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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Voler! Avec ses ailes de soie bleue, à l'ouverture du roman, le 18 février 1931, Mr Smith, agent d'une Mutuelle d'Assurance-vie, saute dans les airs du toit de l'hôpital. Et meurt. le lendemain, pour la première fois, un bébé noir naît dans ce même hôpital. le bébé, c'est Macon Mort, le héros du livre, qui à quatre ans prend à son tour conscience que seuls les oiseaux et les avions peuvent voler. de quoi perdre tout intérêt pour soi-même.
Heureusement, dans les chansons des enfants, dans les mythes afro-américains, c'est tout différent, les esclaves peuvent s'envoler vers l'Afrique pour échapper à leur condition. Mieux que des lingots d'or, non? de quoi nourrir la quête d'identité, la quête des origines du héros d'une bien belle façon.
J'aime la façon dont Toni Morrison sait mêler le réalisme social et la richesse symbolique, la violence et l'humour, elle nous peint « un putain de monde monstrueux » d'une façon merveilleuse, avec de belles touches de réalisme magique.
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Un roman puissant, dramatique, des vies de familles Noires aux États-Unis au cours du vingtième siècle, brossées par la Nobel de littérature 1993.

Ce sont les drames des familles éclatées par les bouleversements de l'histoire, tourmentées par les secrets et par les tragédies qu'on cache aux enfants, mais qui laissent quand même leurs empreintes sur les jeunes âmes.
C'est la difficulté de retrouver ses racines, de définir son identité et ses rapports avec les autres, à travers l'héritage des ancêtres esclaves affranchis ou des victimes de racisme.

C'est la pauvreté, c'est aussi le pouvoir de l'argent, mais qui est peut-être un pouvoir des Blancs, qui modifie l'appartenance à la communauté.
Ce sont des personnages forts, parfois teintés d'humour, mais pas vraiment sympathiques… des femmes, victimes de l'amour ou bravant le carcan social, des hommes résignés ou combatifs devant le destin.

Un grand roman, mais une atmosphère sombre, pas tout à fait une lecture de plage…

Un bémol, j'ai été un peu agacée par la traduction des noms des personnes. Même s'il s'agit d'un nom commun, j'aurais préféré qu'on ne change pas «Milkman» ou «Dead», comme on ne traduirait pas James Brown par Jacques Brun...
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Dans L'homme qui parlait aux serpents, un personnage vole ... Ici, il y en a d'autres qui volent. Est-ce une simple coïncidence où sont-ils nombreux à voler , ces personnages de fiction ? Dans le Chant de Salomon, on vole et on vole. On vole de l'or, ou on essaie, et on s'envole, ou on essaie.

Dès le début du roman, un homme se lance du haut d'un toit, et c'est ainsi que commence la vie de Macon Mort. C'est l'histoire de Macon Mort (x2), mais c'est aussi l'histoire de toute la famille, l'histoire de ceux qui vivent loin de chez eux. C'est aussi l'histoire de tous ceux qui gravitent autour de cette famille. Et c'est encore l'histoire du rêve américain.

Mais le rêve de Macon Mort, parce qu'il a déjà une maison, une voiture, etc, c'est désormais de pouvoir voler ...

Plus on avance, et plus on découvre différentes versions d'une même histoire, et plus on se rapproche de la vérité, et plus on se rend compte que la vérité émane d'une légende. Tout prend sens à la fin, après le road trip de Macon Mort traversant les Etats-Unis, grâce au chant des enfants et tout prend naissance et fin au Saut de Salomon*

