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4,05

sur 363 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Beau, réjouissant et brillant, ce premier tome de la Maison des jeux m'a totalement charmée et m'a amenée dans la Venise du XVIIème siècle, lagune envoutante avec ses ruelles embrumées au charme suranné, ses effluves de marais et ses canaux, cadre idéal pour se perdre et pour observer, caché derrière un masque à long nez ou des voiles d'argent tressé, un jeu à l'échelle de la ville. Un jeu combinant Échecs et Tarot où les pièces et les atouts sont… humains, vivants, pièces de chair, de sang, et de sentiments, des pièces « d'entrailles et de douleur ».
La collection Une heure-Lumière des éditions du Belial' n'en finit pas de me surprendre. Parmi les titres découverts, si je ne les ai pas tous aimés de façon égale, tous ont eu le don de m'étonner…et ce livre-là, décliné en 3 tomes, a sans conteste pour l'instant ma préférence.

Ce tome du Serpent démarre avec l'histoire, tragique, d'une jeune femme juive dénommée Thene, mariée par arrangement et convenance au vieil Jacamo de Orcelo, un vénitien mauvais, alcoolique, coureur de jupon et endetté. Il mène à sa femme, par qui il a eu une dot épongeant ses dettes, une vie dénué d'amour, une vie d'humiliation, de brimades et de violence, se vengeant par là des moqueries de ses pairs qu'il subit pour ce mariage arrangé avec une juive.
Thene endure son calvaire avec résignation et patience ne laissant rien paraitre de ses émotions, impassibilité qui le don d'énerver au plus haut point Jacarmo.
Afin de lui montrer avec ostentation la façon dont il dilapide l'argent du ménage, argent qui provient de la famille de sa femme, afin, pense-t-il, de la faire souffrir enfin, il l'emmène un jour avec lui à la Maison des jeux, établissement vénitien réputé où se terrent dans les coins sombres les prostituées, où le son de la musique et des brouhahas, le bruit des dés lancés et des cartes rabattues le disputent aux odeurs de viande. Alors que son mari ne cesse de se ridiculiser, perdant chaque soir au jeu totalement ivre, Thene se découvre un véritable don pour le jeu. Soirée après soirée, elle joue, elle gagne, est observée, repérée puis invitée à la Haute Loge, salle réservée aux invités, derrière la Porte d'Argent. Là, dans cette alcôve secrète et élégante, l'énigmatique Maîtresse des jeux propose aux rares élus de jouer beaucoup plus grand, de jouer pour leur voeu le plus cher, quel qu'il soit. Pour Thene, le voeu le plus cher est la liberté et l'affranchissement.


« Pourquoi jouez-vous ?
– Pour être libre
– de quoi ?
– Mon mari . Ma famille. Mon sang. Mon nom. Tout cela. Pour être…puissante. Je ne parle pas du pouvoir pour le pouvoir, mais plutôt en tant que force. La force d'être reconnue pour moi-même, de vivre pour moi-même, d'être moi-même comme on ne me l'a encore jamais permis. Voilà pourquoi je joue ».

Ils sont 4 joueurs élus, un seul sera choisi pour une place dans la Haute loge. Pour cela, ils doivent gagner une partie du jeu des Rois consistant à placer le premier, ou la première, leur Roi qui leur a été désigné par la Maitresse de jeu. Il s'agit d'une personne puissante à Venise qui doit prendre la place d'inquisiteur au Tribunal Suprême, celle-ci venant d'être vacante. 4 candidats de force plus ou moins égale vont briguer ce titre. Il faut donc être le ou la plus rapide à faire accéder son Roi à cette fonction, ou être celui ou celle qui écarte le plus rapidement les autres Rois, en les affaiblissant ou pourquoi pas en les tuant.
Des Atouts ont été également choisis et mis à leur disposition pour les aider, savoir les jouer au moment opportun s'avère capital. Chaque Atout est un personnage ayant eu des déboires dans le passé avec la Maison des jeux et ayant une dette envers celle-ci. de ce fait, ils lui sont redevables, doivent payer leur dette en devenant un Atout du jeu que le joueur joue à sa guise lui demandant des services précis. Il s'agit de savoir utiliser ses spécificités et ses forces. Les Atouts sont des cartes de Tarot personnifiées.
Thene arrivera-t-elle à placer son Roi, le fameux Seluda, chef d'une maison commerçante, soixante et un ans, cheveux gris et barbe longue, membre du Collegio ? Quelle stratégie va-t-elle déployer pour parvenir à la victoire ?

