AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Gilles de Van (Autre)Claude Poncet (Autre)
EAN : 9782080704511
371 pages
Flammarion (28/11/2007)
3.75/5   272 notes
Résumé :
Riche bourgeois romain de trente-cinq ans, Dino est un peintre raté. Par désoeuvrement et par curiosité, il devient l'amant de Caecilia, une jeune modèle de dix-sept ans. Cette liaison semble destinée à sombrer dans le gouffre de l'ennui quand soudain tout bascule : Dino est happé par une étrange passion, une fascination pour Caecilia qu'il ne comprend pas. Dans ce roman simple et fort publié en 1960, Alberto Moravia revient à l'un des thèmes centraux de son oeuvre ... >Voir plus
Que lire après L'ennuiVoir plus
La Storia, tome 1 par Morante

La Storia

Elsa Morante

4.09★ (401)

2 tomes

Senilità par Svevo

Senilità

Italo Svevo

3.72★ (283)

La peau par Malaparte

La peau

Curzio Malaparte

4.17★ (1056)

Critiques, Analyses et Avis (27) Voir plus Ajouter une critique
3,75

sur 272 notes
5
6 avis
4
7 avis
3
4 avis
2
1 avis
1
3 avis
D'abord une longue préface de Gilles de Van, intéressante en ce qu'elle situe L'ennui dans l'ensemble de l'oeuvre de Moravia et développe cette métaphysique qui domine dans ce texte, mais qui aurait dû plutôt figurer en postface car elle présente l'inconvénient, majeur à mon sens, de résumer brièvement l'intégralité de l'histoire, privant ainsi le lecteur de laisser aller son imaginaire jusqu'au bout en compagnie du héros, Dino.

Celui-ci, personnage central, est intéressant à bien des niveaux. Il rejette sa mère dont il a besoin pour son aide financière dont il prétend n'avoir que faire mais qui lui est nécessaire. Il est en interrogation permanente sur chacun de ses actes, sur ceux des personnes qu'ils côtoie au point d'imaginer des motivations et des situations pour chacune d'elles.

Et précisément, c'est dans les bras d'une jeune fille, Cecilia, qu'il ira au bout de ses interrogations, de ses frustrations, de son rejet d'une société bourgeoise dont il a besoin, de l'analyse de son ennui, de son amour. Tout le roman se structure autour de la négation de tout besoin, du rejet de presque tout, de l'indifférence à tout, et, en même temps du besoin quasi-permanent de tout ce qui est ainsi rejeté.

La personnalité de Cecilia est passionnante et Moravia lui donne, sous sa plume sans concession, une dimension physique et onirique qui ne peut laisser indifférent. Elle aime l'amour, elle aime faire l'amour, elle jouit merveilleusement tout en étant indifférente à tout ce qui l'entoure. Elle est simple, sans cruauté, se partage entre deux hommes naturellement, sans y voir le moindre problème ce que ne peut comprendre Dino.

Les dialogues entre eux sont à la limite de l'absurde et les réponses de Cecilia au questionnement pernicieux de Dino sont d'une simplicité qui le déroute dans leur absence de sens.

L'ensemble du roman est baigné dans cette atmosphère hors norme où le réel côtoie l'irréel, particulièrement dans les pensées de Dino, jamais dans celles de Cecilia.

