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Citations sur Tous les chats sautent à leur façon (13)

Au bout du compte, dans chaque famille, même les relations muettes et machinales les plus personnelles ont une dimension politique, puisqu’elles sont une réaction au système politique environnant. Le politique a provoqué bien des maux, sur le plan moral, il a eu des retombées funestes sur toutes les choses, sur tous les êtres. Chaque histoire familiale est aussi, accessoirement, la décalcomanie privée de l’histoire contemporaine.
Certainement, le politique est toujours là, mais on décide soi-même ce qu’on fait ou non : c’est ce qu’on appelle la responsabilité personnelle. Même après coup, ce qu’on va retenir des expériences vécues relève de notre décision. Je crois que les parents, l’origine, le bonheur ou le malheur de l’enfance ne peuvent pas servir de prétexte. On est à coup sûr un résultat, mais son propre résultat. Personne ne peut vous forcer à devenir ce que votre éducation a fait de vous, ni à le rester. L’enfance a une date de péremption assez rapide. Ensuite, on est livré à soi-même, et durant toute sa vie, on doit s’éduquer tout seul, que ça nous plaise ou non. Je ne sais pas comment on s’y prend : pour soi-même, on est d’une telle opacité… Ces choses, on les connaît du dehors, mais leur effet reste une énigme. On ne sait pas comment le vécu fonctionne en nous.
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Les dérapages verbaux étaient rarissimes. Le jour où, en rentrant de la messe, j'ai dit à ma grand-mère que le coeur de la Vierge Marie était une pastèque coupée en deux, elle a répondu: "Possible, mais faut le dire à personne."
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Si je repense à ce village et à cette maison paternelle, je vois de l’histoire partout. L’alcool a tué mon père jeune, à cinquante ans seulement. Quand il était soûl, trente ans après la fin de la guerre, il entonnait des chants nazis avec ses camarades. Petit village, grands mariages : on buvait beaucoup aux longues tables de bois, et on entendait ces chants avinés toute la nuit. Le policier du village était roumain ; il ne comprenait rien à ces couplets qu’on chantait, mais il dodelinait en cadence. Comme ces hommes-là n’ont jamais changé d’avis, je n’ai pas pu voir dans leur période nazie un simple péché de jeunesse.
Mon père était mort depuis longtemps, et j’avais quitté la Roumanie, alors je suis allée à Coventry. Le mot inventé par Goebbels pour dire « raser une ville entière », « conventriser », était tout à fait palpable, comme la ruine de l’église qui rappelait cette dévastation. Le vent s’engouffrait entre les arbres, et moi, je revoyais ces grandes tables de bois, et j’entendais encore dans l’air, entre les arbres, les chants avinés des villageois. Des lieux dévastés comme celui-là, il y en a beaucoup, et en pareil cas je ne peux pas m’empêcher de penser que mon père m’a précédée dans tous les endroits où je vais. Que je le veuille ou non, ma famille me suit en catimini dans le monde entier ou presque. Ou bien c’est moi qui l’emmène dans ces endroits parce qu’on ne pas laisser son front à la maison. Je ne suis pas obligée de me sentir coupable pour mon père, mais je suis obligée d’y réfléchir.
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De la même façon, j’étais en permanence renversée par la beauté de la langue courante, par la concision de ses images magiques. Moi qui restais assise sur les marches de l’escalier à regarder les chats de l’usine par la fenêtre, je repensais souvent au dicton roumain « Tous les chats sautent à leur façon au bord de la flaque ». J’ai longtemps cru qu’on pouvait dire aussi « Tous les chats sautent à leur façon par-dessus la flaque ». Puisque le proverbe dit « au bord » et non « par-dessus », il suggère le chemin que le chat doit parcourir. Il suggère aussi que la flaque surgit à l’improviste, et que le chat surpris n’a qu’à se dépêcher : sans réfléchir, machinalement, il fait un bond différent. Ce dicton, je le connaissais depuis des années, et même depuis toujours ; mais c’est seulement sur les marches de l’escalier que je me suis rendu compte que le chat du proverbe ne saute pas du tout PAR-DESSUS la flaque. Ce mot n’y est pas : le chat la contourne peut-être d’un bond, par la gauche ou par la droite, ou il l’évite en reculant, en revenant sur ses pas.
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L’obscurité est inquiétante parce qu’elle nous enserre ; on se noie, l’atmosphère disparaît, on ne voit même plus sa propre personne. La nuit est un temps indéterminé. Dans le sommeil, on est arraché à soi-même, tout en ayant la chance de ne pas sentir, en dormant, l’indétermination de la nuit. Au réveil, on est de nouveau en possession de soi-même, la nuit est finie et on est comme neuf, après avoir dormi. Si on ne se réveille plus, c’est qu’on est mort. Dans l’obscurité, j’ai toujours eu peur que l’air ne soit de l’encre noire, de la laine noire, une boue épaisse ou un immense pelage. L’obscurité nous montre à quoi ressemblera la mort, plus tard.
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« L’enfance est sans doute la partie la plus confuse de la vie. On construit et on démolit tant de choses à la fois ; par la suite, ce n’est plus du tout pareil. »
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Tous les représentants du régime que j'ai rencontrés avaient le même comportement, la même mentalité. Envers ceux d'en haut, ils étaient d'une servilité absolue, et brutaux envers ceux d'en bas. Et ils étaient ringards, épais, sans scrupules, cyniques, lunatiques, d'une inculture effrayante. Aucune connaissance n'était exigée, même sur le communisme. Du coup, ils ne maitrisaient que la recherche du profit. (p. 140)
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Dans une dictature, se conformer au système devient normal, dès lors qu'on veut réussir. Presque tout le monde veut réussir, avoir la sécurité de l'emploi et un salaire. Passer inaperçu - en étant loin d'avoir réussi - n'est possible qu'à condition de se tenir tranquille. Autant dire qu'il faut se conformer, du moins en apparence. (p. 101)
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L'incompétence et le pouvoir ne font pas bon ménage. Derrière chaque porte de l’État, on tombait sur un nullard de première catégorie avec l'insigne du parti au revers de sa veste, une grosse chevalière en or, et une voix qui aboyait des ordres. le type du fonctionnaire socialiste, répugnant de la tête jusqu'à la pointe des chaussures. Ces gens-là m'ont si souvent humiliée que je les méprise franchement. Ils doivent donc être conditionnés par le système : aujourd'hui, donc vingt-cinq ans plus tard, quand je vois à la télévision le congrès chinois du parti ou la douma russe, ces types sont les mêmes, au détail près. L'indigence arrogante des fonctionnaires communistes dans les coins les plus reculés du monde, leur langage corporel sont pareils, comme cette gestuelle qui oscille entre la complaisance et la gaucherie. (p. 60)
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L'obéissance jusqu'à plus soif, ça me connait : on doit se préparer à quelque chose qu'on est censé trouver indispensable dans la vie. En fait, dans notre tête, il se produit le contraire : on se dit qu'on ne fera plus jamais les vitres. On se libère et, au moins, cette liberté à l'inverse n'est pas compliquée. (p. 17)
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