Mao était un provincial, un temps modeste employé de bibliothèque, méprisé par les étudiants et les professeurs. Artiste raté, mauvais poète, exécrable calligraphe, il est ravagé par le ressentiment à l'endroit des professeurs, des intellectuels, des universitaires, des experts.
Ajoutons à cela le procès en incompétence qui interdit à l'auteur d'un livre de s'occuper d'un sujet s'il n'en dit pas du bien.
Élogieux, son auteur est compétent ; critique, il est incompétent.
Les thuriféraires veulent de l'encens, à défaut, ils crient au Zyklon B.
Toute critique du maoïsme accusée d'être commanditée par la CIA cesse de devenir une critique crédible puisque propagande américaine, donc capitaliste.
Où l'on retrouve l'argument du pamphlet.
Enfin, il reste le procès d'intention doublé d'une attaque ad hominem : l'auteur a une idée cachée derrière la tête et roule pour un ennemi dont le nom se trouve caché.
De même, les cuistres peuvent trouver une erreur de date, relever une approximation factuelle, pointer une faute tangible dans un livre de trois cents pages pour inférer que la totalité de sa thèse s'effondre...
Outre la note, on pourra aussi prélever une citation sortie de son contexte et, justement en dehors de son contexte, lui faire dire autre chose, sinon le contraire de ce qu'elle dit.
À ce régime, aucun texte, aucune démonstration, aucun auteur ne s'en sort indemne.
Sur le principe formulé par Fouquier-Tinville, l'Accusateur général du Tribunal révolutionnaire pendant la Terreur - " Donnez-moi une phrase de n'importe qui et je me charge de le faire pendre " - , personne ne s'en sort, tout le monde est coupable.
On peut également diffamer l'ouvrage en affirmant que toute affirmation qui ne se trouve pas soutenue par une note en bas de page est une contre-vérité, une imposture, une erreur, un potin, un ragot - comme si la note, visibilité et partie émergée de l'iceberg universitaire, suffisait à conférer la vérité !
Le dernier demi-siècle a connu de grandes polémiques, où les tenants du système ont volé à son secours par le silence, la connivence ou le discrédit.
Le système a défendu le gauchisme culturel en voyant aux gémonies les idéologies qui lui servent de fondations.
Le fascisme historique n'a pas grand chose à voir avec le fascisme hystérique.
Il est d'ailleurs étonnant mais à peine, que les tenants du fascisme historique de gauche soient les promoteurs du fascisme hystérique à gauche.
Car " fasciste " est un signifiant qui dispose d'un signifié historique extrêmement précis : si l'on veut savoir ce qu'est vraiment le fascisme, il faut lire Les Décombres de Rebatet suivi de ses Mémoires d'un fasciste.