Nouveau tome tout aussi merveilleux que le précédent. Pour quelqu'un comme moi qui adore la narration poétique et mélancolique de l'autrice, c'est un vrai bonheur de retrouver
Mari Okazaki en français même si le titre n'est pas des plus joyeux.
Kaoru vivote toujours entre son boulot à l'hôpital et son petit job d'indépendante. Monter sa propre affaire n'a rien de simple, l'autrice nous le fait bien comprendre. On découvre combien cela coûte cher, surtout au début, combien il faut y réfléchir et se projeter, anticiper, s'organiser. C'est compliqué. Cela pèse sur Kaoru qui n'a pas forcément besoin de ça. Avec elle,
Mari Okazaki fait vraiment le portrait de cette génération dite "bouche-trou" où les emplois précaires sont légions et les perspectives moindres. C'est cruel mais réaliste, on le voit bien avec cette jeune intérimaire qui est encore obligée de vivre avec sa mère car elle ne peut pas se payer un loyer seul. Une terrible réalité.
Son projet est donc d'autant plus fou. Mais ça fait du bien aussi de voir quelqu'un qui lutte contre ce vers quoi la société la pousse. Sous ses airs doux, naïfs et placides, Kaoru est une petite rebelle qui court après son bonheur pour le fabriquer de ses propres mains. Il faut donc dépasser cette première image un peu froide comme nous y invite l'autrice avec un tome très sensuel et introspectif.
La vie sentimentale de l'héroïne est en effet au coeur de ce nouveau tome. Ayant découvert la nature amoureuse de ses sentiments pour le difficile docteur Yagai, Kaoru refuse cette idée que ce n'est que du désir entre eux et compte bien se faire entendre. Mais pas facile, quand on a quelqu'un d'aussi réfractaire en amour en face de soi. Yagai ne facile rien et complique tout. Avec lui, on ne sait pas sur quel pied danser, ni nous, ni l'héroïne. Cependant on voit bien que leur attirance est inéluctable, car derrière les méchantes paroles qu'il profère sans cesse et les rebuffades, se cachent aussi des regards entendants et une envie de voir Kaoru, d'apprendre à la connaitre, qu'il peine à cacher à l'observateur attentif. Ainsi, on peut détester Yagai, il nous y pousse bien, mais pour ma part, je lui donne sa chance car je sais que c'est le traumatisme de la perte de celle qu'il aimait qui le pousse à être ainsi et j'ai l'espoir de le voir devenir un très beau personnage si on lui laisse sa chance.
Pour nous compter tout cela,
Mari Okazaki fait encore preuve d'une belle virtuosité. L'encre coule à flot comme les sentiments de Kaoru qui s'échappent de son coeur. Il y a des pages vraiment magiques dans ce tome, que ce soit lors de certaines ballades à vélo, lors d'un rapprochement sensuel inattendu, ou au détour d'une discussion de travail où les regards en disent long. La science du découpage de l'autrice fait virevolter les dessins sur les pages, les faisant danser au rythme des sentiments inavoués des personnages. le choix des cadrages magnifie ce que leur corps dit à la place de leur bouche sur ce qu'ils ressentent vraiment. C'est sublime de force et de délicatesse jusque dans les moindres détails, puisque même le choix de la forme et de la place de la bulle ainsi que de son appendice a son importance. Magique !
Je ressors donc à nouveau conquise de cette lecture pourtant assez mélancolique où la vie d'intérimaire précaire en amour et au boulot de l'héroïne a de quoi peser. Mais la force que je ressens dans son désir de liberté et d'indépendance me subjugue et me passionne. Je suis aussi emportée par la puissance de son désir d'être aimée et de s'épanouir. Elle fait de beaux efforts qui me touchent en plein coeur, dépassant la rudesse (et la goujaterie) de l'objet de son affection, le tout sur un trait tellement de délicatesse fourni par
Mari Okazaki que je ne peux qu'admirer chaque planche. Une merveille !
Lien :
https://lesblablasdetachan.w..