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4,05

sur 363 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Il existe une Maison des jeux, dont l'influence s'exerce partout dans le monde. Les joueurs peuvent y jouer des années de vies, des talents, des souvenirs... n'importe quoi.

Les jeux sont politiques. Dans ce premier tome, un poste prestigieux s'ouvre dans la Cité État de Venise au 17e siècle. 4 candidats sont en lice. 4 joueurs se voient donc donner un candidat à faire gagner. le candidat est leur roi, et le joueur qui fera gagner son candidat gagnera la partie. Tout les coups sont permis : assassinat, pot-de-vin, chantage, etc.

Chaque joueur a un ensemble de cartes (de tarot), et chaque carte leur donne le droit d'obtenir une faveur de divers personnages de la ville, et de les jouer comme des pions sur un échiquier.

Notre protagoniste est Thene, une femme juive désaffranchie prise dans un mariage malheureux. Gagner le jeu est sa seule façon de regagner sa vie, sa dignité.

La narration est intéressante : le narrateur omniscient s'adresse directement à nous et nous raconte les scènes comme si nous en étions des témoins invisibles sans gêne. de vulgaires voyeurs.

J'ai bien hâte de lire la suite. Sans savoir s'il s'agit simplement de la même chose dans une autre lieu et une autre époque, ou si on explorera plus en détail les conflits internes de la Maison des Jeux.
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« le monde entier est une scène, hommes et femmes, tous, n'y sont que des acteurs, chacun fait ses entrées, chacun fait ses sorties, et notre vie durant, nous jouons plusieurs rôles. »
William Shakespeare

*
Avez-vous l'esprit joueur ? Que seriez-vous prêt à miser pour pimenter votre vie, vous divertir, obtenir une récompense ou bien rembourser une dette ? Mettriez-vous en jeu des années de votre vie, vos souvenirs, votre santé, la vie d'un de vos proches, … ?

« Miseriez-vous votre bonheur ? Joueriez-vous votre amour-propre ? Au nom du ciel, ne jouez pas pour le plaisir, pas encore ; pas alors qu'il existe tant d'enjeux moins importants en lesquels investir ! »

*
Après « 24 vues de Mont Fuji, par Hokusai » de Roger Zelazny, j'ai eu envie de piocher à nouveau dans la très jolie collection de novellas, « Une heure-lumière », aux éditions le Belial.
Mon choix s'est fixé sur le premier volume d'une trilogie intitulée « La maison des jeux » de l'autrice Catherine Webb, plus connue sous le nom de Claire North.
Cette jeune autrice amène beaucoup de fraîcheur à la littérature de l'imaginaire. Elle a un talent certain pour nous entraîner dans des histoires aussi inattendues que fascinantes.

Ce premier court récit, « le Serpent », nous convie à entrer à l'intérieur la Maison des Jeux, un endroit mystérieux, réservé aux seuls initiés. Au cours des siècles, cette organisation secrète a joué sur de nombreux territoires, manipulant les hommes comme s'ils étaient de vulgaires pièces d'un jeu, favorisant leur ascension, ou au contraire, les renversant sans aucune pitié.

« La Maison des Jeux est… ancienne. Elle n'est pas limitée à un seul lieu mais possède des portes dans le monde entier. Cette partie livrée à Venise est l'une des centaines, peut-être des milliers, qui se jouent en des lieux dont vous ne rêvez même pas… »

En ouvrant ce roman, le lecteur réalise qu'il fait partie intégrante de l'intrigue en tant qu'observateur. Cela lui donne l'impression d'être témoin, figurant, arbitre ou même parfois conspirateur.

« Venez.
Observons ensemble, vous et moi.
Nous écartons les brumes.
Nous prenons pied sur le plateau et effectuons une entrée théâtrale : nous voici ; nous sommes arrivés ; que fassent silence les musiciens, que se détournent à notre approche les yeux de ceux qui savent. Nous sommes les arbitres de ce petit tournoi, notre tâche est de juger, restant en dehors d'un jeu dont nous faisons pourtant partie, pris au piège par le flux du plateau, le bruit sec de la carte qu'on abat, la chute des pions. »

Cette histoire nous emmène au XVIIème siècle dans la très romantique ville de Venise. Elle va devenir le plateau d'une immense partie de jeu à ciel ouvert, dont l'enjeu est la place d'inquisiteur au Tribunal Suprême, suite au décès d'un de ses membres.