La Maison des jeux est un récit sensoriel et le sens mis en valeur dans ce livre tout particulièrement est celui du regard…regards volés, regards louvoyant derrière un joli loup, regards en miroir lorsque sous un masque de carnaval des yeux nous regardent en train de les regarder, regards de biais, caché et masqué, le narrateur semble observer Thene avec nous, nous invitant, par le biais de susurrements et de murmures, à bien observer cette femme, cette stratège hors pair, à notre tour. Oui, nous sommes nous-mêmes observateurs, lecteurs pris à partie, en duo avec le narrateur, nous-mêmes cachés et masqués…D'où l'utilisation régulière de ce « Nous » qui, dès l'incipit, nous implique, en tant que témoins et juges, nous fait plonger dans cette ville tentaculaire avec Thene, observateurs en arrière-plan, derrière les piliers de certains palais, au détour d'une ruelle, depuis une gondole…Cette prise à parti d'observation masquée crée une ambiance feutrée et mystérieuse apportant beaucoup de singularité au récit.

« Venez. Observons ensemble, vous et moi. Nous écartons les brumes. Nous prenons pied sur le plateau et effectuons une entrée théâtrale : nous voici ; nous sommes arrivés ; que fassent silence les musiciens, que se détournent à notre approche les yeux de ceux qui savent. Nous sommes les arbitres de ce petit tournoi, notre tâche est de juger, restant en dehors d'un jeu dont nous faisons pourtant partie, pris au piège par le flux du plateau, le bruit sec de la carte qu'on abat, la chute des pions ».

Je suis impatiente de lire le second tome de cette trilogie particulièrement novatrice et originale à l'ambiance délicieusement désuète. Pensez à noter, au cours de votre lecture, les Rois en présence, leurs forces et leurs faiblesses, ainsi que les Atouts...cela rendra le jeu plus clair, la stratégie plus limpide. Mais sinon perdez-vous avec délice dans cette Venise labyrinthique ourdie d'alliances étonnantes, de corruption, de coups stratégiques, de rumeurs plus ou moins fausses, de chantages, et surtout observez bien et tous les mystères vous seront révélés…