*qui n'est pas sans rappeler le Saut du Guerrier à Maré (Nouvelle-Calédonie)
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"Il n'y a pas de Blancs innocents, parce que chacun d'eux est un tueur de nègre potentiel, et peut-être un vrai."
Laitier, est le fils de Macon et Ruth Mort, lui aussi s'appelle pour l'état-civil Macon Mort. Il a reçu en héritage le nom qui avait été fortuitement donné par le fonctionnaire à l'ancêtre ancien esclave : Papa n'avait pas vingt ans et il est allé signer, mais l'homme qui se trouvait derrière le bureau était saoul. Il a demandé à papa où il était né. Papa a répondu Macon. Puis il lui a demandé qui était son père. Papa a dit, « Il est mort. » Il lui a demandé qui était son propriétaire, papa a répondu « Je suis libre. » le Yankee a tout écrit mais pas au bon endroit. Il l'a fait naître à Dunfrie, sans savoir si ça existait, et dans l'espace pour le nom, cet imbécile a écrit « Mort » virgule « Macon ». Mais comme papa ne savait pas lire, il n'a jamais su comment il était inscrit avant que maman le lui dise."
Quel manque de considération  !
Les prénoms sont depuis, donnés en ouvrant un page au hasard dans  la Bible.... ainsi dans la famille, il y a Magdalene , Corinthiens Un,  Pilate, la tante.
Macon Mort  est une exception, au sein de la communauté  noire. Il est l'un des rares a avoir réussi. Propriétaire de plusieurs logements, il les loue à d'autres noirs, moins bien lotis que lui.....Son père lui a transmis le nom qu'on lui avait attribué lors de l'abolition de l'esclavage...
Et depuis toute la famille traine ce nom...ce qui ne rend pas toujours cette lecture aisée..on ne sait pas toujours immédiatement à quel Macon ou à quelle génération nous avons affaire.
Laitier, quant à lui tient son surnom de son goût pour la tétée...il a longtemps tété sa mère.Un projet hante ses rêves : celui de trouver les lingots d'or, un trésor familial qui serait caché dans le sud du pays, où il se rendra.
Sa quête va lui permettre en réalité de découvrir les origines de sa famille, de reconstituer une partie de  l'arbre généalogique familial, de se confronter à  une autre réalité de son pays.
Une quête que tant de Noirs aimeraient entreprendre...cette quête du passé, de la connaissance de ses origines familiales, de son arbre généalogique ....des arbres sans racine faits seulement de quelques branches.
Cette ascendance en grande partie méconnue et tronquée, a quand permis de constituer une ébauche d'arbre qui porte de beaux fruits, et qui ne demande qu'à s'enraciner dans cette terre qui le rejette.
Une lecture exigeante et pas toujours facile, au cours de laquelle, le lecteur est parfois perdu... un beau message d'espoir
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J'ai pensé à ma fille, âgée de deux ans, lorsqu'en terminant Un don de Toni Morrison, j'ai eu immédiatement envie de poursuivre mon chemin dans les pas de l'autrice américaine.
Mon aînée a en effet cette faculté incroyable, lorsque nous terminons ensemble la lecture d'un album de T'choupi – c'est sa marotte par les temps qui courent –, de demander à ce que l'on en lise un autre, puis un autre et encore un, à peine le livre refermé.
Comme s'il ne fallait pas rompre l'enchantement,
comme s'il était vital de continuer à chevaucher l'air soulevé par ses mots.


Ainsi, en refermant Un don la semaine passée, j'ai ressenti comme un besoin irrépressible de m'emparer d'un autre roman de Toni Morrison.
Il me fallait goûter son verbe une fois encore, m'enivrer du suc de ses phrases, me perdre dans les méandres de son intelligence.
J'avais déjà lu L'oeil le plus bleu, Beloved, Love et Un don, et c'est tout naturellement que j'ai attrapé dans ma bibliothèque mon vieil exemplaire acheté d'occasion il y a plusieurs années du Chant de Salomon.


Je dois avouer que, plus que tous les autres livres de Toni Morrison, ce roman a franchement déstabilisé la lectrice que je suis. Et si je commence à « connaître » la langue de l'autrice, son phrasé si plein d'hier et d'aujourd'hui, d'ici et d'ailleurs, les thèmes qui lui sont chers et dont elle fait Littérature avec une maestria qui n'est pas à démontrer, je reconnais avoir eu quelques difficultés à entrer dans cette odyssée exceptionnelle. Pas que je ne comprenais pas ce qui se tramait sous mes yeux, mais parce que j'avais le sentiment de passer à côté de quelque chose. Comme si mon regard refusait de voir ce que j'avais pourtant sous le nez.
Mais je me suis accrochée. Parce qu'on ne démissionne pas d'un Toni Morrison si facilement d'abord et surtout qu'à chaque fois que j'hésitais franchement à refermer le livre pour ne le rouvrir que dans quelques années, une phrase, un paragraphe, une page, m'alpaguait et m'incitait à y revenir.