*
Thene est une jeune femme intelligente, récemment marié sans amour à un homme de plusieurs années son aîné, joueur compulsif qui dépense sa dote en ivrognerie et en dettes de jeu.

« Pardonnez-moi, dit-il, je m'exprime mal. Voulez-vous jouer ? »
Thene considère le dos de son mari, les verres vides à son côté, les pièces de monnaie sur la table ; elle se rend compte qu'elle a de la colère sur les lèvres, une tempête au creux du ventre, et les mains douloureuses — se retenir de les crisper les rend brûlantes. Aussi, avec dans la voix la douceur d'une brume hivernale, elle répond simplement : « Oui. »

Tous les joueurs ne se montrent pas dignes de concourir dans la ligue supérieure.
Remarquée alors qu'elle accompagne son mari dans la partie basse de la Maison du Jeu, Thene est invitée à accéder à la Haute Loge pour des enjeux beaucoup plus importants. La Maîtresse des Jeux lui propose de participer au jeu de rois avec trois autres candidats.
Si elle gagne, elle obtiendra ce qu'elle désire le plus au monde. On peut aisément comprendre ce qui va pousser la jeune vénitienne à accepter. Bien sûr, la récompense est proportionnelle à la mise en jeu.
La vie semble être un divertissement !
Le jeu semble être une métaphore de la vie !

Chacun des quatre compétiteurs reçoit une boîte en argent contenant les règles du jeu, des informations concernant le roi qu'on leur a attribué et des cartes de tarot qui ont été préalablement distribuées entre les joueurs de manière aléatoire.
Pour gagner, le candidat au poste d'inquisiteur doit remporter le vote du Sénat.

Les cartes partagées sont comme les pièces des échecs : au joueur de les utiliser avec discernement et de les placer au bon endroit au bon moment pour protéger son Roi ou placer le Roi adverse en situation d'échec et mat. Mais à la différence d'un jeu traditionnel, ces cartes sont de véritables personnes.

« … les pièces de ce jeu ne sont pas aussi simples que des pions sur un plateau : elles ont des secrets, des fiertés, et, quoique les règles du jeu stipulent qu'elles lui appartiennent, elles aussi doivent être façonnées pour devenir quelque chose de plus. »

Les leviers sont nombreux pour jouer et accroître l'influence de son Roi : l'argent, l'amour, la honte, l'amour, la menace, la jalousie, la vanité, la manipulation, le meurtre, …

« … ce qui compte, c'est la victoire — gagner. le reste n'est qu'une cage. »

*
Ce qui est particulièrement prenant, c'est le fait que la stratégie de ses adversaires nous soit totalement dissimulée, le lecteur étudiant uniquement le jeu de Thene.
De cette manière, en tant qu'observateur, on la voit évoluer, mûrir et prendre de l'assurance à travers son habileté à choisir et déplacer ses pièces.
Cependant, comme nous restons à distance, nous ne pénétrons que superficiellement ses pensées. Cachée derrière son masque, la jeune femme garde ainsi une part de mystère, entretenant notre envie de suivre l'évolution du jeu, nous s'attachant à elle.

« L'assassinat est un coup grossier. Tuez une pièce trop tôt et les autres joueurs se voient renforcés par son absence. Avec quatre joueurs, il y a un équilibre, des forces qui s'exercent dans toutes les directions, des ressources qui s'épuisent. Ma pièce paraît… plus faible que je ne l'aimerais, mais il peut s'agir d'un avantage. Que les autres joueurs dépensent des cartes à se combattre, les forts se déchirant les uns les autres jusqu'à devenir assez faibles pour que je puisse m'en prendre à eux. Un assassinat immédiat détruirait cet équilibre — qui devra bien s'effondrer un jour, mais il est encore trop tôt. »

J'aime lorsque la psychologie des personnages est bien développée. Ici, elle n'est pas fouillée, sans que cela m'ait gênée.
Au contraire, j'ai trouvé que cela renforçait le mystère autour de la maison des Jeux, du jeu des rois et de ses participants. L'autrice s'est en effet surtout concentrée sur un scénario que j'ai trouvé de qualité, sans pour autant négliger des réflexions philosophiques ou politiques.

