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Claire de Oliveira (Traducteur)
EAN : 9782020193610
226 pages
Seuil (30/11/-1)
3.28/5   75 notes
Résumé :

Dans la Roumanie de Ceausescu, Adina s'aperçoit que des inconnus découpent jour après jour, en son absence, la fourrure de renard qui décore son appartement.

A cause de cette menace, la jeune enseignante proche d'auteurs-compositeurs dissidents se sait espionnée par les services secrets et découvre qu'une de ses amies fréquente justement un officier de la securitate. Le renard est le chasseur.

Les victimes se rapprochent d... >Voir plus
Que lire après Le renard était déjà le chasseurVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (19) Voir plus Ajouter une critique
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Un groupe d'amis, des intellectuels progressistes, tente de survivre sous la surveillance de la police politique, dans la Roumanie totalitaire de Ceausescu.
Beaucoup ont écrit sur la dictature. Personne ne l'a fait comme Herta Müller.
Dans une interview elle parlait de "...la langue de bois du régime qui avait détourné le langage à son profit. D'où notre vigilance pour éviter les mots ou les concepts violés ou souillés par le politique. Ils renvoyaient à une réalité qui n'était pas la nôtre."
Elle a donc inventé elle-même un langage qui nous rende perceptible la vie dans un régime totalitaire : un langage de dénuement, de contrainte, de censure.
Des phrases courtes et descriptives, qui nous enferment aussi efficacement qu'une geôle.
Un langage dénué d'émotion, froid, qui fait naître la terreur aussi sûrement que de se voir suivi par un agent du régime.
Un texte ciselé, qui nous oblige à être attentif au moindre détail, à la moindre trace, comme dans un logement surveillé par la Securitate.
Ça n'est pas facile d'entrer dans ce roman. Tout y est hostile : "Les peupliers découpent l'air brûlant. Les peupliers sont des couteaux verts."
C'est puissant.
C'est très difficile à lire.
C'est magistral.
C'est ardu.
C'est exceptionnel.

Traduction de Claire de Oliveira.
Challenge Globe-Trotter (Roumanie)
Challenge Nobel
LC thématique de juin 2022 : "Titres à rallonge"
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Une langue déroutante jusqu'au malaise, construite de phrases comme : "La lampe du plafond regarde au lieu d'éclairer", ou "Son oeil agrandit les entrailles sous la peau jusqu'à ce qu'elles soient froides".
Un monde où tout est gris, sans lumière ni chaleur ni perspective, et où la vie semble venir des choses, pas des hommes.
Un climat d'oppression latente, de vide désespérant.
Pas de repères, peu de points d'appui narratifs, une succession d'images glauques, ternes et froides, que domine l'omniprésente photo de l'oeil noir et la mèche du dictateur.

J'ai failli arrêter cette lecture plusieurs fois, tant était épuisant ce sentiment de s'y mouvoir comme dans la vase. Mais c'est à la moitié du roman, quand un semblant "d'action" apparait, que toute cette première partie très déstabilisante a pris tout son sens pour poser le décor profond et contribuer à faire ressentir ce qu'a été le quotidien des Roumains sous le régime de Ceausescu, le dénuement organisé, les passe-droits, l'ombre permanente de la Securitate, la peur, la résignation, l'absence de perspectives.

