C'est un roman qui commence très fort, avec une scène totalement abominable et révoltante.
Il semble qu'il soit grandement autobiographique car Frmesk et
Sara Omar sont nées toutes les deux le 21 août 1986 au Kurdistan, toutes les deux ont une mèche de cheveux blancs.
Dès les premières pages, une phrase
De La Fontaine m'est venue à l'esprit : Selon que vous serez puissant ou misérable… sauf que là ça devient Selon que vous serez homme ou femme… et c'est là tout le problème. Il est des endroits du monde où il n'est pas bon de naître fille.
Je me demande souvent pourquoi les hommes détestent les femmes à tant d'endroits sur terre. Pourquoi ne veulent-ils pas partager ? Ils prennent tout le bon et laissent tout le mauvais aux femmes jusqu'à s'arroger le droit de vie et de mort sur elles.
Frmesk vient au monde en 1986 dans un village paumé du Kurdistan, un endroit du monde qui pue la haine et l'obscurantisme, où religion et superstition atteignent un paroxysme, où la condition des femmes confine au calvaire. Hélas pour Frmesk, elle n'est qu'une fille, c'est à dire rien.
Les femmes vivent dans une peur permanente des hommes tout-puissants et des démons mais aussi du vent et des tempêtes, de tout ce qu'elles interprètent comme des signes maléfiques. Elle prient en groupe pour tenter de faire barrage aux Djinns qui pourraient tenter de s'emparer des âmes des plus fragiles.
Encore une oeuvre extrêmement forte sur la condition féminine, sur le patriarcat toxique, quand la religion est utilisée contre la moitié de l'humanité pour l'asservir et la mépriser.
C'est une histoire révoltante, où l'on se dit que l'autrice est en colère contre l'interprétation arriérée qui est faite du Coran… quoique, à l'énumération de certains versets, certaines sourates, il semble que la croyance prédomine sur la vie humaine, sur le respect de la femme. La religion est en tout cas omniprésente dans tous les instants de la vie, jusqu'à l'oppression.
Ce roman, qui se déroule sur deux époques et deux lieux - 1986 et 2016, Kurdistan et Danemark - est un coup de poing dans la gueule ! Il m'a révoltée, désespérée et fait détester particulièrement ces femmes, ces collabos , qui d'ailleurs se renient elles-mêmes et trahissent leurs filles en prenant fait et cause pour cette injustice instaurée par les hommes, qui considèrent que les femmes sont inférieures et sont leur propriété et que la naissance d'une fille est une malédiction. Ça m'a fait évidemment détester ces hommes qui méprisent les femmes, leurs femmes, et sont incapables d'aimer leurs filles parce qu'elles sont des filles, au point de pouvoir les mutiler pour sauver l'honneur (mais quel honneur, on se demande !!) et même de les tuer, sans le moindre état d'âme.
J'ai eu une infinie compassion pour toutes ces femmes qui subissent le joug des hommes, sans possibilité de se révolter au risque de mourir, car celles qui n'adhèrent pas à ces idées de suprématie masculine mais n'ont pas d'autre choix que de se soumettre .
Et cette douleur d'être femme se passe en partie en pleine guerre au Kurdistan. Comme si l'horreur devait s'ajouter à l'abomination.
Bien qu'extrêmement dur, ce récit n'est pas manichéen pour autant. Il nous montre à quel point un mauvais usage de la religion peut amener à énormément de souffrances, mais il y a aussi des personnages tolérants, ouverts et bons. Notamment Darwésh le grand-père, esprit libre et érudit, et Muhammad, oncle de Frmesk et imam bienveillant, quoique ça reste à voir…
Je vais avoir du mal à me remettre de cette lecture où le malheur et l'injustice transpirent, où aucune mère ne peut plus rien pour sa fille sitôt qu'elle est mariée. J'ai souffert à l'énumération de ces violences faites aux femmes, moi qui ai grandi quand mes "grandes soeurs" du MLF se battait pour nos droits. Il y a tellement à faire que j'ai l'impression que le combat des femmes c'est le rocher de Sisyphe… ça ne finira jamais.
Lien :
http://mechantdobby.over-blo..