*
Chaque avancée dans le jeu, chaque utilisation d'une pièce du tarot par la jeune femme donne lieu à un chapitre. Il en résulte que le lecteur n'est jamais perdu dans les nombreux personnages qui ont chacun leur personnalité et un rôle bien défini à jouer en fonction de leur attribut. En outre, le choix de chapitres courts donne un rythme très plaisant à la lecture, les rebondissements s'enchaînant sans aucun temps mort.

Si Catherine Webb mène de main de maître la mise en scène, les interdépendances entre les personnages et la construction du récit, elle a une corde de plus à son arc, celle de l'écriture, irréprochable.
Je l'ai trouvé très visuelle, fluide, simple tout en étant très agréable à lire. A cela, j'ajouterais une petite pointe d'originalité supplémentaire par la narration à la première personne du pluriel, comme si l'histoire était racontée par des observateurs invisibles dont nous ferions partis.

*
Il faut d'autre part souligner l'esthétique du livre, comme celui du plateau de jeu sur lequel les candidats évoluent.
L'autrice donne un design actuel et immersif à son récit en mélangeant astucieusement l'atmosphère romantique et surannée de Venise et l'univers très actuel du jeu de rôle, comme si nous étions conviés à une sorte d'Escape Game grandeur nature.

J'ai adoré me balader dans cette ville pleine d'un charme baroque, désuet et pittoresque à la fois. Je me suis laissée emportée par la magie et le mystère de la lagune vénitienne, la magnificence des palais bâtis à fleur d'eau, malgré la crainte des ruelles sordides et sombres des quartiers mal famés.

« Elle court, elle court, elle court ! Il est heureux qu'elle connaisse bien cette cité car, à Venise, il est parfois difficile de trouver le soleil, les rues se tordent et s'enchevêtrent, les canaux sinuent de-ci de-là et leurs lents méandres trompent le voyageur innocent. »

*
Pour conclure, ce premier tome est une belle entrée dans la trilogie de la « Maison des Jeux ». Il s'achève en ouvrant une porte sur le second volume. Il ne m'en faut pas plus pour vouloir m'engager sur un nouveau plateau de jeu encore plus vaste, avec de nouveaux compétiteurs.

Si vous aimez les thrillers fantastiques originaux, les beaux décors, les intrigues complexes et prenantes, ne passez pas à côté de cette petite novella.

« Tout est hasard. La nature est hasard. La vie est hasard. La folie des hommes est de chercher des règles là où il n'y en a pas, d'inventer des contraintes là où aucune n'existe. Tout ce qui compte, c'est le choix. Alors choisis. Choisis. »

***
Merci à mes deux compagnons de route, NicolaK et Patlancien, observateurs à mes côtés.
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Venise, 17ème siècle : rien que ça, ça m'a fait saliver de convoitise au vu des avis de mes camarades.
Un brin de fantastique, une héroïne féminine : tout pour plaire.
Et ça m'a plu. Pas autant que je l'escomptais, mais ça m'a plu.
Thene n'a pas eu de chance dans la vie ; mariage forcé, mari odieux, joueur impénitent de surcroît.
Toutefois lorsqu'elle l'accompagne dans l'énigmatique Maison des jeux, elle y découvre une porte de sortie pour elle, vers la liberté : car elle est joueuse elle aussi, mais ce qu'on lui propose dépasse de loin la satisfaction de vaincre sur l'échiquier.
On lui propose un échiquier à la taille de la ville, un jeu de rôles parmi les hautes sphères. Et au contraire des échecs, il y a plusieurs adversaires et leur jeu est caché…
J'avoue qu'au bout d'un moment, la stratégie du jeu proprement dit m'a lassée ; l'action se borne à de multiples conversations et les obstacles tombent un peu facilement.
Mais j'ai beaucoup aimé l'écriture, qui choisit pour narrateur un "nous" plutôt émoustillant.
Et j'ai aimé surtout la façon dont Claire North dépeint l'atmosphère, le décor, les étroites ruelles vénitiennes et les palais aux pièces innombrables : j'y étais… !

Traduction de Michel Pagel.

Challenge ABC 2023-2024
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Venise, 1610.
Et, déjà, McKinsey aux manettes.
Fallait y penser. Claire North, alias Catherine Webb, l'a fait, et évite toute accusation de complotisme, grâce à l'uchronie. Habile !