"Les pièces vont et viennent, seul le jeu est éternel !"
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J'ai lu La Maison des Jeux - le serpent, premier tome de la trilogie et j'utiliserai une expression rarissime chez moi, ce fut un gros coup de coeur.
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Pour tout vous dire, j'ai dû retirer un Stephen King des livres à emporter sur mon île déserte pour y placer cette novella.
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Pourquoi ai-je donc choisi ce roman alors que la couverture et le titre nous annonce clairement qu'il s'agit d'échecs et que de ce jeu de stratégie, je ne connais que le nom des pièces... même qu'il y a un cheval (n'est-ce pas, Éric ?) ?
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Eh bien ma Cricri (Hordeducontrevent) m'a saisie dans les fils de la toile de son retour et je l'en remercie.
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Nous sommes à Venise en 1610, et un "observateur" nous narre l'histoire de Thene, fille d'un marchand d'étoffe et d'une Juive, qui fut mariée à 15 ans à Jacamo de Orcelo, lequel disposait d'un titre à défaut d'argent.
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Simili noblesse contre dot, c'était courant à l'époque.
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Non seulement ce mari était trop âgé pour elle (38 ans), mais il avait à peu près tous les défauts du monde. Odieux avec sa jeune femme, il picole, joue et la trompe à tout va.
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C'est un soir où Thene le suit qu'elle découvre la Maison des Jeux...
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L'observateur nous entraîne avec lui et utilise le "nous", ce qui accentue encore l'implication du lecteur dans l'histoire.
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Comme dit plus haut, nous sommes donc à Venise, cité magique et mystérieuse, avec ses ruelles tortueuses, son eau pas vraiment propre (mais c'est un détail), ses habitants qui portent un masque la nuit.
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Claire North / Catherine Webb (c'est la même) a un remarquable talent pour nous décrire l'ambiance qui règne dans la ville et je m'y suis d'autant plus immergée que c'est ainsi que j'imagine Venise, moi qui ne suis jamais allée en Italie.
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Pour résumer, entre la plongée dans Venise que je ne connais pas, les échecs et le tarot, auxquels je ne sais pas du tout jouer, je suis allée de ravissement en ravissement en parcourant ces pages.
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Il y a du mystère donc, du suspense... les personnages sont remarquablement décrits, on s'attache à certains, on en déteste d'autres, peu importe mais on ressent énormément de choses.
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Justement d'ailleurs, à propos des personnages, j'avais craint de ne pas m'y retrouver et ai noté les noms au fur et à mesure, mais ça ne m'a servi à rien parce que l'auteure rappelle habilement qui est qui chaque fois qu'on en rencontre un et moi qui suis perdue dès qu'il y a plus de 3 pékins, je n'ai rencontré aucun problème.
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Pour résumer, je conseille vivement ce livre à tout le monde.
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Je vous invite à venir dans la Venise du XVIIème siècle, précisément en 1610.
C'est le décor de ce premier opus, La Maison des Jeux, tome 1 : le serpent, écrit par Catherine Webb.
C'est une Venise insolite, mystérieuse, envoûtante...
Un observateur nous raconte une histoire et j'ai eu l'impression déstabilisante que peu à peu, cet observateur, c'était moi. Je prenais sa place, j'empruntais ses pas, j'entrais dans le récit, j'étais dans cette Venise du XVIIème siècle. Une jeune femme juive du nom de Thene me prenait déjà la main pour ne plus la lâcher jusqu'à la fin du récit...
Mes premiers pas sur les pages de ce récit m'ont fait découvrir cette jeune fille fragile, déjà humiliée, violentée alors qu'elle est à peine mariée avec ce vieil homme endetté, falot, aigri, Jacamo de Orcelo qui s'apprête à dilapider la dot de sa jeune femme dans l'alcool et le jeu...
Venise, XVIIème siècle, comme si le monde n'avait jamais changé depuis...
Tandis que les fortunes se font et se défont autour des tables de jeux, là où précisément Jacamo de Orcelo se saoule, se ridiculise et s'endette, il est un endroit supérieur où d'autres enjeux se tiennent.
Au coeur de cette Venise indomptable et rebelle, honnie de la papauté, j'ai vu cette femme changer de visage et le cacher brusquement derrière un masque, ses pas étaient déjà loin, fuyaient pour se réfugier dans cet étrange lieu qu'on nomme la Maison des Jeux.
Qui a-t-il derrière les portes dorées de cet étrange endroit où des joueurs venus de tous les horizons viennent jouer ? Mais jouer à quels jeux ?
Backgammon ? Dames ? Échecs ? Ici il serait question que les pièces soient de vrais personnages réels, bien vivants et que la scène de jeu soit la vie, la vraie vie telle qu'elle se joue, c'est une partie qui se joue où la vie, le temps et l'âme servent de monnaie, où le jeu met en scène le monde, ses protagonistes et ses vertiges.
En franchissant les portes de ce lieu, Thene est prête à tout accepter, qu'aurait-elle à perdre d'ailleurs ? Elle sait que les règles du jeu sont dangereuses. Elle a, au contraire, tout à gagner. Son quotidien est sordide. Son horizon ne connaît pas de limite.
Pour cette femme bafouée, je suis entré en empathie, j'aurais tant voulu la protéger, prendre soin d'elle. Je savais qu'elle prenait des risques. Mais peser un enjeu, c'est aussi savoir ce que l'on peut perdre, ce que l'on peut gagner dans cette histoire, soupeser, faire un choix, prendre un risque...
Alors, je me suis perdu dans les mirages de la ville historique de Venise, dans ses rues sombres et solaires, dans ses méandres insoupçonnées.
« Venise, la nuit.
Peu de villes sont à la fois plus belles et plus laides dans le noir. »
J'ai revêtu alors le masque de celui qui observe...
Car Venise sans les masques, c'est un peu comme un dessert sans chocolat.
Je suivais Thene, je la voyais sans cesse s'enfuir, dans l'esquive, comme une ombre se fondant dans l'ombre de la ville...
Et puis je l'ai vu jouer, se prendre au jeu, j'étais si proche d'elle que je sentais les battements de son coeur, je les entendais presque, tandis qu'elle jouait. J'étais si proche d'elle que je pouvais désormais recueillir ses confidences...
Ici, la vie à Venise ressemble sans cesse à un denier qu'on jette en l'air et selon le côté où il retombe il peut entraîner la vie ou la mort, que l'on soit fou ou que l'on soit sage. C'est un jeu simple qui laisse libre cours au hasard.
Venise est un territoire aux rivages insensés.
Ombres et lumières.
Eaux et vases.
Beauté et sang.
Venise est une cité soumise aux marées, à celle des eaux, à celle des âmes.
Eaux sans fond, ténèbres, vase, limons, lagunes...
Que deviennent les visages lorsque les masques tombent ?
Est-ce que la vase des lagunes les emportent ?
J'ai aimé le personnage de Thene, son abnégation, sa volonté, sa dignité.
J'ai aimé plonger avec elle dans un récit qui ne cesse d'être intrigant, tandis que les rues de Venise n'en finissaient pas de me perdre...
Des rayons de soleil traversent en oblique les hautes fenêtres du palais du doge, c'est le moment propice où j'ai perdu de vue Thene qui continuait de s'enfuir, toujours. Je la savais peut-être enfin délivrée de ses sortilèges.
Plus tard, plusieurs siècles plus tard, je suis revenu refermer ce livre qui était resté ouvert par mégarde durant tout ce temps-là, comme abandonné. J'avais l'impression que son parfum était encore là. Lorsque j'ai refermé le livre, il s'est transformé en sable et le sable a glissé entre mes doigts comme un serpent...
Vite ! le deuxième opus...
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La collection Une Heure-Lumière n'en finit pas de nous surprendre.
Après un Lucius Shepard halluciné (Le Livre écorné de ma vie) et un Adrian Tchaikovsky labyrinthique (Sur la route d'Aldébaran), voici que débarque Catherine Webb (alias Claire North) avec une trilogie de novella intitulée La Maison des Jeux. le premier volume, le Serpent, nous transporte à Venise en 1610 alors qu'une impitoyable succession se prépare après la mort de Stephano Barbaro, inquisiteur au Tribunal Suprême…

