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Citations sur Inyenzi ou les Cafards (27)

Toutes les nuits, mon sommeil est traversé du même cauchemar. On me poursuit, j'entends comme un vrombissement qui monte vers moi, une rumeur de plus en plus menaçante. Je ne me retourne pas. Ce n'est pas la peine. Je sais qui me poursuit... Je sais qu'ils ont des machettes. Je ne sais comment, sans me retourner, je sais qu'ils ont des machettes...Parfois aussi, il y a mes camarades de classe. J'entends leurs cris quand elles tombent. Quand elles...A présent, je suis seule à courir, je sais que je vais tomber, qu'on va me piétiner, je ne veux pas sentir le froid de la lame sur mon coup, je...
Je me réveille. Je suis en France. La maison est silencieuse. Mes enfants dorment dans leur chambre.
(incipit)
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Ailleurs, dans beaucoup d'églises, les tueurs ont brisé les statues de la Vierge. On lui avait donné, estimaient-ils, le visage d'une Tutsi. Ils ne supportaient pas son petit nez trop droit.
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On s’est installé dans une maison abandonnée, celle de Mbayiha, un homme jeune et vigoureux qui avait réussi à défricher une grande parcelle. Mon père déclara qu’elle conviendrait pour la famille. Il planta son bâton. À Gitagata. C’est là qu’il a passé tout le reste de sa vie. C’est là qu’on l’a tué avec ma mère. Maintenant, il n’y a plus rien. Les tueurs se sont acharnés sur la maison jusqu’à en effacer la moindre trace. La brousse a tout recouvert. C’est comme si nous n’avions jamais existé. Et cependant, ma famille a vécu là. Dans l’humiliation, la peur de chaque jour, dans l’attente de ce qui allait survenir et que nous ne savions pas nommer : le génocide. Et je suis la seule à en détenir la mémoire. C’est pour cela que j’écris ces lignes.

[…]


Ma mère cultivait avec soin, il faudrait dire avec piété, les plantes anciennes. […] Elle passait parfois un après-midi entier sur la petite parcelle réservée aux plantes en voie de disparition. C’était pour elle comme les survivants d’un temps plus heureux auprès desquels, semblait-il, elle puisait une énergie nouvelle. Elle les cultivait non pas pour la consommation quotidienne mais en témoignage de ce qui était menacé de disparaître et qui, effectivement, dans le cataclysme du génocide a disparu.

[…]

Les Tutsis du Nyamata attendaient l’holocauste. Comment auraient-ils pu y échapper ? […] Une satisfaction morbide me traversa l’esprit : à Nyamata, depuis si longtemps, nous savions ! Mais comment aurais-je pu imaginer l’horreur absolue dans laquelle allait être plongé le Rwanda : un peuple tout entier se livrant aux pires des crimes sur les vieillards, les femmes, les enfants, les bébés, avec une cruauté, une férocité si inhumaines qu’elles laissent aujourd’hui les assassins sans remords.
Je n’étais pas parmi les miens quand on les découpait à la machette. Comment ai-je pu continuer à vivre pendant les jours de leur mort ? Survivre ! C’était, il est vrai, la mission que nous avaient confié les parents à André et à moi. Nous devions survivre et je savais à présent ce que signifiait la douleur de survivre. […] J’avais en charge la mémoire de tous ces morts : ils m’accompagneraient jusqu’à ma propre mort.
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Même s'il passe ses journées ailleurs, Dieu revient chaque nuit au Rwanda dit le proverbe. Le moins qu'on puisse dire, c'est que visiblement, dans la nuit du 6 avril 1994, Dieu n'était pas au Rwanda.
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Nos nouveaux persécuteurs ne tardèrent pas à se faire connaître: la jeunesse révolutionnaire du parti unique, le MDR-Parmehutu. En fait, c'étaient des voyous qu'on avait ramassés dans les rues de Kigali et qu'on formait à la violence et au meurtre. C'étaient de bons élèves et ils assimilèrent vite l'unique leçon qui leur était dispensée: humilier et terroriser une population sans défense.
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Qui aurait le mauvais goût de parler encore des "événements malheureux", comme disent ceux qui nient avoir participé au génocide et refusent de prononcer le mot? Pardonnons-nous les uns les autres, et continuons comme si de rien n'était.
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Oui, nous étions prêts à accepter la mort, mais pas celle qui nous a été donnée. Nous étions des Inyenzi, il n’y avait qu’à nous écraser comme des cafards, d’un coup. Mais on a pris plaisir à notre agonie. On l’a prolongée par d’insoutenables supplices, pour le plaisir. On a pris plaisir à découper vivantes les victimes, à éventrer les femmes, à arracher le fœtus. Et ce plaisir, il m’est impossible de le pardonner, il est toujours devant moi comme un ricanement immonde.
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Le bâton du maître ne connaissait aucune excuse !
Il y avait pourtant une excuse qui était admise aussi bien par l’instituteur que par les parents : la rencontre des éléphants. […]
Les éléphants n’étaient pourtant pas le plus grand danger que les écoliers pouvaient rencontrer sur la route de Nyamata. Il y avait aussi la cruauté des hommes… Mais de cela je parlerai plus tard.

[…]

Je rêvais parfois l’impossible : avoir un livre pour moi toute seule.

[…]

Hélas ! Le rivage du lac, qui était comme le jardin de nos jeux innocents, devint bientôt le lieu de tous les cauchemars.

[…]

Les militaires exigeaient que, dans chaque maison, soit accroché le portrait du président Kayibanda. Les missionnaires veillèrent à ce que soit placée à ses côtés l’image de Marie. Nous vivions sous les portraits jumeaux du président qui nous avait voués à l’extermination et de Marie qui nous attendait au ciel.
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Les assassins ont voulu effacer jusqu'à leur mémoire mais, dans le cahier d'écolier qui ne me quitte plus, je consigne leurs noms et je n'ai pour les miens et tous ceux qui sont tombés à Nyamata que ce tombeau de papier.
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Le 1er juillet 1962, le Rwanda devint officiellement indépendant. Avec l'aide des Belges et de l'église catholique, le MDR-Parmehutu pouvait établir ce qu'un rapport de l'ONU désignait dès mars 1961 comme la "dictature raciale d'un seul parti". Des milliers de Tutsi avaient été massacrés, plus de 150 000 avaient fui dans les pays avoisinants, ceux qui restaient au Rwanda allaient être réduits à l'état de parias.
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