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EAN : 9782070149810
176 pages
Gallimard (07/01/2016)
3.36/5   51 notes
Résumé :
Les tambours ont-ils un cœur? Sans doute si ce sont les tambours sacrés du Rwanda. Et Nyabingi, l’Esprit redoutable de la mystérieuse reine Kitami, peut-il s’emparer d’une petite fille? Évidemment, si son penchant irrésistible pour la solitude et la rêverie la conduit trop souvent sur les rives du marais où la guette une vieille sorcière.
Et c’est ainsi que Prisca, la petite villageoise d’une colline du Rwanda, devient Kitami, la vedette qui, par ses improvis... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
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Ca débute par ce drame : la sulfureuse et magnétique Kitami, chanteuse au succès planétaire a été retrouvée morte sans qu'on sache s'il s'agit d'un accident, d'un suicide ou d'un meurtre. Originaire d'Afrique, la jeune diva avait pour habitude de se produire entourée de choristes, d'une contrebasse et, surtout, de trois tambourinaires jouant d'instruments d'origines variées. Emportée par un chant qui la mettait en transe, Kitami envoutait le public, diffusait des paroles à la portée incantatoires. Un véritable phénomène de scène. Une reine. Mais voilà, dans des conditions obscures, Kitami n'est plus. Ce point de départ est l'occasion de présenter (longuement) les autres membres de son groupe, ses suivantes et certains des mystères qui entouraient son chant.

Une deuxième partie vient donner la parole à Prisca, jeune fille tutsi d'un petit village du Rwanda dont on suit l'éducation entre les bons Pères blancs et une initiation par une mystérieuse sorcière. Assez vite, on comprend que Prisca deviendra Kitami et que c'est à sa genèse, qui contient peut-être les raisons de sa mort brutale, que l'on assiste.

La troisième et très courte dernière partie recense, dans style journalistique, les rumeurs et hypothèses qui entourent le mystère de cette mort.

L'univers des boîtes de jazz dans les années 60, le syncrétisme des rastas, l'Ethiopie, coeur de l'Afrique, la légende de Nyabingi, quel beau programme c'était ! Tout aurait dû me plaire dans ce roman. Un style délié et élégant, l'histoire du Rwanda au moment de la colonisation, le rôle de la seconde guerre mondiale dans les déchirements qui le traverseront, la grandeur des mystères animistes, l'influence de l'Eglise sur l'éducation occidentale des populations africaines, la fonction sacrée de la musique, de la transe, la place d'une femme dans cette configuration, oui vraiment il y avait tout pour me plaire.

Et ça n'a pas pris. Je crois que cela tient à la composition. C'est la première fois que j'ai eu envie de découper un livre en petits morceaux et de proposer un autre agencement. Adopter un autre point de vue, une autre chronologie ? Orienter autrement le propos ? Reprendre tout ! J'ai eu l'impression d'avoir sous les yeux une somme d'excellentes idées, très bien écrites mais dont le rythme, à mes oreilles tout du moins, ne sonnait pas, dont le souffle n'enflait pas, ne me transportait pas. Ce qui, pour un roman sur un tambour, est tout de même fort dommage.


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Écoutez les tambours du Rwanda, ils font battre le coeur de l'Afrique...

Construisant son livre en deux parties, Scholastique Mukasonga nous invite au voyage entre les Caraïbes, l'Ethiopie, New York et le Rwanda, avec un conte pour une reine sorcière, une mélopée aux sons des frappes des tambourinaires.

Un journaliste se penche sur la mort de Kitami, chanteuse africaine, mystérieusement écrasée par un énorme tambour sacré, retraçant ainsi la carrière d'un groupe de musiciens batteurs de tambours, issus des mouvances rastas ou des îles des Caraïbes. Voyageant aux sources de leur musique vers un pays où la colonisation a interdit les tambours, symbole de luttes d'insoumission et de guérillas, le groupe trouve son âme dans le chant envoûtant d'une jeune Tutsi, prête à toute pour fuir un pays où son statut de minorité ethnique la destine au mariage forcé avec dignitaire Hutu.

L'auteur, survivante du génocide de 1994, revient encore une fois à ses racines rwandaises, pour nous parler de colonisation, de christianisation, d'exil et d'attachement viscéral à un pays en gestation de la future guerre civile. le tambour qui bat sous les frappes répétés parle d'envoûtement, de croyances archaïques. La belle Kitami est le miroir déformé de Scholastique, enfant de la tradition et de la modernité. Ses musiciens composent l'identité des exilés africains, partageant un socle culturel commun, complété d'influences musicales multiples: jamaïcaine, guadeloupéenne, ougandaise...

