- Armand, sa passion, c'est les échecs? La mienne, c'est les réussites.
Il pense : Il y a ma vie qui est cérite et en-dessous un blanc, un grand blanc. C'est que je suis, au bas de la page, dans le blanc. dans un putain de blanc, et personne ne peut dire la date où j'en sortirai.
On dirait qu'il veut manger la nuit, l'avaler. Qu'il aspire le noir par la bouche et le recrache par tous les pores de sa peau, par le nez, par les yeux mouillés de pluie malgré la visière de sa casquette.
Commencer par couper la télé, fermer le robinet aux images pour leur ouvrir les yeux sur la réalité. Il y a en France aujourd'hui combien? huit, neuf millions de chômeurs … Et il ne se passe rien. Pourquoi? Parce qu'ils sont devant leur petit écran, les yeux écarquillés, hypnotisés, avec sous le crane une éponge qui leur sert juste à savoir si c'est chaud ou si c'est froid. Les politiques ne sont pas fous. Ils peuvent dépenser des fortunes pour la télé, c'est de l'argent bien placé. C'est l'argent de la paix sociale, le plus grand neuroleptique jamais mis en circulation. Ca vaut toutes les camisoles de force. Avant, c'était le curé qui disait: ne vous inquiétez pas, vous pouvez vous crever sur terre pour le roi ou le patron, ce n'est pas grave, au contraire c'est ce qui peut vous arriver de mieux. Aujourd'hui, même plus la peine d'aller au paradis: les roses et le miel sont sous vos yeux, chez vous. D'accord, vous n'avez pas le droit d'y toucher, d'y accéder - sauf quelques élus- mais vous avez le droit de le voir et rêver en être un jour ...
- Si nous nous souvenons des morts, glisse-t-il à son oreille, ils se souviennent de nous...
- Et si nous ne nous souvenons plus, ils oublient?
- Oui, ils oublient pour toujours. Là, ils sont vraiment morts.
Les réformes qu'on nous promet, c'est le grand bond en arrière. C'est revenir au début du XXe siècle. À un système de servage comme celui qui existe aujourd'hui dans les pays que nous avons pillés, spoliés et qui nous rendent la monnaie de la pièce en nous faisant crever parce que chez eux la misère est si grande qu'on peut faire travailler n'importe qui pour un euro la journée de quinze heures!
Les politiques vont ramasser les pots cassés et les emballer dans un joli papier de soie pour éviter de dire trop clairement à leurs électeurs que ce sont eux qui vont payer pour une faillite industrielle. Dans un cas comme le nôtre, il faut comprendre une chose : le contribuable, sans être l'employeur, joue le rôle du financier.
(...) tu ne comptes pour rien, t'es un « opérateur » de production comme ils disent, quelque chose entre l'animal de trait et la pièce mécanique (...)
- Je t'appelle "Lucky Luke", l'homme qui tire plus vite que son ombre !
- Et ça te fait marrer?
- En tout cas, ça ne me fait pas pleurer. Tu sais, je sais ce que c'est. Pour Maxime, Solange m'a fait le même coup...
Lorquin pose sa main sur l'épaule de Rudi :
- C'est ce qu'on appelle se faire faire un enfant dans le dos.
- T'as raison : Dallas l'a dans le ventre, c'est moi qui l'ai dans le dos...
Cette entreprise n'existe pas, dit Rudi. Vous avez lu le journal, c'est comme la blague des pantalons à une jambe qui ne sont pas faits pour être portés mais pour être vendus et revendus...