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Citations sur La Cheffe, roman d'une cuisinière (30)

Je finis par comprendre que l’étoile avait conforté la Cheffe dans l’impression qu’elle avait déjà eue, peu auparavant, de s'être compromise.

Il lui était insupportable de penser que sa cuisine plaisait et séduisait, non qu'elle s'imaginát, non qu'elle souhaitát qu'elle rebute puisque tant de clients revenaient á la Bonne Heure, mais la Cheffe se sentait tenue de considérer en conscience que ses habitués retournaient au lieu oú une énigme leur avait été posée.

(...) peu importait, dès lors, d’accepter ou de rendre cette étoile pour la Cheffe, cela ne modifiait pas le fait qu’on l’en avait jugée digne et qu'elle-même par conséquent, avait échoué.
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Il me semblait parfois que je connaîtrais plus jamais le sommeil, et c'était là une bonne chose, c'était là une chose nécessaire, dont me rendraient justice l'histoire de la cuisine et les sympathisants de l'amour.
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Arrive un moment où un tel mépris pour autrui assorti d’une appréciation si exagérée de sa propre valeur ne doit plus être récompensé, un moment où cette attitude doit même être sanctionnée
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En ce qui me concerne, je tâchais toujours, en sa présence, de réprimer le libre cours de mes divers sentiments, ma propension à appuyer par des grimaces ou des gestes amples des phrases parfaitement intelligibles et, surtout, je veillais, en vain souvent, à ce que ma peau, mon odeur, l’invisible émanation de mon être ne portent pas vers la Cheffe la chaleur moite d’émotions dont elle n’avait que faire, et je regrettais de n’être pas naturellement, sans effort, laconique, puritain et lumineux, oui, je le regrettais tout en me consolant de la pensée que ce qui suintait de moi n’était pas ce que j’avais de plus mauvais.
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Il m’arrive d’oublier, quand je m’adresse à vous, quand je pense à la Cheffe, que le hasard de sa naissance a voulu que ses dispositions trouvent la cuisine comme terrain d’épreuves, c’est que je la tiens, quoiqu’elle en eût, pour une artiste qui, en d’autres circonstances, aurait donné sa mesure dans la peinture ou l’écriture, je ne sais quoi encore, mais la Cheffe n’aimait pas que je considère les choses ainsi, elle ne pensait pas avoir une complexion particulière, un talent qui lui serait propre, seulement la chance d’être organisée, travailleuse, intuitive et d’héberger en soi, sans garantie que ce fût pour toujours, le petit génie de son métier – C’est exactement ce dont je vous parle à propos de l’art, lui rétorquais-je, alors la Cheffe fronçait les sourcils, elle se méfiait des grands mots, tout ce cinéma comme elle disait.
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Elle fut la première, je pense, à proposer à tel habitué qui tergiversait, ne sachant que choisir, de lui faire la surprise de plats qu’elle sélectionnerait pur lui, qu’elle agrémenterait même ou, éventuellement, priverait d’ingrédients ou de condiments dont elle savait qu’il les aimait ou les appréciait peu, comme on le fait avec des amis qu’on reçoit chez soi, la Cheffe ne jouait pas à l’amie, elle n’était pas familière, elle pouvait être distante mais elle acquérait rapidement une fine connaissance des gens et tenait, avec une absolue sincérité, à ce qu’on se sente bien chez elle, aussi bien que chez une étrange amie un peu froide qui ne se livre pas mais en sait beaucoup sur vous et, à sa façon réservée, presque rude, travaille à vous satisfaire bien au-delà de ce que vous pouvez imaginer.
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Ainsi la Cheffe travaillait-elle dans la petite cuisine des Landes, à la fois pleine d’assurance et tendue comme elle aimerait toujours à l’être, de cette tension contrôlée, dynamique, galvanisante qui attirait les idées miraculeuses, les recevait sans triomphe, comme un dû et comme une évidence, et dont l’absence, une fois le travail fini, une fois considérée l’ampleur de ce qui avait été réalisé, causait un léger vertige, un épuisement et une interrogation moins émerveillée qu’incrédule : comment ai-je été capable d’une telle prouesse ?
Seule cette tension, a toujours dit le Cheffe, permettait de supporter le labeur impitoyable de la cuisine.
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Je voyais la forte lumière électrique qui depuis les trois fenêtres à barreaux en rez-de-chaussée jetait une lueur blanche et crue sur le trottoir et j’enviais alors cruellement la Cheffe qui travaillait là, dans la solitude inspirante de la nuit, dans les heures infinies, enivrées de la nuit, elle découpait, cuisait, testait, toute seule et souveraine dans le silence compact de la nuit, comme je l’enviais alors de n’être pas entravée par l’amour, de faire ce qu’elle aimait par-dessus tout sans que personne ni la pensée douloureuses de personne (à part sa fille mais était-ce de l’amour, n’était-ce pas un désespoir suffocant) ne vienne troubler la pure, la simple joie de l’activité préférée, de la création blottie sur elle-même et parfaitement heureuse que rien n’existe autour ni en dehors d’elle.
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Quand on ne la sentait pas en soi ou quand on la sentait sans en éprouver de plaisir et que les yeux se posaient alors sur les cadavres d'animaux dépecés, les légumes encore terreux, tous les ingrédients fermés sur le secret de leur goût et attendant sans rien faciliter, sombrement, qu'on sache ce qu'on allait faire d'eux, un écœurement, une immense lassitude pouvaient vous donner envie de fuir les lieux, disait la Cheffe, et de ne plus jamais vous sentir uni à la chair morte, aux odeurs lourdes, aux entrailles et à la graisse, aux tourments divers et monotones, à l'inévitable saleté, et aux souffrances de ceux, bêtes et hommes, qui préludaient à l'arrivée sur la table de la cuisine des denrées taciturnes, obtuses, hurlements des bêtes, fatigue des hommes, vous aviez envie de vous sauver au plus loin quand cette misère répétitive vous sautait au visage, que la froide exaltation créatrice ne vous protégeait pas, disait la Cheffe avec son petit sourire oblique, je l'ai fait parfois et j'ai cru me rendre libre, je suis toujours revenue, bien sûr, disait la Cheffe, car me libérer des épreuves de la cuisine me rendait plus malheureuse encore que de les subir, et je les subissais rarement alors que, loin d'elles, je souffrais sans répit, c'est certain.
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Il lui semblait qu'on pouvait se comportait très mal au nom de l'amour mais jamais au nom de l'honnêteté.
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