Une belle lecture si on accepte de se faire envoûter par des légendes et les croyances populaires africaines. Je reste souvent en dehors de cette thématique, mais la plume de Scholastique Mukasonga est puissante, entraînante et chargée des douleurs du pays aux mille collines.

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Les instruments à percussion existent depuis le début de l'histoire de l'humanité ; à ce titre, le tambour est un instrument de musique présent dans la plupart des cultures où il a un caractère officiel, cérémonial, sacré ou symbolique. Au Rwanda, pays d'origine de Scholastique Mukasonga, comme dans toute l'Afrique, la musique des percussions rythme l'oralité des traditions et accompagne, comme les chants et les danses, toute la vie de la population, vie quotidienne et vie publique.
La colonisation et le génocide n'ont pas pu faire taire les tambours et leurs tambourinaires rwandais. Dans son dernier roman, Scholastique Mukasonga se fait la porte parole de l'identité rwandaise par le biais du tambour et de ses percussions envoutantes et en mettant en scène les divinités féminines ancestrales autour d'un portrait de femme.

Le premier récit est écrit comme un documentaire ; cela pourrait être le compte rendu d'un chercheur, le reportage d'un journaliste, un essai sur les cultures musicales noires ou encore la biographie d'une artiste… quelque chose comme cela, un peu tout cela en fait. À l'occasion de l'anniversaire de sa mort, survenue dans d'étranges circonstances, nous suivons l'itinéraire et la carrière internationale d'une chanteuse rwandaise qui se faisait appeler Kitami. J'ai personnellement eu un peu de mal à adhérer à l'écriture distanciée, laborieuse d'un narrateur dont on ressent l'effort, la recherche et le travail de synthèse et qui manque donc d'invention, de spontanéité et de cette simplicité efficace que j'apprécie tant chez cette auteure.
Je retrouve mieux Scholastique Mukasonga dans le second récit, à la première personne, parce que je connais mieux cet univers déjà exploré dans mes précédentes lectures de Inyenzi ou les cafards et de Notre Dame du Nil. La narratrice, Prisca, raconte sa vie de petite fille, puis d'adolescente ; son parcours ressemble à celui de Scolastique Mukasonga de l'école primaire à l'examen national qui ouvre l'accès aux études secondaires et certaines anecdotes de la vie familiales sont très proches de celles que l'auteure nous a déjà racontées dans son autobiographie. Un avertissement de l'éditeur, au tout début du livre, annonçait cette autobiographie fictionnelle, topos littéraire du récit mystérieusement arrivé entre les mains d'un narrateur qui n'a d'autre choix que de le publier
La très courte troisième partie, en forme d'épilogue, se veut conclusion ouverte à toutes les interprétations possibles.

Que voilà un étrange roman ! Que voilà une écriture polyphonique pour plusieurs dimensions et niveaux de lecture… Ce que je vais livrer ici n'est que ma propre interprétation.
La carrière de la chanteuse Kitami se déroule loin de son pays d'origine, qu'elle a quitté pour se joindre à un groupe de musiciens venus récupérer un tambour ancestral au Rwanda. Son parcours musical est une métaphorisation de l'altérité de la négritude de l'Afrique à l'Amérique en passant par les Caraïbes. C'est une vision extérieure, un vision étrangère d'une culture que nous ne connaissons, pour la plupart d'entre nous, que d'après une littérature exotique faite de musique obsédante, d'amazones guerrières, de reines oubliées de pays légendaires, de vaudou et de tambours magiques… C'est aussi un rappel de la colonisation et de ses dérapages et de la guerre civile.
La vie est le destin de Prisca nous ramènent au Rwanda, lieu mythique et fondateur, voué au génocide : Prisca, devenue Kitami, incarne l'Afrique ancestrale et ses divinités féminines, dont la fameuse Nyabingui. Prisca devient passeuse de mémoire et de culture. Son chant incantatoire se fait épopée renversée car si elle va au bout de sa transe, elle va annoncer l'indicible : sa mort n'est qu'une tentative désespérée de taire cette prophétie pour empêcher qu'elle se réalise.