Un très bon roman d'un écrivain talentueux tant dans l'art de son écriture, de ses phrases élaborées que dans son développement de cette thématique de l'ennui, de l'argent et de la finalité de la vie.
Commenter  J’apprécie          818
J'adore l'écriture de Moravia, ses talents de conteur, son habileté à construire la tension amoureuse et à la rompre, ses formules gravées en taille douce par l'acide de son intelligence, tout ça. Mais Moravia est aussi un sacré manipulateur. Non ce roman ne parle pas du couple. Ce roman parle de la lutte des classes. Un peintre trentenaire vit aux crochets de sa richissime maman et s'interroge sur son incapacité à peindre et à aimer. L'Ennui, publié en 1960 - décolonisation, révolution cubaine, PCI deuxième parti d'Italie, faut voir le contexte – est un essai de théorie critique marxiste des moeurs, un pamphlet sarcastique et violent contre la bourgeoisie capitaliste, déguisé en histoire d'amour et de jalousie. Car le Marx du Capital évoque peu le coeur et les moeurs. L'Ennui comble ce vide. C'est dans le chapitre IV.3 de « La Sainte Famille, ou Critique de la critique critique » que Marx (sans Engels) esquisse une théorie de l'amour. Les époux ou les amants se rassurent de leur existence mutuelle, même s'ils sont éloignés et même si leur relation est fragile car l'amour est un besoin humain par essence, une clef du matérialisme. En effet, l'amour « plus que toute autre chose apprend à l'homme à croire au monde objectif en dehors de lui, et fait non seulement de l'homme un objet, mais même de l'objet un homme ». L'être aimé manifeste la réalité objective du monde extérieur à notre esprit. C'est le dérèglement de ce mécanisme chez les bourgeois, que Moravia appelle ironiquement « ennui ». L'ennui c'est l'incapacité du bourgeois à rentrer en communication avec le monde, objets animés ou inanimés. L'ennui c'est son incapacité à aimer. En déniant au bourgeois cette faculté, décrite par Marx comme essentiellement humaine, Moravia déshumanise l'ennemi de classe et légitime le mépris, qui sourd à chaque page de l'Ennui. Celui qui a tout, n'a rien. Il ne s'intéresse qu'à ce qu'il ne peut pas avoir. le cocufier c'est lui rendre service. le bourgeois est coupé de « toute donnée vivante, tout immédiat, toute expérience sensible, plus généralement toute expérience réelle, dont on ne peut jamais savoir à l'avance -ni d'où elle vient ni où elle va». L'argent le maintient dans un caisson d'isolation sensorielle. Comme la « Critique critique » décriée dans La Sainte Famille, le bourgeois est condamné à un idéalisme auto-centré, qui aboutit au ridicule de tout ce qu'il entreprend, notamment en matière artistique : coupé du monde, il n'a d'autre choix que l'abstraction, et pour finir, comme l'anti-héros grotesque de l'Ennui, il préfère la toile vierge à tout tableau. On retrouve derrière le ricanement de Moravia sur l'artiste bourgeois, le conflit politique sur l'art contemporain, la guerre froide que se livrent après 1945 le réalisme socialiste promu par le KGB ou les artistes comme Fernand Léger membres du PC et l'expressionnisme abstrait de Pollock et Rothko promu activement comme outil de propagande par la CIA.
Bel article sur le sujet:
https://www.independent.co.uk/news/world/modern-art-was-cia-weapon-1578808.html
Commenter  J’apprécie          304
L'oisiveté dans la richesse ne rend pas heureux pour autant. le diktat des apparences, de la fidélité, de l'illusion du bonheur pèsent leur poids. L'appartenance sociale et l'activité professionnelle placent un individu, et tirer parti de sa compagne paraît indispensable quand on n'a pas soi-même d'activité fixe, surtout quand on provient soi-même de la haute bourgeoisie, où le regard des autres juge un peu plus qu'ailleurs.
C'est ainsi que notre anti-héros passe au peigne fin les activités de sa compagne, s'interroge par le menu, au moindre détail sur ses intentions, leur amour réciproque, et rien d'heureux ne peut pas réellement sortir d'une telle posture. Un cercle vicieux semble donc s'instaurer. L'absence d'occupation rallonge le temps, complique le peu qui existe autour de soi.
Le ton léger qui est employé renforce l'ironie de la trame narrative, fatalement un peu lente.
Ce roman est d'une écriture simple et agréable.
J'ai particulièrement apprécié les passages traitant de la jalousie maladive du personnage principal... Un cas d'école... à méditer.
Commenter  J’apprécie          360
L'intrigue est simple. Un jeune homme, peintre raté, issu de la haute bourgeoisie romaine devient l'amant d'une jeune fille, son modèle. Relation qui s'enlisera peu à peu dans une jalousie féroce de la part de l'amant lorsqu'il s'apercevra de l'inconséquence de la jeune fille. Remise en question de ses origines bourgeoises également face aux origines modestes de la fille. Roman très riche. A une époque, le tournant des années 60, où la société de consommation arrive en Italie, où les valeurs traditionnelles laissent la place à une société basée sur l'apparence et la vulgarité, modifiant également l'ensemble des rapports sociaux. Tout cela apparaît plus ou moins directement dans ce roman. La chair et le sexe sont également des thèmes abordés ici par Moravia. Sexe de consommation, sans amour possible, ne suscitant que lassitude et ennui. Malheureusement pour notre peintre, on n'échappe pas à sa condition sociale. Les personnages de second plan comme la mère du peintre et les parents de la jeune fille me semblent aussi rendre compte de toute la dimension sociale déterministe du roman.
Encore une fois, Moravia s'en prend aux valeurs italiennes bourgeoises à travers le personnage de cette mère intransigeante qui ne comprend pas le désarroi de son fils, qui n'a que la transgression pour échappatoire, confinant presque à la folie.
Du très grand art.
Commenter  J’apprécie          320
La Feuille Volante n° 1096
L'ennuiAlberto Moravia – Flammarion.
Traduit del' l'irtalien par Claude Poncet.