Un travail d'écriture prodigieux au service d'un témoignage indispensable tel que seule la littérature peut en offrir, sous la plume d'une auteure que l'Académie des Nobel a bien fait de récompenser.
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Cette lecture là, c'est bien plus que le récit présenté par cette quatrième de couverture; cette lecture là, c'est un saisissant paradoxe littéraire. Herta Müller parvient à dire le cauchemar de la dictature, d'angoisse latente, de délabrement social et humain par une prose à la poétique perçante, par la description des lieux, des images qu'ils font naître, par l'expression d'un sentiment d'irréalité qui rend celui de la réalité si prégnante; cette réalité dans laquelle tous regards, toutes attitudes, toutes émotions, spontanés, naturels, sont bannis. Une autre dimension qui rend toute la dimension de ce qu'ont vécu les Roumains. le ciel est plombé, fuyant, l'air vicié. Densité des mots palpable, sur la page, sur la peau, effrayante; des mots crus sur les visions, des mots de silence, de malaise, de dégoût, d'échos d'égouts… Des sensations physiques, sensations à la fois de poids et de vide, l'oppressant, le métallique – images filées de l'usine « de fer et de rouille » -, de la ville aux angles tranchants, des trous des fenêtres, des chemins perdus, la tension des tempes et des ventres qui cognent, les bruits qui claquent » comme une branche qui casse, mais autrement » sur la rive du Danube …
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« le renard était déjà le chasseur », dans sa réimpression 09 au Seuil, donc apparemment une nouvelle traduction (Claire de Oliveira) alors que l'édition 97 était de Nicole Bary (comme l'homme est un grand faisan). On est toujours dans la campagne Banat de la Roumanie du Conducator. Adina est une jeune enseignante proche de dissidents. (On retrouve l'histoire de Herta Müller dans les années 60-65, membre du Aktiongruppe Banat, un groupe d'écrivains qui défendait la liberté d'expression).
C'est un livre dans lequel il n'est pas facile d'entrer, au sens habituel d'un roman. le 4 de couverture (ainsi que d'autres critiques) résume ainsi le livre : Adina s'aperçoit que des inconnus découpent la fourrure de renard qui décore son appartement, et ce jour après jour en son absence. Elle est donc espionnée par la Securitate et elle découvre de plus qu'une de ses amies fréquente justement un officier de la Securitate.
L'histoire du renard commence p.135, soit à la moitié du livre, et on retrouve sa trace par bribes jusqu'à la fin du livre. En fait, même si « le renard est le chasseur », je ne crois pas que ce soit vraiment l'histoire (ou plutôt un fragment de l'histoire). En fait, il y a de mystérieux visiteurs (aux marques de graines de tournesol ou de mégots dans les toilettes). le renard voit ses pattes coupées, et on se doute qu'après la quatrième, ce sera au tour des visités d'avoir des ennuis. Que se passe t'il à la fin du livre ? Assiste t'on à la chute du dictateur et de sa femme (est ce ainsi passé à la télévision ?). Que changera cette chute ?
Le livre rappelle souvent « le faisan ». Il ne s'agit pas vraiment d'un roman (même au sens de « la Convocation »). C'est plutôt un suite de petits tableaux, chacun d'entre eux brossé avec beaucoup de minutie. le style adopté, par phrases très brèves, ou paragraphes courts se prête magnifiquement à ce genre de tableaux. Mais il y a d'autres histoires qui se coupent et se déroulent dans le livre, ou dont on retrouve les personnages. Ainsi les pécheurs ou l'histoire du ferblantier. « le huitième jour, Dieu n'a gardé d'Eve et d'Adam qu'une touffe de cheveux. Il en a fait la volaille. Et le neuvième jour, Dieu, face au vide du monde, a fit un rot. Il en a fait la bière »
Au final, c'est sans doute des trois, le livre le plus élaboré. C'est sans doute aussi un style bref, incisif, qui change des romans traditionnels. « En août, dans cette ville, il y a des jours où le soleil est un potiron épluché » Est ce que cela « révolutionne » le genre ? Sûrement pas au sens de Joyce ou même de Lobo Antunes (qui n'a pas eu le Nobel, donné cette année là à Saramago). Pas non plus de la classe de Orhan Pamuk pour ce qui est de dénoncer la torture (ou du moins cela est fait dans un registre très différent, et tout aussi intéressant). Il fut donc espérer que ce prix accélèrera la traduction des autres oeuvres de HM.

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J'ai refermé ce roman, impressionnée. D'abord par la langue de Müller, « d'une richesse poétique inouïe » (parfaitement bien résumée sur la quatrième de couverture d'un autre de ses livres). Cette écriture âpre, mais belle comme dans un conte, casse les codes de la composition lexicale pour raconter des vies dépossédées, sous l'emprise d'une dictature. La lecture est exigeante et je ne prétends pas avoir compris le sens de chaque phrase, mais j'ai saisi suffisamment d'éléments pour suivre le récit sans me perdre.