Et grand bien m'en a fait ! Car si le Chant de Salomon n'a rien de facile, d'accessible et de tout cuit dans le bec, il est construit sur un déferlement de rages et de grandeurs.
Il y est question de vie et de mort bien sûr,
d'amour (sous toutes ses formes, les plus destructrices notamment, les plus dévoyées) et de haine,
et du fatalisme du nom que l'on porte, souvent malgré soi, lorsque l'on a été coupé de ses racines.


À l'individualisme bourgeois s'oppose l'idéal du peuple noir, de la communauté rêvée, du féminin ancré dans les traditions,
à la grandeur du baptême répond le vide (ou le trop-plein) laissé par l'illettrisme, le non-choix, la soumission,
et face au manichéisme s'élève la complexité et le temps long.


C'est un texte exceptionnel que voilà,
si riche qu'une seule lecture ne pourrait le contenir à elle seule,
permettre d'en prendre la vraie mesure,
plus lourde de multiples sens qu'aucun autre texte de Toni Morrison.
Chaque personnage est une énigme en soi, chaque prénom une histoire emmêlée de drames, chaque péripétie un évènement à part entière, résonnant avec la précédente de la plus admirable des manières.
Un récit à mettre dans des mains prêtes à réfléchir quelque peu et se laisser porter
beaucoup.


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Le chant de Salomon c'est l'histoire d'une famille noire américaine plutôt aisée mais pleine de secrets et de ressentiments. Macon, le jeune garçon du foyer, plongé dans cette atmosphère étouffante, essaiera de trouver sa place dans le monde. Pour cela, il partira pour un voyage qui le mènera bien plus loin qu'il ne l'aurait imaginé au départ. Une superbe histoire peuplée de personnages forts.
Outre le fait que Toni Morrison dépeint merveilleusement bien et sans concessions la condition des Afro-Américains, cette grande dame de la littérature est une experte qui sonde l'âme humaine avec une acuité qui force mon admiration. Elle excelle dans la description des sentiments, des blessures et des failles de ses héros en y ajoutant une petite dose de magie et de rêve qui décuple la force de ses récits. C'est pour cette raison que je la classe parmi mes auteurs préférés.
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Si j'avais aimé "Home", ma première lecture de cette auteur, je trouve que ce roman rend encore plus justice et honneur au formidable style de Toni Morrsion.
Elle narre ici la quête de Macon Mort, un jeune homme noir américain quelque peu indolent dans son style de vie, qui sous couvert de chercher des lingots d'or trouvera dans le Sud la vérité sur ses origines.
Macon Mort n'est pas un personnage forcément attachant et sympathique, s'il arrive à l'être par moment il ne s'attire jamais vraiment l'empathie du lecteur, en tout cas il n'a pas eu la mienne mais ce n'est pas pour autant que je n'ai pas suivi avec beaucoup de curiosité et d'intérêt son histoire, portée que j'étais par le style narratif et les sublimes images données par les mots de Toni Morrison.
Il se laisse quelque peu porté par la vie, il n'écoute pas les autres personnes de son entourage, qu'il s'agisse de sa famille ou de ses amis : "Tu n'écoutes pas ce que disent les gens. Tu as des oreilles sur la tête mais elles ne sont pas reliées à ton cerveau.", il fait du mal autour de lui, il est égoïste et quand même on le lui dit ce n'est pas pour autant qu'il change sa ligne de vie : "Tu es un type pitoyable, triste, imbécile, égoïste, détestable. J'espère que ton petit boyau de cochon t'est d'un grand secours et que tu en prends bien soin, parce que tu n'as rien d'autre.".
La construction de l'histoire par Toni Morrison peut apparaître quelque peu décousue, elle reste au final complètement cohérente et même si cela m'a quelque peu déstabilisée la première fois par la suite je n'y ai même plus prêté attention.
Ce roman est à rapprocher du Cantique des Cantiques également appelé Cantique de Salomon.
Tout comme ce texte biblique, il s'attache à raconter une histoire d'amour : entre un homme et un femme, ici entre Agar et Macon, une histoire malheureuse qui finira dans le drame; mais également par une mise en abîme de Toni Morrison au peuple noir, à qui elle rend hommage à travers son récit.
Il y a de la souffrance, elle se ressent dans les mots et le style lyrique de l'auteur comme l'illustre si joliment cette phrase donnant vie à la douleur et à la folie d'Agar : "Une violence calculée de requin monta en elle, et comme toute sorcière qui enfourche son balai et traverse la nuit pour se rendre à une cérémonie d'infanticide, frémissant autant à cause du vers noir qu'à cause du manche à balai entre ses jambes; comme toute jeune mariée qui n'en peut plus et qui s'inquiète de la consistance de la bouillie de maïs qu'elle lance à son mari ainsi que de la force de la lessive qu'elle y a mêlée; et comme chaque reine et chaque courtisane qui est frappée par la beauté de sa bague d'émeraude à l'instant où elle en verse le poison dans le vin rouge, Agar était stimulée par les détails de sa mission."; mais il y a aussi de l'espoir.
Le caractère lyrique de ce récit renforce également son rapprochement avec le Cantique des Cantiques, suite de poèmes et de chants d'amour : le style s'apparente en effet à un très long chant, plaintif et lumineux, à l'image du Gospel.
Il a également un mélange bienvenu des genres entre le réel et le fantastique : certaines scènes voire certains personnages tiennent plus du mystique et du surnaturel que du réel, cela n'est pas sans rappeler le ton donné aux légendes et à leur transmission orale.
Au final, la somme de tout cela se résume en un énorme cri d'amour qui résonne encore longtemps après avoir refermé le livre.

