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Critiques filtrées sur 4 étoiles  

Enfant, Marcel coupait des roses, tuait des lézards et en tirait une grande satisfaction. Il se posait des questions sur son comportement et essayait d'en parler avec ses parents, peu présents et indifférents, et à son petit voisin qui lui renvoyait incompréhension et réprobation. Ce petit voisin, il avait bien envie de le tuer aussi, mais c'est son chat qui mourra.
Un peu plus tard, moqué à l'école du fait de son manque de virilité, il rencontre un chauffeur de maître, ancien prêtre pédophile, qui l'attire dans sa demeure en lui promettant un pistolet. Repoussant ses avances, Marcel le tue accidentellement.
Nous retrouvons Marcel, une vingtaine d'années plus tard, à l'époque de l'Italie fasciste, hanté par ses crimes et rongé par la culpabilité. En proie à ses démons intérieurs et à la crainte de devenir fou, son père étant interné en hôpital psychiatrique, il décide d'accéder à la normalité, et de se fondre dans le collectif. Pour cela il tire un trait sur sa personnalité, tend à se conformer aux normes sociales, et se marie avec une jeune femme simple, qui lui parait correspondre à ses nouvelles aspirations de bien-être matérialiste.
Fonctionnaire dans un ministère, il lui est bientôt proposé de participer à une mission à Paris dont le but est l'élimination d'un ancien professeur, opposant au régime de Mussolini.
Moravia nous offre le portrait d'un homme torturé qui tente de lutter contre ses pulsions, et dont la problématique personnelle épouse parfaitement les valeurs d'un régime dictatorial. Nous ne sommes pas loin de la banalité du mal. L'individu perd ses repères moraux pour viser l'atteinte d'un idéal de pureté qui le laverait de ses pêchés.
Marcel est un être profondément triste, sans affection dans l'enfance, et détaché de lui-même et des autres plus tard. Il tente de prendre en main sa destinée mais il plonge dans le crime pour s'absoudre d'un autre crime qu'il pense avoir commis.
Un beau roman, d'une rare intelligence assortie d'une écriture limpide, dans lequel il faut suivre le raisonnement aux accents philosophiques de Moravia, autour des notions du bien et du mal, de la normalité et de la différence, de la culpabilité, et où apparaissent des éléments autobiographiques, comme l'indifférence et la froideur entre les membres d'une famille dysfonctionnelle.

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Marcello ! Non, ce n'est pas celui qu'Anita Ekberg poursuivait de ses pulpeux atours autour de la fontaine de Trévi, aux grandes heures du cinéma italien. Ce Marcello-là, n'a aucune disposition pour la Dolce Vita. Enfant, il a été persécuté par ses camarades d'école qui le trouvait efféminé. Il se sent différent, fait preuve de cruauté vis-à-vis des animaux et échappe de peu à un pédophile. Quand on se sent différent, que les autres vous le font méchamment comprendre, il est très difficile d'accepter sa différence. Marcello aspire à rentrer dans le rang et à la normalité la plus banale. Il fera tout pour se conformer à la norme, sociale, sexuelle, affective, politique. Et lorsqu'il devient un obscur mais ordinaire fonctionnaire, dans cette Italie de la fin des années trente, cela signifie aussi se compromettre et prêter main forte (ou faible) aux basses besognes d'un régime dictatorial.