Cinq hommes de pouvoirs, tous briguant un siège au Tribunal Suprême, tous rivaux.
Et puis, il y a ce cabinet. On dit bien des choses à son sujet. Une succursale du Diable, murmure-t-on, quand d'aucuns vantent leurs méthodes peu orthodoxes.
Occulte ou pas, l'office s'est imposé dans le paysage politique. Peut-être parce que se priver de ses services quand ses concurrents y ont recours relèverait du suicide.

Ainsi pensent nos candidats, et chacun de faire appel aux « services » d'un conseiller.
Chacun ? Pas tout à fait, puisque l'un des cinq candidats refuse le deal. Un mystère à éclaircir.
Et ces conseillers. Tous émanant d'une même officine. Leurs missions opposées ne représentent-elles pas un conflit d'intérêts ?
Assurément, les pions sur l'échiquier sont nombreux, et ce ne sont pas forcément ceux qu'on pense. Quant aux propres motivations de McKinsey, bien malin celui qui les devinera.


Bon, remplacez McKinsey par une non moins sulfureuse Maison des jeux, l'uchronie par une discrète Fantasy, et on y est !
Une Maison des jeux qui tire elle aussi son pouvoir de l'argent et de l'influence.
Une Maison des jeux tentaculaire et nébuleuse
L'autrice aurait pu jouer la facilité en reproduisant l'opacité qui caractérise le cabinet américain si souvent consulté. Ce n'est pas le cas et, pour notre plus grand plaisir, elle nous emmène dans le coeur de ce lieu mystérieux, dévoilant en partie ses arcanes. Car s'il est une règle dans la Maison des jeux, c'est que les règles doivent être claires, sues et comprises de tous les participants. Qu'elles soient équitables est une autre histoire...


Source de l'intrigue et lieu d'où irradie la Fantasy, la Maison des jeux est aussi le coeur du somptueux univers créé par l'autrice. Mais l'essentiel du roman est bien plus terre à terre et se déroule à l'extérieur de ses murs, dans les ruelles et sur les canots de la ville.

Et c'est là qu'on parle de la forme et du genre :
Nous suivons Thene, jeune femme diligentée par Mc... je veux dire, l'une des « joueuses », missionée pour emmener le candidat Angelo Seluda à la victoire.
Or, dans la forme, tout se passe exactement comme si Thene était une détective privée et Angelo son client. Thene enquête sur son propre client, sur ses concurrents, et finalement sur tous les personnages plus ou moins liés, ce qui inclut les autres « joueurs » de la Maison.
En bon détective, Thene s'appuie sur les témoignages et les services des personnages auxiliaires. La particularité ici est que ces personnages lui sont imposés par les règles du « jeu ». Ils sont d'ailleurs représentés par des cartes de Tarot. Ce sont ses « cartes » à « jouer », ou à « déployer ». La Maison des jeux s'arrange pour obtenir leur coopération.
Si l'on fait abstraction de ce verni en lien avec l'univers, il est frappant à quel point le texte du roman reprend les codes et les composantes du roman d'enquête classique, comme les Sherlock Holmes.
Et ce qui frappe encore plus, c'est que l'autrice n'en reprend que la pulpe. Ainsi, le texte est essentiellement une succession d'interaction (des dialogues) entre Thene, ses « cartes » et les autres personnages, où sont échangées les informations clés faisant évoluer l'enquête. Tout le reste est éliminé ou réduit à la portion congrue (description de lieux, déplacements, affects des personnages).
Est-ce que cela marche ? Curieusement, oui. Curieusement, car avec 8 « cartes » à jouer et 4 concurrents, la complexité des intrigues et le nombre de personnages demandent un effort de concentration important, et la densité des informations utiles n'arrange rien. Oui, car l'écriture est précise, le style plaisant, et l'univers captivant.


Le style de narration est très particulier, avec cette voix off qu'on trouve dans certains films. Ici, le procédé est encore plus spécifique, puisque la voix off est intimement liée à une caméra fictive représentant ce qui nous est donné de lire ou de voir. Un procédé qui fonctionne très bien dans le film Dogville. Je ne l'avais encore jamais vu en littérature, et le résultat est pour le moins surprenant. Déstabilisant au départ, je l'ai trouvé parfois agaçant, cela donne l'impression d'un outil magique permettant à l'autrice d'ignorer royalement les contraintes narratives habituelles. Dans les faits, la caméra suit la plupart du temps Thene, mais se permet quelques escapades, et parfois elle s'interdit certaines conversations. Au crédit de l'autrice, son style très libre et inventif, servi par une écriture précise, fait bien passer cette narration off. de plus, celle-ci est peut-être justifiée par l'intrigue elle-même, mais ce n'est qu'une spéculation à ce stade de la trilogie.