Le Jeu des Rois
Mais revenons d'abord au tout début.
Le Serpent, c'est avant tout l'histoire de Thene, une jeune fille juive mariée par convenance à Jacamo de Orcelo, un Vénitien endetté et médiocre qui transforme sa vie en un calvaire silencieux et brutal.
Un jour, le mari et l'épouse franchissent le seuil de la mystérieuse Maison des Jeux, un établissement réputé de la Sérénissime où tout se joue.
Tandis que Jacamo se ridiculise une fois de plus et dilapide la fortune qu'il lui reste, Thene se découvre un don pour le jeu. Rapidement, elle comprend qu'on l'obverse et que les arbitres de l'établissement trient le bon grain de l'ivraie sans mot dire.
Elle parvient ainsi de l'autre côté de la Porte d'Argent qui mène à la Haute Loge, là où le jeu prend une autre ampleur et où les joueurs parient bien davantage que des pièces ou des titres. Thene et trois autres talents se voient proposer de rejoindre la Haute Loge par la mystérieuse Maîtresse des Jeux.
Pour se faire, il leur faudra jouer, bien sûr, mais avec des pièces différentes et pour un but bien plus grand. le jeu des Rois peut commencer.
Le lecteur pénètre ainsi dans la Venise du XVIIème siècle en compagnie d'un narrateur mystérieux qui semble observer notre héroïne. Une narration atypique, en « nous », qui offre immédiatement un cachet unique à l'entreprise de Claire North. Un premier pari osé mais gagnant qui entretient le mystère et ajoute une certaine élégance délicieusement désuète à l'écriture déjà magnifique de l'autrice (et impeccablement rendue par la traduction de Michel Pagel).
De ce « nous », le lecteur s'imprègne petit à petit jusqu'à ce confondre avec ce narrateur-voyeur qui semble tout connaître et tout (re)découvrir avec un plaisir non dissimulé, décortiquant les peines et les ambitions avec un bonheur égal.
Le Serpent prend alors l'allure d'une version fantasy de The Game de David Fincher, troquant l'environnement réaliste pour un terrain de jeu historique mais conservant jusqu'au bout l'aura paranoïaque du jeu en lui-même.

Du tarot dans mes échecs !
Ce jeu proposé n'a pourtant rien d'aussi simple qu'une partie de poker ou de dés. Thene se voit proposer de « jouer » avec des vies humaines pour pousser son avantage et permettre à son concurrent, sa « pièce », d'accéder au poste si convoité de Tribun. Claire North imagine que le jeu des puissants, celui de l'Église, des riches marchands et des nobles fourbes, n'est pas qu'une métaphore, il est réel, tangible et de machiavéliques individus masqués s'affrontent en coulisses pour le privilège d'intégrer la Haute Loge.
Le Serpent devient alors un jeu politique impitoyable au coeur d'une Venise où les coups bas et les trahisons se succèdent. Non seulement la novella utilise son contexte historique et sa ville emblématique pour sublimer son récit mais elle prend le parti d'aller au bout des choses en transformant le lecteur lui-même en un simili-arbitre qui s'amuse à prévoir les coups des uns et des autres tout en suivant la stratégie de l'héroïne, la formidable Thene.
C'est elle qui constitue le point d'ancrage du lecteur dans ce double jeu, celui des Rois et celui des puissances derrière La Maison des Jeux. C'est elle qui donne son humanité et sa puissance au texte pour nous permettre de ne pas rester en dehors du récit comme on suit une retransmission ou un match aux contours flous. Avec Thene, le lecteur comprend l'envie de gagner à tout prix, les enjeux derrière la valse politique, la sensibilité derrière le masque figé, le féminisme avant l'heure.
Le jeu devient un moyen de sortir de sa condition de femme-objet, une façon de tout risquer pour trouver une place qui lui revient de droit mais comme tout a un prix, le jeu inventé par Claire North est aussi celui de l'existence elle-même, un jeu qui coûte des vies humaines et cause des drames.
Car, comme on l'a dit, Thene joue une « pièce humaine », déshumanisant par la-même les autres atouts dans sa manche, les cartes qui sont autant de personnages redevables à la Maison des Jeux. Thene a l'occasion de se servir d'autres personnes, ce qui pourrait l'amener à les considérer comme des ressources sacrifiables sur l'autel d'un but qui les dépasse. Mais ce n'est pas le cas. Claire North refuse et montre les histoires cachées derrière ces « esclaves » qui s'ignorent. L'intensité dramatique vient non seulement de Thene et de son acharnement pour réussir à se libérer du joug de son existence, mais également des sacrifices qui seront fait, des sentiments qui seront trompés ou manipulés. Des vies qui seront perdues à jamais.