« Dans son désir de se soumettre à une norme quelconque, il n'avait pas choisi celle de la religion chrétienne qui défend de tuer, mais bien une autre, toute différente, politique celle-là et de fondation récente, à laquelle le sang ne répugnait pas. »
C'est glaçant, d'autant que le personnage n'éprouve en général, aucune émotion, n'a d'empathie pour rien ni personne, même pas pour le fascisme et ses dirigeants sur lesquels il ne se fait aucune illusion. Il est fasciste parce que c'est la norme et parce qu'il éprouve… «Une aspiration à être normal; une volonté d'adaptation à une règle reconnue et générale; un désir de ressembler à tous les autres puisque, être différent signifiait être coupable. »
Et si nous tentions, cinq minutes, de quitter le conformisme qui cantonnerait ce roman à une énième condamnation du fascisme. Oublions un peu le fascisme, il appartient au passé, même s'il renaît perpétuellement sous d'autres formes, dans d'autres lieux, en se drapant d'autres oripeaux, avec la même bêtise, la même lâcheté et les mêmes bassesses. Ce serait, à mon sens, particulièrement réducteur pour ce roman, à l'écriture fluide et à la lecture facile, qui mérite mieux que quelques larmes de crocodile à verser sur un passé tragique : «C'était donc cela le passé : ce vacarme devenu silence, cette ardeur désormais éteinte auxquels la matière même du journal, ce papier jauni qui, avec les années, s'effrite et tombe en poussière, prêtait un caractère vulgaire et médiocre. le passé était fait de violences, d'erreurs, de duperies, de futilités, extravagantes et qui assourdissent… seules choses que, jour par jour, les hommes trouvaient dignes d'être publiées et transmises à la postérité. La vie normale et profonde était absente de ces feuillets… »
C'est avant tout un roman sur la différence, la culpabilité, le refoulement, le besoin d'être accepté, d'être considéré comme normal, d'appartenir au groupe et, pour finir, sur le manque d'empathie.
« Et se découvrir insensible, c'était se découvrir guéri. » C'est bien souvent, ce manque d'imagination et d'empathie, qui conduit des individus ordinaires, assurés qu'ils sont d'être en conformité avec les autorités ou l'air du temps, à se conduire, vis-à-vis de ceux qu'on leur a désigné comme différents, comme la lie de l'humanité. C'est autant valable pour les sicaires nazis ou mussoliniens, que pour les nervis des goulags soviétiques et les égorgeurs d'otages ou les crucificateurs d'aujourd'hui.
Mais quid de l'homo occidentalus qui écrit ce billet ou qui le lit en cet instant ? Il n'a pas de sang sur les mains, mais est-il, pour autant, prêt à accepter ou à cultiver sa différence. Ne ressent-il pas le même besoin de se conformer ? N'est-il pas ravi de penser ce que la majorité pense (les médias sont là pour penser à votre place), sans s'être trop documenté ni interrogé ? N'est-il pas ravi de porter les mêmes vêtements, de manger les mêmes repas que ses voisins ou de faire un cadeau à son conjoint le 14 février en même temps que tout le monde ? N'est-il pas heureux de s'en aller chanter, hurler, conspuer et insulter dans un stade, qui l'arbitre, qui l'adversaire, qui le joueur qui ne se conforme pas à ce qu'on attend de lui ? Aussi anonyme qu'on peut l'être, perdu dans une foule, ne se sent-il pas assez fort et invulnérable pour ne pas résister à la tentation de se montrer sous un jour dont il aurait honte s'il était tout seul ?
N'accablons pas (trop) le vulgum pecus car l'Epoque est, elle-aussi, à la conformité, si ce n'est au conformisme. Ces normes énormes dont on finirait par se demander si leur seul but n'est pas d'assurer la subsistance d'une armée de normeurs s'acharnant sur le dos de normés redoutant tous de ne plus être conformes. Tout cela est-il bien normal ? Attention, car, dans l'industrie, les produits non conformes vont au rebus. le Conformisme n'est-il pas un des symptômes d'une société totalitaire ?
Allez, je dois vous quitter, on m'attend pour le Contrôle technique. Pourvu qu'ils ne trouvent rien d'anormal.
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Une splendide écriture pour une histoire tragique, celle d'un homme "brisé" par une famille absente, une rencontre inopportune, une société sans repères avec laquelle pourtant il va tenter de se confondre jusqu'à s'y perdre. Un texte presque intimiste dont on savoure les mots.