L'écriture est travaillée, avec un vocabulaire et langage qui rend très bien le lieur et l'époque :

« Je me suis entretenue avec certaines dames qui ne font guère d'efforts pour déguiser les raisons de leur présence. »


Les petits défauts maintenant :

Peu d'empathie pour les personnages, ce qui est une conséquence du choix de ne présenter presque exclusivement que les faits et le déroulement de l'intrigue. Même Thene, le personnage principal, souffre de ce problème, mais dans son cas, c'est plus lié à sa personnalité, tout en retenue.

Divers aspects peu crédibles ou inexpliqués :
- le Serpent, c'est qui ???
- On parle à un moment d'un garçon assassiné et néanmoins enterré avec sa bague.
- Page 75, on lit que la Maison n'est là que depuis quelques mois, or deux personnages au moins affirment y avoir joué dans le passé.
- Malgré l'introduction censée expliquer la forte personnalité de Thene, on a du mal a comprendre comment elle se révèle subitement si clairvoyante et si habile à manoeuvrer politiquement. Elle semble aussi savoir plus de choses sur la ville et ses habitants qu'une femme de sa condition.
- Basiquement, qu'est-ce qui empêche un personnage mécontent de mettre son poing dans la gueule (au minimum) à la Maîtresse des jeux ?


C'est globalement une très belle découverte pour moi que le premier tome de cette trilogie.
J'imagine que les suivants reprendront exactement la même structure (ce serait logique).

L'idée d'associer intrigues et jeux de pouvoir avec les cartes du jeu de Tarot (et ses personnages) évoque furieusement le grand classique de Roger Zelazny : le Cycle des Princes d'Ambre.

Quant à l'idée classique d'une entité ou d'une communauté tirant les ficelles de la civilisation à travers l'histoire, Ugo Bellagamba en donne un bel exemple dans « L'origine des victoires ».
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Bien souvent, entre moi et une novella de chez le Bélial, ça passe ou ça casse. Ici, ça passe tout en cassant la baraque !

Cette novella fantastique a tout d'un Game Of Thrones (en version non sanguine), tant la politique et les manipulations en tout genre sont légion.

Le plus haut poste est à pourvoir, au Tribunal Suprême et les prétendants au trône sont des pions que quatre joueurs vont déplacer au fil du jeu, utilisant d'autres personnes comme des cartes à jouer.

Thene, notre joueuse, est une jeune fille juive, mariée de force à un crétin qui avait des vues sur son argent. Si son mari perd des sommes indécentes au jeu, Thene, elle gagne et c'est pourquoi elle sera choisie pour participer à ce jeu grandeur nature, mis au point par la mystérieuse Maîtresse des Jeux, la maîtresse de la Haute Loge.

Ce jeu, c'est comme un jeu d'échec grandeur nature, une sorte de partie de cartes, un jeu de tarot, sauf que c'est tout ça, sans être ça… C'est le jeu des rois. le principe est de faire gagner son pion, oups, pardon, sa pièce. Interdiction de tuer l'adversaire.

Thene est une jeune fille intelligente, attachante, même si on saura peu d'elle (comme quoi, il est possible de créer des personnages attachants sans en dire trop).

La novella se suffit aussi à elle-même, avec peu de pages (154), tout est dit : le suspense est maîtrisé, le jeu est abouti, d'une grande stratégie, les personnages clairement identifiables, l'univers est riche, travaillé, ce qui donne un jeu politique des plus subtils où rien n'est jamais vraiment sûr et où les illusions pourraient être présentes. Politique et illusion sont des synonymes.

On est tellement pris dans le récit que l'on arrive à oublier que les pions sont des êtres vivants et que c'est avec leur vie que l'on joue, puisque ceux-ci sont redevables à la Maison des Jeux et qu'ils sont "prisonniers" des tentacules de la maîtresse. Et on peut tenir les gens de mille et une façons.

Et puis tout à coup, paf, l'autrice nous rappelle que ce ne sont pas des numéros ou des cartes à jouer, mais des êtres humains ! Merci pour cette piqûre de rappel au travers des pensées de Thene.