La première moitié du roman plante le décor dans une petite ville roumaine sans âme, par une série de tableaux souvent lugubres. Même la nature y apparait hostile. le soleil est froid et les peupliers pointus projettent des ombres coupantes. Dans la seconde moitié, quelques personnages croisés auparavant de manière furtive s'extraient de cet environnement fantomatique. Certains, menacés par le régime, résistent à la peur, d'autres, du côté du pouvoir totalitaire, en profitent. Une découverte littéraire rare !
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Le huitième jour, dit le concierge, Dieu n'a gardé d'Ève et d'Adam qu'une touffe de cheveux. Il en a fait la volaille. Et le neuvième jour, Dieu, face au vide du monde, a fait un rot. Il en a fait la bière.
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"En haut dans le ciel, tu seras un ange avec une blessure par balle, dit Adina en regardant par terre, ou bien tu seras ici-bas, où il y a des pavés. Tu chevaucheras ton balai le soir, tu balaieras les rues de Vienne.
Et toi tu restes ici, dit Ilie, tu attends qu'ils découpent complètement ton renard, et après."
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"C'est avec un type comme ça que tu couches, dit Adina. La boîte de sucre est ouverte, le sucre est dur comme de la pierre sur les taches brunes de café. Du vent souffle dans l'arbre dehors, mais tu ne le connais pas, dit Clara, le ballon vert cabossé reste coincé sur la branche fourchue. C'est toi que je ne connais pas, le ballon vert cabossé supportera un deuxième hiver, celle que je connais, ce n'est pas toi, dit-elle, je croyais te connaître"
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Parfois, on entend des coups qui viennent de loin, dit Liviu. Pas plus fort qu'une branche qui se casse. Mais autrement, tout à fait autrement. Alors les chiens se taisent avant d'aboyer plus fort. C'est quelqu'un qui a voulu partir dans la nuit, passer la frontière, traverser le Danube à la nage. Seul avec lui-même, dit Liviu, ensuite c'est fini, on le sait. On regarde le bord de la table, on appuie la main sur le dossier et on ferme les yeux pendant un moment. Je bois, dit Liviu. Le lait de prunes brûle, les yeux deviennent tellement instables que l'ampoule est floue, et quand il n'y a pas d'électricité, la bougie. Je bois jusqu'à ce que j'oublie qu'il y a eu un coup de feu. Jusqu'à ce que le lait de prunes m'envoie des vagues dans les jambes. J'oublie, dit Liviu, jusqu'à ce que je ne pense plus à rien, jusqu'à ce que le Danube, inéluctablement, coupe le village du reste du monde.
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Il veut parler du Sud où le Danube coupe le pays. Où la plaine est plate, où les étés se dessèchent comme la pierre entre les maïs qui poussent, où les hivers gèlent comme la pierre entre les maïs oubliés. Où les gens comptent les coussins de duvet qui flottent et savent que le Danube, pour chaque homme abattu en pleine fuite, a pendant trois jours un coussin sur ses vagues, et pendant trois nuits une lueur sous ses vagues, comme celle des bougies. Les gens du Sud connaissent le nombre des morts. Ils ne connaissent pas les noms des morts, ni leurs visages.
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Video de Herta Müller (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Herta Müller
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=59753&motExact=0&motcle=&mode=AND
DU TRAUMA À L'ÉCRITURE
Un point de vue sur la création littéraire de Herta Müller
Radu Clit
Études Psychanalytiques
Décelé dans la création littéraire de Herta Müller, le rapport du trauma avec l'écriture se décline différemment en fonction des quatre types de prose qui sont isolés dans la création de la lauréate du prix Nobel de littérature 2009. Dans son volume de début, le trauma est ou physique ou subi par des animaux. Les romans qui décrivent la vie quotidienne sous le régime communiste présentent des traumas infligés par les autorités de l'état. Dans le camp de travail soviétique, le trauma est intégré dans le cadre existentiel. Les essais de l'écrivaine ouvrent la perspective autobiographique et montrent que tous les traumas présentés ont été subis ou par elle, ou par sa famille.
Radu Clit a déjà publié un livre et plusieurs études sur les effets psychiques des phénomènes totalitaires. Psychologue clinicien, psychanalyste, psychothérapeute de groupe, il ajoute cette fois à l'approche interdisciplinaire la grille d'analyse littéraire, ce qui lui permet d'affiner certains points de vue avancés précédemment.
Broché - format : 13,5 x 21,5 cm ISBN : 978-2-343-14532-7 ? 16 mai 2018 ? 230 pages
+ Lire la suite
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature des langues germaniques. Allemand>Romans, contes, nouvelles (879)
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