Pitchipoï revenait souvent dans la conversation. On était toujours un peu en partance pour Pitchipoï.
Ils nous parlaient de choses et d'autres, mais il y avait dans leurs regards, ou dans l'air, quelque chose d'indéfinissable qui m'inquiétait.
Les scellés furent apposés, interdisant toute entrée, et la maison sombra dans la nuit et le silence des lieux désertés par la vie.
Les semaines qui suivirent ne furent jamais plus comme avant. Nous vivions désormais encore plus proches les uns des autres, mais avec une sensation d'absence et de solitude permanente.
La Terre devenait sable mouvant.
… quand nous vivions des moments qu'elle considérait comme particulièrement agréables, elle se disait : « Il faut surtout que je ne les oublie pas, pour avoir de bons souvenirs quand nous retournerons au camp. » Mais la nuit, elle continuait à faire de terribles cauchemars …
Il fallait à la fois essayer d'oublier et réapprendre, mais l'ambiguïté de la situation ne s'estompa que lentement, mêlée à celle, angoissante, de l'attente.
« Les sanglots longs
Des violons
De l'automne
Blessent mon cœur
D'une langueur
Monotone »
D'autre scènes se sont ainsi gravées dans ma mémoire, inaltérées malgré le temps.
Nous n'habitions pas vraiment cette petite maison, mais nous la hantions comme des fantômes.
Le petit enfant calme et poli que j'étais avait disparu dans le camp, par la force des choses, pour être remplacé par ce nouveau petit garçon qui n'en n'était plus vraiment un.