Même les Dieux saignent
Et puis au-delà de cette course truculente au poste de Tribun où le suspense reste à son comble jusqu'à la dernière page, il y a l'envie de Claire North d'ébaucher un monde plus vaste où deux puissances s'affrontent en silence : la stratégie et les plans machiavéliques de la Maison des Jeux et le chaos du hasard d'un mystérieux individu surnommé l'Oiseau. En imaginant que le monde est régit par des puissances qui nous dépassent (et en remaniant en un sens le principe même de Dieux), Claire North s'interroge sur la balance de l'univers et oppose deux visions de l'existence, deux façons de concevoir la course du temps : le hasard et le destin.
Les mystères qui entourent La Maison des Jeux et sa mythologie renforce encore le monde imaginé par l'anglaise et laisse largement de quoi faire pour les prochains volumes. Si pour l'instant le lecteur ne dispose que de bribes d'informations à propos de la Maitresse des Jeux et de ses objectifs, si l'on ne fait qu'entrevoir des joueurs de la Haute Loge vieux de plusieurs centaine d'années et que l'on devine des enjeux d'une importance invraisemblable, on est surtout captivé par l'utilisation impeccable de la théorie du complot par l'autrice, cette façon de fondre en un seul moule captivant un jeu des trônes, une manipulation dans l'ombre et une histoire à hauteur d'hommes. Une histoire capable de toucher et d'affirmer que même ceux qui jouent éprouvent haine, amour ou déception, que même les puissants ont des failles et des fêlures, que derrière L Histoire se cachent aussi des êtres de chair capables de pleurer et d'aimer.

Ce premier tome de la Maison des Jeux vous promet la quintessence de l'imaginaire, cette capacité à tordre les contours du réel pour mieux se jouer de son lecteur et l'entraîner dans une réflexion si vaste qu'il lui faut un récit à la mesure de l'humanité profonde de ses personnages et des enjeux qui les dévorent.
Claire North mise gros, Claire North ose, Claire North triomphe et impressionne.
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Venise. Dans toute sa splendeur et ses mystères. Et le jeu. le jeu ! Quel magnifique et puissant récit que Claire North nous offre là en nous faisant participer à cette partie d'échecs entre hommes et femmes agrémentée de cartes de tarot au sein des rues, ruelles et canaux de la Sérénissime.
On est pris dans ce jeu et emmené à toute vitesse dans cette mystérieuse partie où la ruse, les complots, les contrats, les alliances, se font et se défont. Les peurs, les doutes et les mystères rôdent.
Mais quelle partie !
On est totalement immergé dans ce récit écrit de façon remarquable.
Que nous offrira le tome 2 ?
S'il est de la même veine, quels beaux cadeaux !

La Maîtresse des jeux vous a choisi.
Les dés roulent.
Les cartes s'abattent.
Etes-vous prêt ?

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Venise, 1610.
Thene est une jeune épouse mal mariée. Son père a conclu un « arrangement » avec Jacamo del Orcelo, qui a un titre ancien mais dont la pauvreté est nouvelle. La dot de Thene est un appât irrésistible.
Son mari honteux d'avoir épouser une Juive va le lui faire payer. Il sera odieux à tout point de vue.
Un jour, Thene accompagne à sa demande Jacamo dans une étrange maison. Devant la froideur de sa femme à toutes ses rebuffades, il veut l'humilier en lui donnant à voir ce qu'il fait avec les prostituées, ce qu'il fait aux tables de jeux, imbibé d'alcool. Car cette maison sans âge est La Maison des Jeux. Dans la Basse Loge on joue aux dés, aux cartes, au mahjong, aux échecs… La Haute Loge n'est ouverte qu'aux initiés et tout ce que l'on sait est que les jeux qui s'y déroulent sont d'une autre nature.
Thene, qui se révèle être une bonne joueuse, est à son tour invitée dans la Haute Loge. Elle est conviée à participer à un jeu autrement plus tors qu'une partie de dames et dont l'enjeu est bien plus important qu'un simple gain pécuniaire.
Si elle se montre astucieuse, maligne, stratégique, elle peut l'emporter et ne gagnera rien de moins que sa liberté.
Prié d'accompagner le narrateur dans l'observation de cette partie, le lecteur est amené comme tous les protagonistes à endosser un masque afin d'observer le jeu en cours, les joueurs, les coups en préparation, les supputations sur ceux à venir, leur pièce et les atouts qui les aideront à l'emporter à condition de bien jouer, pas trop vite, de ne pas présumer de ses forces, qu'un adversaire ne lance à un coup tordu. .. et que le hasard fasse bien les choses.
Voici un court récit parfaitement construit, très bien écrit, qui livre juste ce qu'il faut d'informations pour suivre avec passion Thene dans les ruelles, les palais de Venise pour suivre cette partie grandeur nature.
Hâte de lire le tome 2.
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Venise, 1610. La Renaissance est derrière nous. Cette ville reste cependant un des centres de vie, de culture, de richesse et de pouvoir les plus forts de cette période. Mais tous n'en profitent pas de la même manière. Et surtout pas les femmes, simples marchandises échangées par les pères contre de l'influence, de l'argent. En tout cas, l'amour n'entre aucunement en ligne de compte dans tout cela. Thene a été « vendue » par son père, pas par mépris, mais parce que cela se faisait ainsi. Elle a dû épouser un vieil homme aigri et dépensier, qui la traite mal et, pour ne rien arranger, qui perd sa fortune dans les jeux.