Dino est un peintre abstrait raté de 35 ans. Fort heureusement pour lui c'est un riche bourgeois romain qui n'a pas besoin de cette activité pour vivre ou plus exactement un oisif dont la mère qui l'adore a beaucoup d'argent. Célibataire, il choisit cependant de s'éloigner de cette femme un peu étouffante, de s'installer dans un appartement qui lui servira aussi d'atelier mais sans pour autant couper définitivement les liens avec elle. Pourtant il choisit d'abandonner la peinture. Un peu par hasard, il rencontre Cécilia, un modèle de 17 ans qui posait auparavant pour un vieux peintre qui vient de mourir dans des circonstances suspectes et naturellement, ils deviennent amants. Pourtant, après une relation passionnée qui a duré deux mois, il veut la quitter sans raison valable, mais se ravise et la soupçonne de le tromper. Dès lors sa méfiance se fait plus précise d'autant qu'elle invente tout et n'importe quoi avec un grand naturel, de sorte qu'elle épaissit elle-même le mystère qui flotte autour d'elle. Elle devient insaisissable, inattendue, et pratique le mensonge avec désinvolture, ce qui a pour effet d'aiguiser encore la jalousie de Dino qui ainsi s'attache davantage à elle.
En réalité, j'ai bien l'impression que Dino est un insatisfait chronique que la vie oisive et insipide, quelque forme qu'elle prenne, ennuie profondément. Ses relations avec cette jeune nymphomane sont complexes et l'ennui qui en résulte pour lui tire son existence d'une incapacité à la posséder réellement ce qui génère chez lui une douleur insupportable. Il devient jaloux d'elle, de sa relation avec Luciani, un acteur sans le sou alors même qu'il avait décidé de la quitter. Ce roman se veut être consacré à l'ennui, soit, mais j'ai aussi lu de grandes digressions sur le mensonge, les soupçons, la jalousie et l'angoisse de l'attente puisque Dino, loin d'abandonner Cécilia, se met à l'espionner maladivement, ce qui nous réserve pas mal de longueurs. le plus étonnant est sans doute que malgré l'amour impossible qu'il éprouve pour Cécilia, il admet la vénalité de la jeune femme et accepte de financer ses relations avec son autre amant. Ainsi se reconstitue le traditionnel triangle amoureux où Cécilia semble jouer un rôle passif, se donnant indifféremment à ses deux amants, alternant mensonges et vérités pour mieux vivre cette relation face à un Dino bizarrement compréhensif. Pourtant, ce dernier, dans le seul but d'échapper à cet ennui, se résout à la demander en mariage mais cette démarche ne plaît guère à la jeune femme qui refuse, ne pouvant ou ne voulant pas choisir entre es deux amants. Dino s'aperçoit alors que la possession même du corps de la jeune femme ne le satisfait pas, qu'il en conçoit même un certain ennui, mais refuse cependant de mettre fin à leurs relations. Il se révèle être un homme à la fois obsédé par cette femme et jaloux d'elle mais accepte cependant la réalité après avoir recherché le moyen définitif d'échapper à tout cela. C'est là un des thèmes centraux de l'oeuvre de Moravia, le rapport de l'homme avec la réalité qu'il peine à accepter ce qui a aussi, dans son cas des accents autobiographiques autant que sociologiques, la société des années 1960, date de publication de ce roman, entrant dans la consommation à outrance et le néocapitalisme.
Tout le roman se décline en un long monologue mettant en évidence la déliquescence de la société bourgeoise ainsi que l'obsession du sexe et de son rapport avec l'argent. Les descriptions du corps et des postures de Cécilia ne sont pas exemptes d'un certain érotisme discret, mais, même si la littérature a largement illustré le thème de d'ennui, les longues digressions philosophiques auxquelles se livre l'auteur, dignes d'une dissertation du baccalauréat, ancienne section de « philosophie », m'ont parfois un peu ennuyé. C'est dommage parce que j'ai toujours beaucoup apprécié l'univers créatif de Moravia. C'est un peu comme si cette relecture, que je ne pratique pourtant pas volontiers, remettait un peu en cause l'intérêt que je lui porte.
© Hervé GAUTIER – Décembre 2016. [http://hervegautier.e-monsite.com ]
Commenter  J’apprécie          71

Citations et extraits (37) Voir plus Ajouter une citation
Je possédais un excellent tourne-disques, don de ma mère, sans compter une centaine de disques. Mais qui n'a jamais pu dire que la musique agit de toute façon, se fait écouter, pour ainsi dire de force, même par la personne la plus distraite ? Celui qui a dit cela a dit une chose inexacte. En réalité mes oreilles refusaient non seulement d'écouter mais d'entendre. Et puis, au moment de choisir un disque, cette pensée me paralysait : quelle est la musique qu'on peut écouter dans les moments d'ennui ? Alors je refermais le tourne-disques, je me jetais sur le divan et me mettais à penser à ce que j'allais pouvoir faire.
P.66
Commenter  J’apprécie          310
Au commencement donc était l'ennui, vulgairement appelé chaos.