Toni Morrison signe avec "Le chant de Salomon" une grande fresque historique sur le peuple noir qui pourrait rebuter le lecteur vu la grosseur du texte et qui au final le prend, l'emmène, le captive et ne le lâche qu'à la fin, encore sonné par le texte qui vient de vivre sous ses yeux.
Une grande oeuvre à découvrir.
Lien : http://lemondedemissg.blogsp..
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Le chant de Salomon Song of Solomon
Toni Morrison 1977
roman
Christian Bourgois éditeur
traduit de l'anglais par Jean Guiloineau 1996
473p


Dès le tout début, on sent que c'est un livre puissant ; l'écriture a de la force. Spécialiste ni de l'anglais ni de la littérature orale noire, je n'entends pas que le rythme de la prose morrisienne suit les cadences de cette littérature orale ; j'ai repéré « Magdalene qu'on appelait Lena » qui revient comme un refrain. C'est une saga, en deux parties, mieux, une épopée, encore mieux une épopée à l'envers, un aller simple vers les origines : on suit la vie d'un métis Noir, de Macon Mort, petit-fils de Macon Mort, fils de Macon Mort, qu'on décrit d'emblée comme spécial, dit Laitier parce que sa mère le faisait encore téter quand il avait trois ans, peut-être par frustration sexuelle. le sexe, et l'amour, même s'ils ne sont pas souvent liés, sont importants dans l'histoire. le nom que Laitier porte n'est pas le sien, pas plus qu'il n'est le nom de son père ni de son grand-père ; c'est le nom d'un Blanc propriétaire d'esclaves et l'on joue souvent sur sa signification. Beaucoup de gens veulent la mort de Macon, et jusqu'à son père avant même sa naissance. Il est sauvé par Pilate, la soeur de son père, dont le nom a été trouvé dans la Bible par son père à elle, et il en aimait les sonorités, le seul mot qu'il ait jamais écrit ; Pilate mettra ce nom dans une petite boîte en cuivre qu'elle transformera en boucle d'oreille et qu'elle portera tout le temps ; elle-même est sortie seule du ventre de sa mère morte, ce qui explique qu'elle n'ait pas de nombril.
Tout oppose Pilate et son frère qui ne pense qu'à faire de l'argent ; il achète et hypothèque des maisons ; « Un nègre dans les affaires, c'est une chose terrible à voir » ; il se fera bâtir une maison sur la plage où vivent les Noirs fortunés. Il a épousé la fille, âgée de 16 ans, du docteur, un métis, qui sortait du rang de par son métier et son argent. le père de Pilate et de Macon, qui Africain, se conduisait aussi comme un Africain. Il fermait son visage comme une porte, complètement ignare, avait défriché des bois pour en faire des terres fertiles en Pennsylvanie et s'était fait une immense propriété ; il cultivait aussi des pêchers. Il a été tué impunément par un Blanc qui s'est emparé de sa terre, un Blanc qui possédait un chien. Les Blancs aiment vraiment leurs chiens. Ils tuent un nègre et ils se peignent en même temps. Mais j'ai vu des Blancs, des hommes, pleurer sur leurs chiens. » Dans l'état de Michigan où ils se trouvent, le frère et la soeur n'habitent pas les mêmes quartiers. La soeur demeure dans les quartiers pauvres pour vrais Noirs, pas comme son frère qui a fait siennes les valeurs bourgeoises des Blancs. Cependant le frère regrette la musique noire qu'il peut entendre chez sa soeur, tenancière d'une buvette. Elle ne se soucie nullement des apparences ; elle vit libre. Elle vit avec sa fille et sa petite-fille, qui initiera Laitier à l'amour et qui l'aimera à la folie, sans qu'il reste une place pour elle-même. L'ami de Laitier, Guitare, essaiera en vain de lui faire comprendre que l'amour n'est ni dépendance ni aliénation. Dès que Laitier, à 12 ans, aura mis le pied chez sa tante Pilate, il se sentira chez lui. Pilate lui conte son enfance et sa jeunesse.