Bravo aussi d'avoir mis une femme en premier plan, alors qu'à cette époque, la femme n'avait aucun droit et on nous le rappellera quelques fois, notamment au travers du comportement des hommes. Une femme est sous-estimée, ce qui est une grave erreur (mais pas grave, continuez de le penser).

Une novella magistrale, faite de complots, d'alliances, de crochets du pied, de poignard dans le dos, de pardon ou non, de stratégie implacable, de calculs savants, de lâcher prise pour mieux sauter, de retournements de situation, de réflexions poussées…

C'est implacable, c'est retors, c'est magistral et on le lit d'une traite afin de savoir ce qui va se passer.

Le petit plus est ce narrateur, qui semble tout observer, être omniscient et qui s'adresse à l'héroïne Thene comme s'il était une sorte de Jiminy Cricket virevoltant autour de sa personne.

Une lecture captivante, une lecture où le fantastique est présent, mais c'est ténu, tout en étant une pièce maîtresse de l'échiquier. Pas de magie à la HP, mais un univers qui est clairement différent et où certaines choses sont possibles, comme de vivre très longtemps.

Une fois de plus, j'ai bien fait de persévérer avec les novellas de cette collection. Ce n'est pas toujours des rencontres marquantes ou appréciées, j'ai eu mon lot de déception littéraire, mais quand ça paie, ça paie bien !

Lien : https://thecanniballecteur.w..
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Dans une Venise du XVIIe siècle, une femme, Thene se voit proposer de jouer à un jeu à l'échelle de la ville, le jeu des Rois. Elle est opposée à d'autres joueurs, chacun d'entre eux ayant accès à des Atouts leur permettant d'avancer dans le jeu.
Cette série avait attiré mon attention par sa couverture, son résumé mais même si l'intrigue est assez prenante, l'ensemble reste froid, beaucoup de points sont sous-entendus, peu d'émotions. J'ai pourtant aimé le concept : comme une partie d'échecs, il faut prévoir ses coups d'avance à la différence qu'on ne peut que spéculer sur les coups des adversaires.
Peut-être lirai-je la suite dans quelques temps...
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J'aime beaucoup les concepts de Claire North. C'est avec Les quinze premières vies d'Harry August que je l'ai découverte. Devant le succès de la maison des jeux, je n'avais que d'autre choix que de me plonger dans le serpent, le premier tome. Qu'ai-je pensé de cette plongée dans la Venise des jeux ?
Dans la Venise du XVIIe siècle, les guerres de pouvoir font rage. Alors quelle meilleur endroit pour les paris les plus fous ? Thene, jeune femme brillante promise à un avenir sombre au bras d'un ivrogne joueur, découvre la Maison des Jeux, un lieu qui peut lui offrir la liberté dont elle rêve. A condition de faire un pari grandeur nature qui influera fortement sur la politique de la ville. Concept très original et ludique dans tous les sens du terme, ce premier tome de la maison des jeux nous entraîne dans une histoire de manipulation, de stratégie et de quête de pouvoir.

Thene possède un certain nombre de cartes en mains, qui sont littéralement des personnes qui doivent lui obéir. Fille d'une juive, jeune femme à la merci d'un homme plus âgé, c'est son talent au jeu qui lui permet de s'élever. Grâce à sa connaissance fine de la psychologie humaine, elle se tire de situations impossibles face à des adversaires qui semblent à première vue avoir plus d'atouts. Thene est un personnage comme je les aime : une femme débrouillarde capable de tirer le meilleur de ce que le sort lui glisse entre les mains.

Bien que court, le récit permet aussi bien de mener l'intrigue principale que de disposer les premières pièces de la suite. En effet, on sent que ce court livre reste une introduction à un univers que l'on sent plus vaste. L'aspect fantastique est bien dosé, à travers quelques conversations entre Thene et d'autres membres de la maison des jeux. le serpent permet de bien comprendre le fonctionnement de ce lieu, mais sans pour autant aborder le pourquoi, hormis la passion, la fièvre du pari et du jeu. Une affliction très bien décrite, tant tous les sacrifices sont admis.

