Nous croyons toujours les autres plus heureux qu'ils ne sont.
Tous les jours, le même programme orchestré autour des séances d'habillage, de la messe, des tantes acariâtres, de la promenade, du souper dans les cabinets avec le roi, les ennuyeux et les prudes. Présentations, révérences, grands couverts et grandes loges. Et encore, et encore, un mouvement perpétuel qui la transforme en marionnette.
Les fées penchées sur le berceau de cette princesse étaient des sorcières.
Marie-Antoinette est victime d'un système. Personne n'est mis à mort pour frivolité. Une détestation construite à coups de brosse de Léonard et d'aiguilles de Rose Bertin cache de plus graves et plus anciennes difficultés.
Est-elle l'aristocrate hautaine, à mille lieux des préoccupations du peuple, celle qui aurait lancé "s'ils n'ont pas de pain, qu'ils mangent de la brioche "? M.A n'était ni idiote ni cynique. Quelles que soient ses erreurs, il est peu probable qu'elle ait proféré une remarque aussi vile. Les années passent sur les mots et les déforment.
Marie-Antoinette est une "star". La première d'une longue lignée. La première reine du glamour. La séduction est une qualité que l'on n'explique pas. Elle en sera la victime; On pense à Marilyn Monroe. Deux femmes sensibles, différentes de leur légende, subtiles, enfermées dans leur apparence.
L'une fait délirer les hommes, l'autre la France, mais les deux sont prises dans un piège. Piège de la fonction de reine ou d'actrice, et de leur charme. Elles sont acculées à jouer, sous le regard de la Fox ou de la Cour, un rôle qui les dépasse.
Comprendre l'autre, c'est s'en approcher aussi, lui pardonner, se pardonner. Lever son secret, c'est risquer de découvrir le sien, hagard comme le gibier pris dans un faisceau de lumière.
Les favorites servent d’exutoire aux reines. Plus extravagantes, séductrices, dépensières, aimées du roi, elles catalysent la haine. MA n’a pas de rivale pour la protéger. MA, aussi belle et gâtée qu’une concubine, est en première ligne face à la méchanceté. Elle écope de la haine et de la jalousie qui jadis leur étaient réservées. Elle les déteste et leur ressemble. Elle est excentrique, distrayante, dissipée, séduisante, ce que les reines ne se permettaient pas. Epouse d’un mari fidèle, elle est enviée. Elle n’a même pas à se plaindre…. Comble de l’indécence, c’est MA qui aurait des favoris. Elle renverse les rôles. Déstabilise tout le monde. Ce qui aggrave son cas.
Toute biographie est une illusion.
La souffrance de l'âme rétrécit le champ de vision. Elle rend égoïste.