Au début du roman, on est en Caroline du Nord, en 1931. Laitier a 7 ans. le narrateur est extérieur. Mais on fait un saut de de sept ans en arrière et il est question d'un homme qui vole comme un oiseau. Laitier est sur le point de naître. L'histoire est racontée dans une profusion de faits, quand les personnages nous sont encore inconnus. Parmi ces personnages, une grand-mère et son petit-fils aux yeux de chat. C'est Guitare. L'homme qui vole est-il une victime d'un groupe nommé les Jours qui se sont donné pour mission de tuer un Blanc pour chaque Noir tué ? Guitare fera partie de ce groupe. Par amour des Noirs ? Ou par impuissance qui trouve un exutoire ?
Laitier voudrait quitter la vie qu'il mène, n'être responsable de rien de ce qui arrive à sa mère, à ses soeurs cloîtrées dans la maison et tenues dans l'ignorance, voire à son père, mais c'est lui qui dénoncera à son père l'amour qu'une de ses soeurs, partie travailler et sortie enfin de la maison à 40 ans passés, éprouve pour un Noir qui fait partie du groupe. Son autre soeur, indignée par cette dénonciation, lui dit qu'il ne pissera plus jamais sur elle comme il a pissé sur ses plantes, et qu'il ne régentera pas la vie de ses soeurs. En effet, qu'a-t-il sinon ce petit boyau de cochon qui ne vaut rien ? Les scènes avec les soeurs, pourtant personnages très secondaires, sont éblouissantes. Laitier finit par croire en reliant les bribes d'histoires qu'il collecte sur sa famille que le sac que détient Pilate contient de l'or. Il projette avec Guitare de le lui voler. Cet or lui permettra de partir et Guitare pourra financer son groupe. le sac ne contient pas d'or mais des ossements. Voilà Laitier parti à la recherche de l'or, en fait à la quête de ses origines dans le Sud profond, en Virginie, où sont restés les Noirs, qui s'appellent presque tous Salomon ou Shalimar, prononcez Shalimone, et résidant dans cette ville justement de Shalimar. Ces derniers le regardent autrement, lui, le riche qui s'achète une voiture comme rien. Quelques hommes l'emmèneront à la chasse, et il comprendra qu'ils détiennent une autre connaissance, une capacité à distinguer les choses dont la vie elle-même dépend, la communication avec la nature comme dans les temps qui précédaient le langage, quand un homme s'asseyait à côté d'un singe pour avoir une conversation. Il rencontrera Circé ou son fantôme, la sage-femme qui accoucha sa grand-mère, celle-ci étant fille d'une Indienne, dans la maison en ruines qui abrita son père et sa soeur. Il entendra une chanson d'enfants, dont il mettra au jour les vraies paroles racontant l'histoire de sa famille. Cependant Guitare le cherche, pensant qu'il l'a doublé dans l'affaire du trésor. Mais n'est-il pas Salomon, l'homme-volant ?
C'est un livre dense. Les personnages, principaux comme secondaires, ont de l'épaisseur ; on a l'impression de les voir en vrai. le lecteur est à la fois dans la réalité sociale et dans le merveilleux des contes et des légendes, dans le chariot de l'affranchissement cahotant vers le Nord où la réussite d'un Noir ne fait pas oublier qu'il est avant tout un Noir. Morrison fait (re)vivre tout un passé afro-américain, avec un Salomon qui ne doit rien à celui de la Bible ; cependant on rencontre avec surprise et bonheur Hans et Gretel perdus dans la forêt quand Laitier en sort pour trouver une des clefs de son passé. le personnage de Laitier, égoïste qui veut être aimé, plutôt indifférent à ce qui lui arrive, s'allège de son héritage et devient apte à voler, et à aimer ?

