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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Je retrouve Herta Müller, une fois encore, impatient, le coeur battant. Les premiers mots sont de cette veine que j'aime, à la poésie chirurgicale faite de métaphores limpides et étranges. C'est sa façon de décrire cet univers particulier que j'aime. Comme si elle parlait une langue inconnue dont la musique vous essouffle malgré tout. Les premières lignes ont suffi à faire renaître en moi cette impression familière et inédite pourtant, l'idée d'un moment retrouvé, mais rare pourtant. Je place pour ces raisons Herta Müller parmi les plus grands écrivains que la langue allemande a donné - et elle n'en manque pas. Lire Herta Müller, c'est accepter - avec réticence parfois, tant sa langue est âpre - de franchir le seuil de son univers, et donc de quitter le vôtre ; c'est accepter de passer du côté de ce monde peut-être disparu - la Roumanie de Ceaucesu - et y perdre tous ses repères ; c'est donc accepter de se laisser guider par elle, parmi les villes, les femmes, les hommes, les vivants et les morts, les objets et la nature. Franchissez ce seuil, il s'ouvre sur des mots d'une force incroyable !
Animal de coeur revient sur les grands thèmes d'Herta Müller : vivre en dictature, y poursuivre son identité, en vain souvent, y mourir face à l'impossibilité de vivre. Ici, c'est la quête de soi de jeunes gens de la communauté allemande, enfants de SS, ouvriers d'usine, et perdus dans ce pays. Les hommes de main du régime y mangent des prunes vertes, une façon d'avaler d'indigestes verités. Et la métaphore de l'animal du coeur que chacun porte en soi installe une autre vérité, celle que chacun enferme, retient, nourrit au plus profond de soi, en attendant la fuite, la liberté, ou la mort. Comme souvent chez Herta Müller, la nature est omniprésente, comme le pendant de la ville en dictature. Il y a cette sensation que les nuages, les arbres (mûriers, pruniers), terre ferme, sont à la fois l'aspiration à la liberté, et le cadre physique qui contraint l'individu. Sur le sol, les mouvements semblent toujours ramenés à la pesanteur - comme attachés à ce sol de malheur. Herta Müller creuse inlassablement son sillon, parfois déroutant, toujours envoûtant.
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"Se taire, c'est déplaire, dit Edgar; et parler, c'est se ridiculiser."
Le roman commence et finit par cette phrase. Herta Müller, née dans la région souabe de la Roumanie (minorité germanophone), a vécu cette oppression de la dictature de Ceausescu. Ce roman est paru en 1994 en Allemagne et vient juste d'être édité en France. On y trouve une part de la vie de l'auteur puisque la narratrice est issue de la même région, elle est aussi fille d'un ancien soldat SS et elle est traductrice dans une usine roumaine.
C'est le roman d'une amitié entre la narratrice et trois jeunes garçons, Edgar, Kurt et Georg, réunis par le suicide de la camarade de chambrée de la narratrice. Ces jeunes vivent sous la peur constante d'être interpellés, poussés au suicide ou envoyés au cimetière. Ils voudraient témoigner de toutes ces morts suspectes, du mauvais traitement des prisonniers. Pour eux, c'est une perpétuelle méfiance, un harcèlement constant.
" On sentait le dictateur et ses gardes qui planaient au- dessus de tous les secrets des projets de fuite, on les sentait à l'affût, en train d'inspirer la peur."
Chaque lettre doit être codée et renfermer un cheveu témoin.
" Nous restions dépendants les uns des autres. les lettres contenant un cheveu n'avaient servi qu'à lire la peur de l'un dans l'écriture de l'autre."
Les fouilles de domicile, les interrogatoires sont permanents. Il n'y a que deux issues possibles, le suicide ou la fuite qui conduit très souvent à la mort.
Le roman est difficile car l'auteur utilise elle- même des codes de langage. Elle réinvente une langue où la mort est un sac, la noix, une tumeur. Des phrases et des mots viennent rythmer constamment le récit, on retrouve de manière récurrente les coiffeurs et les couturières, les moutons en fer-blanc (sidérurgie), les melons de bois (transformation du bois), les buveurs de sang(abattoirs).
Dans ce récit viennent aussi se mêler les souvenirs de l'enfant face à son père, les folies des grand-parents.
Sens cachés, métaphores, incursions compliquent la lecture du roman mais l'atmosphère est ainsi créée et le dénouement est particulièrement intense et émouvant.
Et l'animal de notre coeur, lui-aussi se met à remuer en nous.
Lien : http://surlaroutedejostein.o..
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Pendant longtemps le récit est sans précision géographique, sans précision de temps. Ce n'est qu'au deux tiers du roman que l'on apprend où se déroule celui-ci.

Herta Müller fait la description d'une société sans repères. le dictateur n'est pas si présent que ça, l'autoritarisme est présent par le biais de la police qui arrête, interroge puis relâche, tout cela sans raison. La police est omniprésente dans le pays mais sûrement aussi à l'étranger quand on voit les "dissidents" (juste des gens ouverts sur l'étranger) mourant brutalement, souvent suicidés.

C'est une société où le sentiment historique semble peu présent: certains personnages ont dans leur famille un homme qui a fait partie des SS pendant la Seconde Guerre Mondiale et cela semble normal.

Malheureusement il faut connaître la vie d'Herta Müller pour comprendre que ce roman comporte une part autobiographique.

C'est une lecture exigeante mais le récit réaliste, décrivant la société roumaine sous le joug de Ceaucescu est prenant.
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Ecrivain roumain de langue allemande, Herta Müller ne cesse de dénoncer dans ses romans le processus de déshumanisation mis en place par le régime de Ceausescu, processus utilisé par toute dictature totalitaire dans sa folie de domination et de contrôle. Pris dans les mailles du filet, les personnages d'Herta Müller se débattent pour garder leur humanité.
Dans Animal du coeur, au titre symbolique, il est question d'étudiants venus de leur lointaine campagne pour étudier à l'université. Coupée de ses racines, en mal d'affection et de reconnaissance, Lola est retrouvée pendue dans son armoire par ses camarades de chambre. Exit Lola, aussitôt radiée du parti communiste. Suicide ou meurtre ? le doute persiste pour la narratrice.
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C'est un grand écrivain, certes, de la trempe des Toni Morrison, dont la lange frôle toujours un peu avec l'invisible. La difficulté de lecture est parfois réelle mais le projet d'Herta Müller n'est-il pas de bousculer l'évidence, de prendre appui sur un intérieur poétique dense et vivifiant afin d'emmener (ou pas) le lecteur vers ce "plus " de saveur déconcertante.
La vie s'y joue tragiquement, poétiquement, métaphoriquement. Ce n'est pas une lecture facile, mais c'est ainsi qu'est portée son indignation : par la dureté langagière des mots.
Merci Madame.
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Histoire d'une amitié entre 4 jeunes roumains qui espèrent être libres un jour dans ce pays où la dictature musèle les gens. Histoire de soupçons, de trahisons, de doutes, de peur. Une histoire récurrente, dans les romans d' Herta Muller comme un leitmotiv: la peur. Très belle écriture, ce roman est un poème, l'écriture est sublime et nous entraîne dans son monde noir sans espoir d'en sortir.
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