Un jour, Thene se rend dans une maison de jeux un peu particulière. Une maison où, outre les jeux classiques, d'autres parties aux enjeux plus grands semblent se dérouler. Mais il faut être choisi pour entrer dans ce cercle fermé. Et Thene l'est, choisie. À son tour, elle va choisir de participer à ce qui devrait changer son existence. Enfin, une possibilité de reprendre une once de pouvoir, de passer de victime passive de sa vie à actrice aux pouvoirs exceptionnels. Car, vous l'aurez compris, la partie qui lui est proposée se déroule dans la vraie vie avec de vrais gens. Les pions sont des humains. Au participant de savoir employer ses pièces et ses atouts, avec finesse et audace. Mais toutes les cartes sont-elles réparties équitablement ? Et que cherchent les propriétaires mystérieux de cette maison ?

Ces questions, Thene se les posera à un moment de sa partie. Tout comme elle se demandera comment elle en est arrivée là. Comment un être humain, parce qu'il appartient au sexe féminin dans la société italienne de la toute fin de la Renaissance (voire un peu après), se retrouve privé de droits. Obligée d'épouser un homme qu'elle n'aime pas, qui ne lui montre aucune tendresse. Obligée de passer ses journées à attendre, à s'ennuyer, à rien. Obligée de servir de potiche. Obligée de supporter les incartades de son époux. C'est le portrait des femmes de cette époque qui transparaît dans cette novella. Ce n'est pas le centre de l'histoire, loin de là. Claire North ne s'appesantit pas sur cette situation. Elle s'en sert juste comme toile de fond, comme moteur pour son personnage principal. Mais cela crève les yeux. Et je n'ai pu m'empêcher de penser à la très bonne bande dessinée Peau d'homme D Hubert et Zanzim (2020), qui, elle, met au centre de son histoire la place de la femme et l'injustice flagrante de la condition féminine. Mais ce n'est pas l'intérêt premier du Serpent.

Non, l'intérêt premier du Serpent, c'est son intrigue si bien ficelée et si bien mise en mots. Dès le début, Claire North nous surprend : le narrateur (la narratrice ?) nous prend à partir, nous, lecteurs. Elle utilise les pronoms, rares en littérature, « nous » et « vous ». On ignore qui est le narrateur, la narratrice. On ne sait si c'est un joueur, une joueuse. On devine, on imagine. Je n'insiste pas pour ne pas imposer ma vision. Cela ajoute au sel de cette histoire. Car tout semble jeu, tout semble apparence. Quand on perce un voile, un autre apparaît. Mais l'essentiel est la partie que mène Thene : placer au pouvoir un candidat désigné par la Maison des Jeux. Tous les coups sont permis. Les connaissances des rouages de la cité des doges est vitale. La rouerie est également bienvenue. Suivre les coups distribués et reçus est passionnant. On se prend aussitôt au jeu, cruel et sans pitié, mais ô combien jouissif. Tels des dieux, les participants décident de la vie et de la mort d'habitants, de courtisans, de concurrents. À la différence d'un Sheckley qui, dans le Temps des retrouvailles, s'en prenait à la société de spectacle prête à jouer avec la vie de ses candidats, Claire North use pleinement de ce pouvoir quasi divin. La ville de Venise est un terrain de jeu et nous en découvrons les coulisses.

Le Serpent est le premier tome d'une trilogie déjà parue (donc pas de mauvaise surprise, sauf si les ventes de ce premier volume sont mauvaises, ce que je ne souhaite évidemment pas, au contraire). La suite est composée de The Thief qui se déroule en Thaïlande dans les années 30, pour une partie de cache-cache et de The Master qui prend place à notre époque et met en scène une partie d'échecs. Et, comme beaucoup de mes camarades qui ont déjà parlé de cette novella, j'ai hâte de découvrir les autres tomes, tant j'ai apprécié la lecture du Serpent, une belle découverte de ce mois de mars 2022.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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Plateau de jeu.

Venise 1610. Il s'y trouve un mystérieux établissement. On le nomme la Maison des Jeux. Tous les jeux possibles et imaginables s'y trouvent et il est possible de miser absolument tout. Quelques joueurs au don exceptionnel sont invités à faire partie de la Haute Loge.

Immense coup de coeur ! J'ai vu passer de nombreux avis enthousiastes sur Babelio au sujet de cette novella. Je ne peux qu'en rajouter un supplémentaire. Nous suivons Thene, épouse bafouée par son trop vieux mari, dans la Venise du XVIIe siècle.

Thene, fille de marchand, a été mariée de force à un homme bien plus âgé qu'elle pour sa dot. Ce dernier, noble sans terres, se venge de l'affront de ce mariage en prenant grand soin de dilapider la fortune de sa femme dans le jeu. Il emmène de force sa femme à la Maison des Jeux, pour l'humilier encore plus.