Dieu s' ennuyant créa le ciel et la terre, l'eau les animaux, les plantes, puis Adam et Eve ; ces derniers s'ennuyant à leur tour dans le paradis langèrent le fruit défendu. Ils ennuyèrent Dieu qui les chassa de l'Eden ; Caïn qu’ennuyait Abel Abel le tua ; Noé s'ennuyant vraiment trop inventa le vin ; Dieu ayant de nouveau pris les hommes en ennui détruisit le monde par le déluge ; mais ce désastre également l'ennuya à tel point qu'il fit revenir le beau temps.

Et ainsi de suite
Commenter  J’apprécie          180
En cet instant où je lui serrais le cou, je pensais que la seule manière de posséder Cecilia était peut-être de la tuer. En la tuant, je l'arrachais à tout ce qui la rendait insaisissable et l'enfermais dans la prison définitive de la mort. C'est ainsi qu'un instant je pensai à l'étrangler sur le lit de ma mère, au milieu de ces billets de banque qu'elle avait refusés, dans cette maison même où nous aurions habité ensemble si nous nous étions mariés. Et je l'aurais certainement fait si dans ce même instant, lucide et rapide comme l'éclair, la pensée ne m'était venue que ce crime, au moins en ce qui concernait le but que je me proposais, serait inutile. En réalité, au lieu de posséder Cecilia et de me libérer d'elle, je ne réussirais qu'à lui assurer une autonomie définitive ; entourée d'un mystère désormais scellé par la mort, elle m'échapperait alors pour toujours, sans remède. Je desserrai l'étau de mes mains et dis à voix basse : - Pardonne-moi, un moment, tu m'as fait perdre la tête.
Commenter  J’apprécie          70
On peut tout prévoir, sauf le sentiment que pourra vous inspirer ce qu'on a prévu. Par exemple, il est possible de prévoir que de sous un rocher, un serpent va sortir d'un trou; mais il est difficile de prévoir la qualité et l'intensité de la peur que provoquera en nous la vue du reptile. J'avais mille fois imaginé la sortie de Cecilia de la maison de l'acteur, seule ou avec lui; mais je n'avais pas prévu les sentiments que j'éprouverais en la voyant sortir de cette porte, encadrée de marbre noir, la main dans la main de Luciani.
Commenter  J’apprécie          80
Le lendemain matin, en repensant à la visite manquée de Cécilia, je me convainquis, ou plutôt je cherchai à me convaincre que son absence avait été due à des motifs qui n'avaient rien à voir avec nos relations. Car si je désirais encore me défaire de Cécilia, la Cécilia dont je voulais me défaire était une Cécilia amoureuse de moi, ou que j'imaginais telle, et non une Cécilia qui ne m'aimait plus et manquait à nos rendez-vous. Et ceci, non par ce genre particulier d'amour que l'on appelle amour contrarié, lequel fait que nous aimons qui ne nous aime pas et n'aimons pas qui nous aime, mais parce que la Cécilia qui m'aimait s'était révélée ennuyeuse, c'est-à-dire irréelle, tandis que la Cécilia qui ne m'aimait pas acquérait de plus en plus à mes yeux (par le fait même qu'elle ne m'aimait pas) un semblant de réalité.
Commenter  J’apprécie          40

Videos de Alberto Moravia (17) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Alberto Moravia
15 mai 2023 Rencontre avec l'écrivain italien Alberto Moravia (1907-1990), auteur entre autres du roman «Le Mépris». Il est question des notions de curiosité et d'ennui dans sa vie; des débuts de sa carrière d'écrivain romancier; de la place à la morale et les valeurs sur lesquelles il se base pour réaliser son œuvre littéraire; de sa conviction athéiste; de son engagement dans la cause nucléaire dans le monde, etc. Source : Rencontres, 29 janvier 1985 Animatrice : Denise Bombardier
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature italienne, roumaine et rhéto-romane>Romans, contes, nouvelles (653)
autres livres classés : littérature italienneVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (980) Voir plus



Quiz Voir plus

Le Mépris

Pour quel film le producteur a-t-il besoin de l'aide du scénariste ?

Tristan et Ysoelt
L'Ôde Hissée
L'Odyssée
Antigone
Dom Juan

10 questions
21 lecteurs ont répondu
Thème : Le Mépris de Alberto MoraviaCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..