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« le chant de Salomon » de Toni Morrison, où de son surnom « Laitier » parce que sevré sur le tard, Macon se veut grégaire mais détaché, une jeunesse cabossée pour ne pas dire déchirée, l'endurcissant à la dure réalité de la lie, la vie. Faisant au gré du temps du vent son p'tit bonheur de chemin, c'est à travers ses rencontres, parfois fortuites, ses amitiés, parfois nébuleuses, que se tisse une toile qui prend vie, qui se teinte de mille couleurs, qui retrace ses origines jusqu'à l'époque funeste de la ségrégation, sinon plus loin, enchaînées à un passé maudit. En quête d'or, Macon met bel et bien la main sur une pépite, peut-être pas nécessairement celle que l'on pense, l'on s'imagine !
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La singulière destinée du héros du présent roman, continuellement manipulé et ballotté par les événements apparaît un peu comme une allégorie de l'histoire du peuple noir américain. À commencer par le sobriquet dont tout le monde, sauf sa famille, l'affuble, Macon "Laitier" Mort, souvenir d'un jour où il fut surpris suspendu au téton de sa maman en flagrant délit d'allaitement tardif; son patronyme, quant à lui, est le fruit d'une méprise originelle d'un yankee alcoolisé pas trop tatillon sur les formalités administratives. Son père est un petit tyran domestique, qui a fait son chemin en collectant les loyers de ses différentes propriétés foncières, terrorisant une mère effacée, bizarre, ayant eu un attachement aux manifestations pour le moins équivoques envers un père médecin. Il est affligée de deux soeurs, usant leur jeunesse à confectionner des roses en velours, et qui semblent destinées à mourir vieilles filles. N'oublions pas une grand tante fort originale de nature, au mental comme au physique (elle ne possède pas de nombril!), bouilleuse de cru durant la prohibition, grand-mère d'une Agar qu'il fréquente et qui tentera maintes fois de l'assassiner lorsqu'il se lassera d'elle, avant de finalement mourir sans avoir retrouvé ses esprits. Une chasse hypothétique aux lingots d'or abandonnés par son père sera l'occasion pour Laitier d'un retour aux racines de ses ancêtres et aux sources de son identité.
L'intrigue, balançant entre réalisme et légendes mystiques est bien menée, sans linéarité narrative, le tout en restant clair et aisé à suivre. le ton, pas dépourvu d'humour pour un roman ayant pour trame la condition des noirs en Amérique au fil du XXème siècle est plaisant et ne sombre jamais dans le pathétique de la victimisation.
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