Peu à peu, Thene finit par jouer également. Son talent est tel qu'elle est invitée à jouer dans la Haute Loge. Pour y accéder, elle doit jouer au dangereux Jeu des Rois, où les pièces sont humaines et le plateau de jeu est Venise même.

J'ai été totalement happée par cette histoire. L'autrice manie sa plume avec un grand art. Venise est sublimée, on discerne ses mystères, on ressent la vie dans ses artères. Chaque pièce humaine est complexe. Chacune à sa propre histoire, chacune est devenue pièce suite à une cause différente.

Thene est également intéressante. Nous ne la connaissons que partiellement, mais elle est touchante au travers des bribes d'informations qui nous sont données. Elle qui semblait résignée à son sort, devient compétitrice redoutable.

Le narrateur est également intéressant. Il se désigne par "nous", mais ce "nous" reste un mystère. Qui est-il ? Comment a-t-il accès à tous ces lieux et aux pensées de Thene ?

Bref, cette novella m'a permis d'entrer dans un monde tout autre. J'ai hâte de lire la suite.
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Autrice anglaise connue pour Les Quinze premières vies d'Harry August, Claire North propose avec le Serpent un roman court mettant en scène une héroïne confrontée à des choix cornéliens et à sa soif de vivre, le tout dans l'écrin habituel des récits de la collection Une Heure-Lumière du Bélial' !

Héroïne cherche raison de vivre
Thene est l'épouse honnie de Jacomo de Orcelo, bourgeois endetté vivant dans la Sérénissime Venise du début du XVIIe siècle. Accompagnant son mari à la Maison des Jeux, elle découvre un monde où les enjeux divergent. Si la Basse Loge a tout d'un casino classique, la Haute sélectionne drastiquement ses joueurs, pour le bon plaisir de la Maîtresse des Jeux. C'est justement son cas et on lui propose de « jouer » au Jeu des Rois : à la manière d'un tarot où les cartes sont des alliés, des pions à utiliser dans la ville, Thene fait face à trois antagonistes qu'elle ne connaît pas, dans une lutte acharnée pour faire triompher son Roi (un aristocrate vénitien) et l'asseoir au poste de Tribun. Plus qu'un divertissement aux considérables enjeux, il s'agit aussi pour Thene de se trouver une raison de vivre plus longtemps, autrement que cette vie de femme bafouée, mais au prix sûrement de pertes qu'elle n'imagine pas encore. Toutefois, au fur et à mesure que le jeu des Rois se déploie, elle comprend que l'égalité de départ n'est que de façade et que bien des dés ont déjà été lancés…

Jeu d'intrigues et de vitesse
Coups bas, corruption et coups de théâtre sont autant d'armes entre les mains de Thene et de ses concurrents pour mettre au pouvoir l'homme qui leur sert d'étendard. Chaque personnage est une pièce de l'intrigue prenant le surnom d'un élément de tarot (la Reine de Coupe, la Tour, le Valet d'Épée, le Fou, le Trois de Deniers, etc.) ; leur histoire, souvent tragique, vient justifier leur embrigadement dans cette aventure macabre (c'est l'occasion à chaque fois d'un portrait brossé en quelques phrases mais redoutablement efficace). Il en est ainsi du simple aspirant pris dans les filets de l'intrigue à cause d'une simple dette, comme du puissant intrigant qui cherche à s'accommoder la Maîtresse des Jeux : Seluda, Belligno, Contarini, Faliere et Tiapolo sont autant d'aristocrates issus de la bourgeoisie marchande vénitienne qui tentent par tous les moyens de s'adjuger le pouvoir sur la Sérénissime. L'autrice en profite pour approfondir notre connaissance des enjeux politiques et économiques de la société vénitienne renaissante : la puissance du commerce vers l'Orient et les Turcs ottomans, les bas coups liés aux vendettas familiales et même quelques stratégies matrimoniales, plaçant ça et là contre leur gré des filles bien nées mais mariées de force. de plus, en toile de fond, on devine que La Maison des Jeux correspond à une institution plurimillénaire qui s'insinue dans les arcanes du pouvoir à son seul profit en usant de tout moyen, même magique. La narration, rythmée et implacable, maintient la tension jusqu'à la fin, dans un format dense et concis parfaitement adapté à cette belle collection Une Heure-Lumière dont l'illustration de couverture d'Aurélien Police sert admirablement le propos et l'envie de lire.

Le Serpent est donc un récit ô combien palpitant, dont deux suites sont en cours de traduction par Michel Pagel (pour automne 2022 et hiver 2023).

