui fait la synthèse de tout ce qui précède en nous faisant visiter Northampton en 1995.
Enumérés ainsi, ces douze chapitres peuvent sembler parfaitement décousus. En effet, la narration est par définition non linéaire, mais il faut garder à l'esprit que toutes les intrigues se déroulent en un même lieu, sur ces quelques km² où est sise aujourd'hui la ville de Northampton. Et puis Alan MOORE sait relier ses chapitres par des motifs récurrents qui constituent les fondations de l'histoire de sa ville. C'est par exemples la rivière Nene qui la borde, et l'église circulaire qui est une de ses curiosités historiques. C'est encore des images plus mythologiques tels ces immenses chiens noirs, ces jambes estropiées ou ses têtes tranchées. C'est surtout le feu que l'on retrouve dans tous les chapitres, et qui sert encore aujourd'hui de commémoration de la Conspiration des poudres tous les 5 novembre.
Et puis il y a les thèmes abordés par Alan MOORE. Ceux-ci relèvent de la vie et de la mort des hommes et des femmes qui ont fait l'histoire de Northampton, une histoire imaginaire qui court en permanence sur un fil ténu séparant le réel du surnaturel. Les vies y sont difficiles, les relations entre hommes et femmes ne sont guère que sexuelles, les morts sont souvent violentes, bien que suggérées la plupart du temps. La synthèse de tout cela se trouve probablement dans la magie et la sorcellerie, qui réapparaissent régulièrement tout au long du roman.
Tout cela fait de la voix du feu un roman à tiroirs. Chaque tiroir dévoile un mystère, tous les mystères n'étant pas résolus, et ceux qui le sont ouvrant la porte à d'autres interrogations. Sous la plume de MOORE, c'est à l'image de la vie de tout être humain dont bien des pans resteront à jamais inexpliqués.
La voix du feu est finalement une oeuvre profondément originale. Elle est certes complexe, mais on la lit avec plaisir de la première à la dernière page, tout en sachant que d'autres lectures, tout aussi plaisantes, seront nécessaires pour en appréhender correctement ses secrets et sa richesse.
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critiques presse (2)
SciFiUniverse
27 janvier 2021
L’ouvrage est perturbant et magique à la fois, il ravira les fans d’Alan Moore mais saura surprendre les lecteurs qui pensent avoir fait le tour de l’imaginaire.
Lire la critique sur le site : SciFiUniverse
Elbakin.net
07 mai 2015
Une visite guidée au cours de laquelle le lecteur s’égarera volontiers, loin, très loin des sentiers battus…
Lire la critique sur le site : Elbakin.net
Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Regarde maintenant en haut de moi. Ciel, est lui plein de bêtes-de-ciel, là, et sont elles tout un troupeau gris qui court de bord du monde à bord du monde. Sombre est un petit temps venir, pour quoi moi peux pas voir longue forme-esprit noire de moi, qui suit sur pas de moi. Tout seul est moi.

("Le Cochon de Hob")
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Tels sont les temps que nous attendons avec crainte et avidité. Le marmonnement de la fournaise de notre passé se fait plus sonore dans notre dos, sa cadence plus distincte. Presque intelligibles, maintenant, ses syllabes se révèlent. Notre monde s’embrase. Le chant monte d’une lumière dévorante.
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Le chemin est plus large, en arrivant par le bord de la rivière. Combien de pieds de morts demande-t-il pour devenir comme ça ? C’est une colère et une misère de penser être un jour dans ma tombe et ce chemin encore là, pourtant. Ses ornières profondes, plus vieilles que nos grands-pères. Ses flaques d’inondation, l’affreuse ligne droite de son cours, encore là. Encore là.
Il monte devant moi, escarpé, ferme sous mon pas, et pourtant marcher est dur. Des cailloux tranchants me coupent les pieds, la boue sèche sur eux pour faire une peau craquelée par le soleil. Passer mon sac d’une main à l’autre, marmonner, me dire de quitter le chemin en haut de cette colline, pour avancer sur l’herbe douce sur les bords, pour descendre par l’est vers Pont-dans-la-Vallée.
La lumière du jour commence à pâlir, et bientôt les fossés au bord du chemin sont piquetés de vert brillant par les vers de feu. Chant de chauves-souris. Appel d’un oiseau aux yeux de nuit. Le bruit de mes pas, claquant dans le crépuscule.
Quelque part en amont, elle file devant moi dans le noir, pas encore gonflée, mais sans couleur. Des escargots sur ses cuisses. Visage vers le bas, les yeux fixes, regarde le fond de la rivière glisser au-dessous, chaque pierre, chaque algue broutée par les goujons. Des coquilles brisées, et des lignes habiles, fourchues, que des courants invisibles laissent sur le fond lent et lisse. Les yeux morts, qui ne perdent aucun détail. (« Les champs de crémation« , 2500 av. J.C.)
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J’introduis le pouce et l’index à l’intérieur de ma bouche et j’éprouve doucement les dents, pour vérifier combien remuent, branlantes sur mes gencives bleues et racornies. Toutes, je le crains, et je regrette de ne plus être à Londinium, car la ville semblerait un paradis à mes yeux, maintenant.
Envoyé ici dans les terres du milieu il y a deux mois sur des rapports de contrefaçon, j’étais un enfant que rien ne préparait à cet endroit, à ces Coritani, titubant ivres à travers des vies courtes et sanglantes, qu’ils tiennent pour acquises : à leur violence inconsidérée, incessante ; aux cicatrices colorées, aux volutes d’encre qui griffent leurs fronts et leurs dos, terribles et étranges comme des chiens bariolés. À mon arrivée ici, j’étais encore d’une sensibilité tellement délicate que je pouvais blêmir à l’écoute d’un passage sanglant dans un drame en vers ; maintenant, je les regarde pendre leurs jeunes pour s’amuser, et c’est à peine si j’y songe. (« La tête de Dioclétien », 290 ap. J.C.)
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Voici maintenant le premier baiser de la fumée, un bécot affectueux d’époux, sur le nez ; tout comme avec un mari, nous gardons toutes deux les yeux clos pendant qu’il se prolonge. Le moment vient bientôt où il fourre sa langue âcre et étouffante jusqu’à la moitié dans nos gosiers. Des piqûres d’orties, rudes et cuisantes, se lovent là derrière nos narines blessées. J’espère que les fagots ne sont pas en bois vert et humide, ni en aucune façon lents à se consumer, car lorsque notre pacte a été conclu, l’Homme au Visage noir a assuré que nous ne connaîtrions pas les feux du châtiment. Un silence sifflant mousse dans mes oreilles, comme face à une approche insondable, mais meurt rapidement, réduit dans le crépitement de papier froissé qui est maintenant tout autour de nous. Chut, Mary Phillips, et n’aie crainte, car on nous a fait une promesse, à toi et à moi. (« Complices ès tricots », 1705 ap. J.C.)
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