Encore une fois, on ne sort pas indemne d'un roman de Scholastique Mukasonga. Coeur Tambour mérite une lecture assidue, ouverte et quelques retours sans doute pour tout s'approprier.
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Scholastique Mukasonga nous parle ici du Rwanda, son pays d'origine o à travers la musique des percussions
Des instruments qui rythment les coutumes et les traditions d'un pays ravagé par le génocide et les souffrances de tout un peuple
Ce roman, composé de deux parties bien distinctes, l'une plus documentaire et 'lautre très romancé, nous plonge dans cette culture africaine où les traditions, la magie , les légendes et les mystères sont légions
Le récit est parfois un peu difficile à suivre lorsqu'on n'a pas une connaissance accrue de cette musique là, mais l'auteur conserve un style assez simple qui rend la lecture accessible et auréolé de cet envoutement inhérént à l'Afrique.. un beau voyage littéraire et musical forcément dépaysant..
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Plongez au coeur du Rwanda avec Scholastique Mukasonga...

L'auteure nous narre l'histoire de Prisca, jeune écolière, qui se retrouve possédée par l'esprit d'une grande reine, Kitami. L'auteure nous envoûte à l'aide d'une ambiance mystique et sonore. Les scènes musicales sont décrites avec tant de vivacité qu'on a l'impression d'entendre au loin le battement des tambours.

Dès les premières lignes, on apprend que la chanteuse Kitami est morte. le narrateur revient sur son succès, la formation de son groupe, les rumeurs qui courraient sur elle et son entourage. Puis, l'auteure donne la parole à Prisca qui nous narre son enfance au Rwanda, sa famille, ses études, sa possession jusqu'à son émancipation. Enfin, la troisième partie revient sur les circonstances de la mort de Kitami, soulevant de nombreuses interrogations.

L'intrigue est très bien ficelée, jusqu'à la fin on se demande ce qui a pu arriver à cette reine, à cette chanteuse aux multiples masques. On découvre comment certains tambours sont vénérés, idolâtrés dans certaines cultures. On danse, chante au côté de Kitami et de ces batteurs de tambours. On est impressionnée par le caractère de Prisca, jamais défaitiste, une vraie battante. Et on aperçoit les inégalités existantes entre les hutu et les tutsi à travers le parcours chaotique de Prisca pour parvenir à aller à l'université, on sent un grand Malheur qui se rapproche petit à petit.
Lien : https://www.labullederealita..
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critiques presse (2)
Culturebox
23 mars 2016
La plume de Scholastique Mukasonga, lyrique et puissante, dirige de main de maître cette mélopée, et donne à son roman un souffle qui nous emporte.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Bibliobs
25 février 2016
Un beau roman à percussion.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (30) Voir plus Ajouter une citation
EXTRAITS DE KITAMI :
Alors petit, tu veux devenir tambouyé ? Tu ne veux pas plutôt apprendre un vrai métier, un métier de blancs ? Tu veux chevaucher le tambour, sais-tu jusqu’où il te mènera ? Eh bien soit, je vais t’apprendre la mauvaise vie. Si tu en es capable, je vais faire de toi un vrai tambouyé. J’espère que le tambour aura pitié de toi et qu’il te donnera à manger. […] Quand tu auras ton tambour à toi, bien à toi, […], n’oublie pas de lui parler, de la cajoler, de la caresser comme si c’était une belle fille, alors il te chuchotera des secrets que tu fredonneras sans que personne ne les comprenne. Mais n’oublie pas de donner à boire à ton tambour, tu partageras ton rhum avec lui avant de le battre, fais couler ton rhum sur sa peau. N’oublie jamais, tu n’auras pas d’autre compagne que ton tambour : sois lui fidèle.

[…]

Il se disait tantôt rwandais tantôt ougandais et montrait son passeport ougandais en riant : « avec celui-là, c’est plus sûr, mais sans papiers je suis aussi bien rwandais ; ce n’est pas moi qui ai décidé d’être rwandais ou ougandais, ça c’est passé il y a longtemps, je ne sais où en Europe, des Blancs à gros ventres et à moustache avec leurs gros cigares, à la fin d’un grand repas, des diplomates ont dit au maître d’hôtel qui était un Noir : “Firmin, apporte le dessert, il y a un bon gâteau qui s’appelle Afrique, on s’est mis à table pour se le partager, chacun en aura sa part, une grosse pour les Anglais, une autre pour les Français, et les Allemands et les Portugais auront la leur, on ne les oublie pas, et laissez-en pour Léopold qui en veut aussi“. Alors, ils ont envoyé en Afrique des commissaires, des officiers, des géographes, des topographes, des géomètres, des arpenteurs avec leurs askaris et les tirailleurs et les King’s Afrikan Rifles et beaucoup de Noirs pour porter sur la tête le matériel et les poteaux frontières. Et ils ont planté les poteaux où ils ont voulu […]. Alors Nyabingui a dit : “ les poteaux des Blancs feront votre malheur, arrachez vite ces poteaux des Blancs“. Nyabingui, c’est un esprit, mais c’est aussi une femme…
Mon père est resté du côté anglais, ses frères sont restés du côté allemand qui est devenu belge à cause de la guerre que se sont faite les Blancs entre eux. Mes petits cousins n’ont pas eu de chance : c’est la machette des Rwandais qui les a tués. Il y en a qui se sont échappés en Ouganda, mais ils ne sont pas ougandais, ce sont des réfugiés. Moi, je suis ougandais, j’ai un passeport ougandais, pourtant je suis allé à l’école sur la colline en face, qui était au Rwanda, et quand je repense à tous mes petits cousins qui étaient en classe avec moi, je deviens rwandais».