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Excellent livre. A quel point l'Homme est un mouton! La bienséance de notre société et de la nécessité de se conformer aux idées. Quelle horrible chose que d'être un Conformiste ! A lire pour réveiller celles et ceux qui se sont endormis!
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Moravia était véritablement anti-fasciste et un peu juif par son père. Pour cela, il fut donc condamné 2 fois par le régime de Mussolini dès la fin des années 30. Ainsi il connut l'exil.
Ce roman, mal reçu par la critique et le public à sa parution, tente d'expliquer le cheminement de la conformité lorsque cette attitude n'est pas naturelle, mais fabriquée à dessein afin d'effacer les souillures d'actes du passé.
Marcello (Marcel) se sent différent de ses camarades : enfant d'une famille bourgeoise, il grandit sans affection et sans attention de la part de ses parents ; il tue volontiers et sans repentir les lézards du jardin ; sans qu'il en ait conscience, il est un peu efféminé et cela déclenche humiliation et moqueries de la part de ses camarades de classe ; il échappe de près à la tentative de viol d'un débauché pédéraste qu'il croit tuer. Alors, pour échapper à cette différence, il décide de « changer », de devenir « normal ». Dans l'Italie de Mussolini, être normal cela veut dire être fasciste, c'est la voie qu'il emprunte. Pour lui, changer c'est devenir comme tout le monde, irréprochablement normal. Pour cela, Marcel se marie avec une fille qui ressemble à toutes les autres, banale. Puis il va participer à un assassinat politique en bon soldat du régime qu'il est, et pour lequel il travaille en tant que fonctionnaire.
Ce n'est pas simplement un roman, mais une fine analyse psychologique du comment et pourquoi un individu peut détourner sa nature profonde au profit d'une illusion, une erreur qui l'a dévié de sa pleine conscience.
« Malheureusement le conformisme vers lequel son instinct l'avait aiguillé n'était qu'une forme vide à l'intérieur de laquelle tout était anormal et gratuit… »
Belle et riche écriture. Lecture à recommander.

Lien : https://www.babelio.com/conf..
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Dans l' Italie fasciste de Mussolini, il s'avère que la norme est de devenir agent de l'état, et d'obéir à tous les ordres sans se poser de questions. Dans un tel état, devenir un conformiste à tout prix peut mener bien loin, au-delà de tout ce que l'on aurait pu admettre, et conduire paradoxalement à des actes exceptionnels, comme tuer, mentir, etc... Moravia nous donne à lire le récit d'un homme qui cherche à tous prix à entrer dans la norme. Au risque de se brûler l'âme !
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Un fonctionnaire de police fasciste utilise son voyage de noces pour mener à bien une mission secrète. Sur cette trame assez mince, Moravia greffe une problématique psychologique, existentielle : comment rester soi-même tout en préservant sa place dans la société ? peut-on assumer une individualité particulière sans souffrir d'être hors normes ? Le sort de son héros incline à une réponse pessimiste. Poursuivi par les démons de son enfance, Marcel essaie en vain de se fondre dans la masse, et finira victime d'un destin où il entraîne ceux qui lui sont chers. Quelques invraisemblances détonnent sur ce récit, surprenant le lecteur qui considère a priori Moravia comme un réaliste. C'est que l'accent est mis sur les drames intérieurs, les hantises et les obsessions du personnage, plutôt que sur une intrigue qui sent le prétexte. Politique et sentiments composent une ambiance étouffante, à l'érotisme sulfureux. L'histoire s'enchaîne bien, et tient en haleine à la façon d'un scénario. Le conformiste a du reste été adapté au cinéma par Bertolucci, avec Jean-Louis Trintignant dans le rôle principal. Un bon livre pour introduire au monde narratif du grand romancier italien.
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De ce récit,émerge le grand thème moravien du rapport entre l'homme et la société.
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