« Jamais plus, non, jamais plus Hiroshima. »
« Ce matin-là, c'était le 6 août 1945 – et déjà, il faut le dire, le monde revivait dans l'allégresse de la victoire, déjà la bête écrasée, mourante, expirait de Berlin à Tokyo – un jeune pilote […] survolait le Japon dans un avion de reconnaissance. Il était suivi par un bombardier, portant dans ses flancs une bombe d'un type nouveau, longue de 3 mètres, pesant 4 tonnes, et baptisée par l'armée américaine : Little Boy, petit garçon. Cette bombe, les survivants d'Hiroshima devaient l'appeler plus tard : pika-don, lumière et bruit. A 8h15, […] il donne au bombardier l'ordre de lâcher Little Boy. A 8h16, Hiroshima est effacé de la surface de la terre. [...]
Côté japonais : 78000 morts, 59425 blessés ou disparus, selon les estimations les plus sérieuses, en 60 secondes. […]
A Hiroshima, quinze ans après, la guerre continue, et dans ce qu'il y a de pire. La guerre atomique – c'est Édita Morris qui nous l'apprend – a créé là-bas une nouvelle espèce d'êtres humains : les hommes radioactifs. Ce sont les survivants d'Hiroshima, les 'seizonshas'. Apparemment, ils sont faits comme vous et moi : une tête, deux bras, deux jambes. A moins qu'ils n'aient sous leur kimono de larges chéloïdes, jamais cicatrisés, qui leur mangent les épaules et le dos. A moins qu'il ne leur manque les oreilles, par exemple, effacées par les radiations. […] A moins qu'ils ne soient subitement terrassés par un mal mystérieux qui leur fait gonfler les mains, boursoufler le visage, craqueler les lèvres et mourir sous les yeux de médecins impuissants.
Mais ce n'est pas cela le pire. le pire, c'est que les êtres radioactifs, les hommes et les femmes d'Hiroshima, ne savent pas, ne peuvent toujours pas savoir, quelle sorte d'animal humain, quelle sorte de monstre ils vont engendrer. […]
Édita Morris a voulu nous faire comprendre comment essayent encore de vivre Yuka et sa soeur Ohatsu, survivantes d'Hiroshima. »
Extrait de la préface signée
Maurice Pons
La préface, saisissante, m'a cueillie d'emblée. le roman d'Édita Morris, paru en 1961, est vibrant d'émotion porté par l'histoire fictionnelle de Yuka et sa soeur Ohatsu que j'ai lue avec d'autant plus d'intérêt qu'il pourrait s'agir d'une histoire vraie. Car on touche bien la Vérité dans cet ouvrage, on se (re)plonge dans
L Histoire, « l'histoire avec sa grande hache », expression que je me permets d'emprunter à un babelami tant je trouve qu'elle se prête à cette page de l'histoire mondiale.
Ce livre réveille la conscience et soulève des questions inquiétantes. « On en vient à se demander si Ohatsu, si Yuka, si Fumio, si tous les autres atomisés d'Hiroshima n'ont pas été les victimes, bien plus que d'une opération militaire affreusement inutile, d'une gigantesque et monstrueuse expérience scientifique, organisée et perpétrée dans un incroyable réflexe d'autodéfense à long terme. »
Même si ce court récit n'est pas contemporain, si son style est un peu daté, si la traduction est parfois approximative, j'ai trouvé cette lecture bouleversante.
Et utile. Car plus jamais ça...
« Jamais plus, non, jamais plus Hiroshima. »