[…]

L’Éthiopie, s’emportait-elle, c’est là qu’on voudrait déporter les Tutsis. Vous autres, à la Jamaïque, vous voulez être éthiopiens, nous autres les Tutsis, les blancs ont décidé pour nous que nous étions éthiopiens, certains les ont crus et ce fut pour notre malheur : parce qu’on nous a déclarés éthiopiens, nos frères, des Rwandais comme nous, nous ont massacrés, et les rescapés errent de par le monde, bannis de leur seule patrie. Mon chant est celui de l’exil. Ne le comprenez-vous pas ? Je sais qu’un jour nous reviendrons chez nous, au Rwanda, mais je ne sais pas pourquoi ce jour qui devrait être un jour de joie, ce jour me remplit de terreur et je dis en tremblant : que ce jour vienne, mais que je ne le voie pas.
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EXTRAITS DE NYABINGUI :
Prisca, tu vois ces papiers, ils te concernent, nous savons tout sur toi. Nous savons, par exemple, que tu es intelligente, trop intelligente même, la République du peuple majoritaire n’a pas besoin de Tutsis femmes savantes. Mais la République peut aussi avoir besoin de quelques unes d’entre vous, de celles qui ont échappé à notre vigilance, qui, comme toi, ont fait des études qu’elles n’auraient pas dû faire ; toi, tu les as faites à cause d’un missionnaire blanc, et nous nous doutons bien de quelle manière tu as su l’envoûter. Vous, les filles tutsis, vous êtes les plus redoutables, vous savez toujours séduire pour servir votre cause, vous plaisez aux Blancs et vous en profitez pour dénigrer le peuple majoritaire et dresser les Blancs contre nous. Alors pourquoi ne seriez-vous pas aussi utiles à notre République ? Il est bon pour nos diplomates d’avoir des femmes comme vous et qui charment les Blancs. Alors tu vas employer tes charmes vénéneux doublés de ton intelligence à notre service. On va te donner pour femme à l’un des nôtres, tu seras sa charmante épouse et tu lui feras des enfants hutus, et toi, bien que nous sachions qu’au fond de toi-même tu resteras toujours un cafard, un inyenzi, tu vas quand même devenir une Hutu, tu sais bien qu’une fois mariée une femme perd sa race, son clan, qu’elle prend la race, le clan de son mari. Nous allons te trouver un bon mari, il y en a encore de notre côté qui sont fiers d’épouser une Tutsi, on va les contenter, on ne pourra pas dire que nous sommes racistes…

[…]

