Citations sur Les filles et leurs mères (174)
On aura compris que c'est entre les deux figures extrêmes que j'ai esquissées que se situent les innombrable nuances affectant les femmes, filles et mères que nous croisons ou que nous pouvons croiser dans notre quotidien. Et cette extrême variabilité des situations, loin de produire un effet de casse-tête ou de rendre insolubles les problèmes qui peuvent se rencontrer, constitue bien au contraire, pour chacun et chacune, la garantie de son originalité, tout comme elle m'ancre de façon plus vivifiante encore dans son histoire.
La constante de ces situations étant que, même quand le ton de la confidence emprunte la voie de la rage et traduit une vieille et inépuisable revendication, l'ensemble du propos semble toujours vouloir plaider non pas contre mais pour la mère et lui fournir des circonstances atténuantes. Comme s'il y flottait une sourde et mystérieuse terreur destinée à cantonner le ressentiment dans des limites raisonnables.
Comme il faut toujours, néanmoins, un point de départ pour décrire un enchaînement de faits, je laisserai délibérément de côté tout ce qui vient avant ce que j'entreprends de décrire.
...même s'il peut en être proche et y être profondément attaché, son père, c'est comme je l'ai déjà dit, ce tiers qui lui est totalement étranger : il ne l'a jamais porté dans son ventre et il n'a jamais engrammé en lui d'alphabet perceptuel qui permet l'établissement d'une communication immédiate.
Quitte donc à me répéter et à alourdir mon exposé, je dirai que dans une famille où il y a plusieurs filles, l'injonction de répétition n'en vise jamais qu'une seule e t que le choix qui en est opéré par la mère l'e t plus sous la pression d'effets d'histoire qu'en rapport avec le rang de naissance de l'enfant.
Elle a donc fait des garçons, elle. Seule signature qu'elle se soit autorisée de sa révolte.
L'amoindrir c'est m'amoindrir. La casser c'est e casser La mépriser c'est me mépriser.La juger c'est, non seulement me juger, mais m'exposer à être un jour jugée à on tour. Et comment imaginer que j'aie pu un jour ne pas m'en sentir aimée. Si je ne l'avais connue aimante et si je ne la reconnaissais pas encore à ce jour aimante, que pourrais-je faire de ce désert affectif et pourrais-je me sentir un jour digne d'un quelconque amour ?
Je ne peux pas cracher sur ma mère sans me renier et me détruire puisque j'ai longtemps rêvé d'être comme elle en désespérant souvent y parvenir un jour. Je ne peux pas la regarder comme je sens, aujourd'hui, qu'elle est en réalité, puisque c'est son exemple qui m'a happée, qui m'a hantée, qui m'a inspirée.
... je n'ai pas trouvé de meilleur moyen pour montrer combien, sur ce terrain concret aussi bien que dans le sujet théorique dont je traite, il faut se méfier des apparences et se garder des conclusions hâtives ou réductrices. Tout est toujours encore plus complexe qu'on ne peut l'imaginer.
J'étais persuadé que les femmes bretonnes étaient de solides, plantureuses et blondes créatures, à l'image de ces jeunes filles que je recrutais depuis quelque temps et qui prenaient nos deux enfants en même temps, en les coinçant chacun sous un bras, pour faire cesser leurs caprices et porter d'autorité de leur chambre à la baignoire. Etait-il possible qu'il en fît de toutes petites, fluettes et brunes ? J'étais complètement perdu.