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Chez la collection Une Heure Lumière du Bélial, on ne compte plus le nombre de pépites dénichées aussi bien parmi les auteurs français qu'étrangers, du « Ormeshadow » de Priya Sharma à « Vigilance » de Robert Jackson Bennett, sans oublier les deux tomes de « Molly Southbourne » de Tade Thompson ou le « Symposium inc » d'Olivier Caruso (pour ne parler que des plus récents). « Le Serpent » de Claire North se hisse sans mal à la hauteur des oeuvres précitées, et inaugure une trilogie passionnante mêlant histoire et fantasy. L'intrigue de ce premier tome se déroule à Venise, en 1610, où l'on fait la connaissance d'une jeune femme, Thene, menant une vie morne suite à un mariage malheureux avec un époux qui la méprise et dilapide son argent dans l'alcool et les jeux. Agacé par l'apparente indifférence de son épouse, et désireux de l'humilier encore davantage en lui faisant assister au gaspillage de sa fortune, le mari l'entraîne régulièrement dans une institution vénitienne fort prisée mais aussi fort mystérieuse, la Maison des Jeux. Divisée en deux espaces, la Basse et la Haute Loge, l'endroit offre la possibilité de tester toute sorte de jeux, des plus anodins aux plus stratégiques, pour des enjeux d'importance là aussi très variable. Incitée à jouer à son tour par un étrange personnage qu'elle affronte nuit après nuit, la jeune femme se découvre très vite un talent pour le jeu, ce qui lui permet d'accéder à la très select Haute Loge, dans laquelle se déroule des parties bien différentes. Pour y être admise à titre définitif, Thene va devoir s'opposer à trois adversaires dans une partie d'échec grandeur nature. En effet, une place d'inquisiteur au Tribunal Suprême vient tout juste de se libérer à Venise, et quatre candidats de force plus ou moins égale briguent le titre. Chaque joueur se voit alors attribuer un prétendant, mais aussi des pièces qui correspondent à de véritables habitants de la ville, tous d'anciens joueurs ayant contractés une dette auprès de la Maison des jeux et que Thene et ses homologues vont pouvoir utiliser à leur guise pour que leur « roi » puisse remporter la partie. Que le meilleur gagne !

L'intrigue tourne essentiellement autour des luttes de pouvoir auxquelles se livrent de puissantes familles, une thématique somme toute assez classique en fantasy mais dont l'intérêt se trouve ici renforcé par l'aspect « jeu d'échec ». La partie à laquelle se livre l'héroïne est captivante, pleine de rebondissements et de coups de théâtre inattendus, et permet au lecteur de profiter d'une splendide visite dans cette Venise du début du XVIIe. Mais davantage que le décor, ce sont les personnages qui suscitent avant tout la curiosité. Spadassin volubile mais implacable, gratte-papier à priori insignifiant mais connaissant tous les potins qui agitent la ville, religieuse au passé trouble ou prostituée de luxe ayant des oreilles partout : les différentes « cartes » mises à disposition de Thene sont toutes intrigantes et participent, à la fois par la diversité de leur profil mais aussi par leur association facilement identifiable avec une figure de jeu traditionnelle, à renforcer l'originalité du récit. L'intérêt que l'on porte à l'histoire va croissant à mesure qu'on réalise qu'une seconde partie est en cours, et que les enjeux de celle-ci vont bien au-delà de la simple obtention d'une place prestigieuse dans une petite ville italienne. le mystère qui entoure la Maison des Jeux et son étrange propriétaire participent évidemment eux aussi à maintenir le lecteur en haleine, et on devine sans peine qu'il s'agit là du fil rouge qui guidera les trois tomes de la trilogie, la partie d'échec en cours n'étant qu'un coup parmi d'autres dans une autre partie, bien plus vaste et bien plus longue. La plume de l'autrice, elle, est agréable et un peu nerveuse, ce qui permet de souligner encore davantage la tension qui imprègne le récit à partir du moment où Thene entame sa partie. de même, le choix de confier la narration à un personnage inconnu, qui semble observer toute la partie en surplomb, et s'adresse régulièrement à l'héroïne par le biais du « tu », renforce le sentiment d'oppression du lecteur, ainsi que sa conviction de l'existence d'enjeux et de règles pour le moment tenus secret mais d'une importance capitale. Thene est pour sa part une héroïne peu ordinaire, distante et froide et pourtant attachante, le lecteur aspirant plus que tout à la victoire finale de cette jeune femme dont le prétendant figure pourtant parmi les plus mal loti en terme d'influence et d'alliés.

Appliquant de façon tout ce qu'il y a de plus littérale l'expression « échiquier politique », Claire North nous offre ici un premier tome captivant mettant en scène une partie d'échec grandeur nature impliquant des joueurs retors, des rois ambitieux en concurrence pour exercer une charge prestigieuse dans la Venise du XVIIe, et des individus/pièces qui doivent être utilisés à bon escient. Il en résulte une intrigue qu'on suit avec un plaisir immense, plaisir qu'on est ravi de pouvoir bientôt prolonger via les autres volumes de cette trilogie de « La Maison des jeux » qui vient rehausser encore un peu plus la qualité (déjà excellente) de la collection « Une Heure Lumière ».
Lien : https://lebibliocosme.fr/202..
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