- Voilà ce que j’ai à dire : depuis très longtemps, chez nous, il y a un tambour, il ne nous appartient pas, notre lignage en a reçu la garde. […]. Je ne suis pas le maître du tambour. J’en suis son gardien jusqu’à ce que revienne celle qui nous l’a confié. Nous l’avons attendue, elle n’est pas revenue.. Mais à présent, au Rwanda, on n’aime plus les tambours. Et, peut-être que, si on le découvre, les militaires viendront le saisir et peut-être le détruire, et moi et ma famille avec. […] Mais si on détruit le tambour, cela portera malheur à notre lignage, nous serons considérés comme des rebelles, on nous jettera en prison bien que nous soyons des Hutus. […] Alors, nous sommes prêts à vous confier notre tambour, vous les « Américains », vous aimez les tambours, vous protègerez, vous soignerez le nôtre […].
- Mais qui vous a confié ce tambour ?
- […] Ce tambour, c’était celui d’une reine… de l’esprit d’une reine.
- Je crois que tu veux parler de Nyabingui.
- Ne prononce pas ce nom, malheureuse, je ne l’ai pas entendu.
- Et moi, ne sais-tu pas qui je suis ? […]
- Toi… oui, peut-être… j’ai entendu parler d’une jeune fille… ce serait toi ?
- C’est toi qui l’as dit.
- Si tu es celle que je crois, alors le tambour t’appartient. C’est ce que nos pères avaient prédit : un jour la reine reviendrait parmi nous. […]
- oui, grand-père, le tambour d’une reine a un cœur. Nous irons voir le tambour, s’il me reconnaît pour sa reine, je l’emporterai et il sera sauvé.
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Ce n’est pas moi qui ai décidé d’être rwandais ou ougandais, ça s’est passé il y a longtemps, je ne sais où en Europe, des blancs à gros ventre et à moustache avec leur gros cigares, à la fin d’un grand repas, des diplomates ont dit au maitre d’hôtel qui était un Noir :’’Firmin, apporte le dessert, il y a un bon gâteau qui s’appelle Afrique, on s’est mis à table pour se le partager, chacun en aura sa part, une grosse pour les Anglais, une autre pour les Français, et les Allemands et les Portugais auront la leur, on ne les oublie pas, et laissez-en pour Léopold qui en veut aussi’’. Alors ils ont envoyé en Afrique des commissaires, des officiers, des topographes, des géomètres, des arpenteurs avec leurs askaris et les tirailleurs et les King’s African Rifles, et beaucoup de Noir pour porter sur la tête le matériel des et les poteaux frontières. ET ils ont planté les poteaux où ils ont voulu : à gauche, c’est pour les Allemands, à droite c’est pour les Anglais, et mon grand-père a dit : ‘’Mes vaches, en face sur la colline, c’est chez les Allemands, ici, dans mon enclos, je suis chez les Anglais’’
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Je me doutais bien que l’étagère de la salle de réunion n’était pas une vraie bibliothèque, aussi quand, à la suite du père Martin, je pénétrai dans l’ancienne, j’eus l’impression intimidante et exaltante à la fois d’être introduite dans un lieu sacré, un sanctuaire, le saint des saints réservé à de rares initiés. Je m’y suis sentie toute petite. Je levais respectueusement les yeux jusqu’au haut des rayonnages qui couvraient les murs et tapissaient la pièce jusqu’au plafond. Je retenais ma respiration. C’étaient de vrais livres qui se tenaient bien droits les uns contre les autres, comme des militaires le jour de la fête nationale, les uns dans leur bel uniforme de cuir, certains aussi gros que le missel dans lequel le prêtre lisait, pour ne pas se tromper d’une syllabe, les prières de la messe, les autres, comme de simples soldats dans leur modeste tenue de carton bleu ou noir.
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À partir de la troisième, toutes les élèves se déclaraient amoureuses d’un de leurs professeurs européens. Les tactiques de séduction étaient naïves mais les proies faciles. Il s’agissait, dans la plupart des cas, de jeunes coopérants français qui, à ce qu’on disait, étaient venus faire leur service militaire en Afrique. On ne comprenait pas bien ce qu’il y avait de militaire à enseigner le français ou les maths mais ces jeunes gens, un peu étonnés de leur succès, n’entendaient aucunement résister aux avances non équivoques dont ils étaient les cibles. La compétition était rude entre les filles les plus hardies, et que l’une d’elles l’emporte sur toutes ses rivales suscitait à la fois l’admiration et la rancune tenace des déçues. Dissimulée sous des démonstrations intempestives d’amitié, la violence de la jalousie allait parfois jusqu’à des tentatives d’envoûtement auxquelles on me demandait discrètement de procéder.
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Videos de Scholastique Mukasonga (12) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Scholastique Mukasonga
Ce dimanche 7 avril 2024 marque les 30 ans du dernier génocide du XXe siècle, celui des Tutsi au Rwanda. le pays a-t-il achevé sa reconstruction après l'horreur ? Comment se passe la cohabitation entre les victimes et leurs bourreaux, en grande partie sortis de prison depuis quelques années ?
Pour en parler et analyser la situation, Guillaume Erner reçoit : Hélène Dumas, historienne, chargée de recherches au CNRS au Centre d'études sociologiques et politiques Raymond Aron. Scholastique Mukasonga, écrivaine rwandaise. Dominique Célis, écrivaine belgo-rwandaise.
Visuel de la vignette : Alexis Huguet / AFP
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