"L'hédonisme est à la morale ce que l'anarchisme est à la politique: une option vitale, exigée par un corps qui se souvient."
La force se distingue de la violence car la première sait où elle va, la seconde se soumet aux pulsions sauvages qui l'habitent. Le capitalisme est une violence, la politique est une force.
Il y eut de nouveaux jours avec ce qui faisait les huit heures de tous. Certains qui étaient là depuis trente ou quarante ans avaient fini par se fondre dans le paysage, par devenir des morceaux de l'usine, des fragments de la bête qui soufflait toujours autant ses vapeurs méphitiques et ses brumes fades. Le matériau humain se confondait aux autres, au fer des poutrelles, au bois des palettes, à l'aluminium des cuves, au caillé flasque des fromages, aux mucosités noires qui dégoulinaient sur les murs comme des limaces. Le temps ne passait pas, il reculait même et remontait. Le sable paraissait grimper de l'ampoule inférieure vers l'ampoule supérieure, et cette rétroversion de la durée infligeait au corps une irréfutable régression.
[...] le droit n'est plus au service de l'individu mais de ce qui permet de l'asservir.
...l'économie est devenue une discipline autonome, radicalement séparée. elle a sacrifié, pour prix de son indépendance , le politique et l'histoire, soumettant le réel à la seule loi du marché, interdisant tout gouvernement en dehors de l'administration des affaires courantes.
Le corps devenait une mécanique intégrée dans l'ensemble des fonctions de l'animal : respiration, digestion, circulation, flux d'airs et de vents, d'odeurs et de miasmes, de solides et de liquides, de travail et de douleurs, d'hommes et de femmes. L'usine vivait à la manière d'un Léviathan embusqué dans les marécages. Les doigts pincés dans les clayons bleuissaient puis noircissaient de sang coagulé, les yeux piquaient à force de liquides brûlants instillés sous les paupières, les nerfs et les os du dos vrillaient l'influx et la colonne vertébrale dans les reins, les muscles des bras tremblaient, tétanisés par la réitération de l'effort et la pensée vagabondait, mais toujours ramenée dans mon esprit au travail et aux conditions dans lesquelles elle s'exerçait.
Là où deux êtres se regardent, avant même de se parler, le pouvoir travaille la relation, la mine, la détermine.
Le capitalisme excelle dans la transmutation du temps des esclaves en argent pour les maîtres...
Embusqués, la tête dans les constellations qui les traversent, Deleuze et Foucault pratiquent la météorologie des grands espaces nietzschéens avant de capturer les zébrures de feu dans le ciel, avant, aussi, d'en infuser leurs œuvres à l'aide des fulgurances qui les caractérisent. Avec ce feu volé aux voies lactées et à la voûte étoilée, ils ont entrepris d'entretenir le bûcher dans lequel grillent les promoteurs de l'idéal ascétique, les prédicateurs de mort, les vendeurs d'arrières-mondes, les thuriféraires des vertus qui rapetissent, les contempteurs du corps, les maniaques d'au-delà, et tous ceux qui, après le cri Zarathoustra, se sont remis à genoux et prient, enchaînant litanies sur litanies.
La société industrielle du moment et le capitalisme doivent pouvoir fonctionner sans entrave métaphysique, ontologique, donc politique.