Le mystère reste d'autant plus entier qu'il est sous-entendu qu'un plus important se joue à une échelle bien supérieure. L'écriture subtile et bien rythmée de Claire North, malgré la narration déstabilisante par le « vous », permet de bien nous immerger dans cet univers empli de duplicité. Même le narrateur, qui nous invite dans ce monde opaque de gens qui ne cessent de parier plus, jusqu'à leur perdre leur propre existence, ne révélera pas son identité. Il n'y a que les joueurs et le jeu, ce qui donne encore plus envie de lire la suite.

Une fois de plus, Claire North propose un concept intrigant bien mené. Avec une écriture précise à la narration surprenante, elle nous plonge dans une guerre de pouvoir dans la Venise du XVIIe siècle. Thene recherche la liberté, et le parcours de cette joueuse habile qui sait tirer tout le potentiel des cartes qu'elle a en main est proprement fascinant. Il reste beaucoup de mystères à explorer à la fin de cette novella. Car les enjeux des paris semblent illimités, et d'autres parties se jouent en coulisse.

Lien : https://lageekosophe.com/202..
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Une novella très fluide, très agréable à lire, autour d'un lieu mystérieux, la maison des jeux, dans une Venise du XVIIe siècle.
Et si les jeux de pouvoirs de notre monde étaient en fait joués réellement par des joueurs de la maison des jeux à qui on donne des pions pour réussir leur coup? Est-ce que tous les coups seraient réellement joués d'avance, ou est-ce qu'ils dépendraient réellement du talent de ceux qui les jouent?

Le fond du mystère ne sera pas révélé dans ce tome 1, qui nous laisse spéculer, mais voici une très belle intrigue menée de main de maître tout en étant racontée avec un peu de second degré. Surprise au moment où l'héroïne joue ses cartes maitresses (au propre et au figuré), surprise au moment où elle joue sa pièce mystérieuse.
Est-ce une préscience de la maison des Jeux qui lui a accordé les bons pions? Ou est-ce que l'héroïne, Thene, se sert particulièrement bien des atouts qu'on lui a confié?
Mine de rien, nous avons une histoire sur le destin et sur le déterminisme, et sur comment se jouer du destin, et tromper le déterminisme.
La juste longueur pour un polar fantastique qui ne reste qu'à la frontière du fantastique mais avec la juste émotion, il tient ses promesses.
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Je rejoins les avis positifs, et je partage l'engouement autour de ce premier opus. Pas un coup de coeur - j'en ai très rarement ! - car il me faut attendre de savoir si un livre m'a réellement marqué en me hantant longtemps après.

Néanmoins, si je ne commente jamais avant d'avoir fini tous les tomes d'une histoire pour éviter de radoter (ou de balancer des banalités même si je le ferai quand même), je dois avouer être conquise par ce récit m'ayant totalement embarqué dans les ruelles de Venise, ses masques, ses complots, ses méandres tout en distillant assez de curiosité pour la suite, même si le troisième tome semble avoir moins convaincu.

Malin d'avoir utilisé le plateau de jeu à cette époque très représentative, d'utiliser le lecteur comme témoin en apportant une petite note jubilatoire du “pas vu, pas pris”, ainsi que des mises en abyme du jeu dans le jeu. Il est donc temps pour moi d'assister à une seconde partie, si vous me le permettez…
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Extrait de ma chronique :

"C'est en effet un style de bonimenteur, dont le sérieux peut parfois interroger ; mais quoi de plus approprié pour un ouvrage qui parle avant tout de jeux, et de leur impact secret sur nos vies ? quoi de plus approprié aussi, comme le fait remarquer Stéphanie Chaptal, pour une histoire qui recourt aux "intrigues vénitiennes camouflées derrière des masques, comme des pièces de théâtre" ?


Ceci dit, tout comme le style filmique en apparence froid de Kiyoshi Kurosawa n'empêche pas l'émotion de survenir, en dépit ou peut-être à cause de cette froideur même (voir Real), la narration distanciée de Claire North, écho de la façon dont l'héroïne essaye de tenir ses émotions à distance, parvient souvent à nous toucher, pour peu que nous soyons capables de lire sous la surface des choses.


Plus précisément, l'émotion naît des rapprochements que nous sommes capables d'effectuer entre deux passages, en apparence bénins mais en fait cruciaux pour l'évolution de l'héroïne, par exemple page 12 ("elle ne chanta plus jamais") et page 63 ("en attendant, Thene fredonne à voix basse la berceuse de sa mère – presque sans le remarquer")."
Lien : https://weirdaholic.blogspot..
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